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Attentats de Paris: le rôle-clé du mystérieux Abou Ahmad

Le Vif

Abou Ahmad: les enquêteurs ne connaissent que son nom de guerre, mais ils soupçonnent cet homme d’avoir orchestré depuis la Syrie la venue en Europe de deux des kamikazes du 13 novembre et de deux autres jihadistes, probablement missionnés pour participer aussi aux tueries de Paris.

Après avoir multiplié les déclarations contradictoires, Adel Haddadi, un Algérien de 28 ans arrêté le 10 décembre dans un centre de réfugiés en Autriche, livre deux mois plus tard une version glaçante aux enquêteurs: il a cherché fin septembre à gagner la France depuis la Syrie pour « accomplir une mission », « faire quelque chose pour le bien de Dieu », d’après sa déposition, révélée par le Washington Post et dont l’AFP a eu connaissance.

Selon une source proche de l’enquête, « il devait vraisemblablement participer aux tueries de Paris avec ses compagnons de voyage », Mohamad Usman, un Pakistanais interpellé avec lui en Autriche, et deux Irakiens, non identifiés, qui se feront exploser près du Stade de France à Saint-Denis (nord de Paris) le soir du 13 novembre.

Abou Ahmad, dont l’identité reste inconnue, a joué un rôle de premier plan dans le périple des quatre hommes, selon les déclarations d’Haddadi. Il les a mis en contact avec les passeurs, leur a remis de l’argent et des téléphones portables, leur a dit où se procurer les faux passeports qui leur permettront de gagner l’Europe en se glissant parmi le flux des réfugiés syriens.

L’homme intéresse au plus haut point les enquêteurs. Son numéro de téléphone, retrouvé dans la poche d’un des kamikazes du Stade de France et dans le portable d’Haddadi, est connu depuis plusieurs mois des services de renseignement français pour être lié au groupe État islamique (EI).

Son numéro avait aussi été découvert dans le répertoire d’un proche d’Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attaques du 13 novembre, à l’occasion d’un coup de filet à Athènes en janvier 2015 lors du démantèlement de la cellule jihadiste de Verviers qui projetait un attentat en Belgique, d’après Le Monde.

Le périple d’Haddadi commence en février 2015 lorsqu’il quitte Alger pour Istanbul avant de rejoindre la Syrie. Après être passé par un camp d’entraînement de l’EI, où il a « démonté et assemblé » des kalachnikov, il rejoint les autres membres du commando fin septembre à Raqqa.

2.000 euros pour poursuivre le voyage vers la France

Les quatre hommes franchissent sans encombre la frontière turco-syrienne grâce à la complicité de passeurs turcs. A Izmir, ils retrouvent un certain Walid, chargé par Abou Ahmad de les convoyer par bateau en Grèce. « Nous avons dû attendre dans un fourré avec cinquante personnes », raconte Haddadi.

A leur arrivée sur l’île de Leros, le 3 octobre, les futurs kamikazes du Stade de France franchissent les contrôles sans problème, mais la police grecque découvre que les passeports d’Haddani et d’Usman sont des faux et les placent en détention.

Durant leur incarcération, le contact avec Abou Ahmad n’est pas rompu: ils correspondent via une application cryptée et ce dernier leur envoie 2.000 euros pour que « nous poursuivions notre voyage vers la France ».

Libérés le 28 octobre, Haddadi et Usman gagnent l’Autriche où ils demandent l’asile le 14 novembre.

Mais, la veille, leurs compagnons de voyage se sont fait exploser près du Stade de France et leurs faux passeports été retrouvés près de leur corps. Les enquêteurs s’intéressent alors aux 198 migrants passés, comme eux, le 3 octobre par l’île de Leros et identifient rapidement Haddani et Usman qui se trouvent toujours dans le camp de réfugiés de Salzbourg, où ils sont arrêtés le 10 décembre.

Usman est soupçonné d’être un artificier pour le groupe pakistanais Lashkar-e-Taïba (LeT) accusé par l’Inde d’être responsable des attentats de Bombay en 2008. Lui dit avoir voulu « venir en Autriche et vivre ici ».

Un mandat d’arrêt européen devrait être prochainement délivré par les juges français afin que les deux hommes soient transférés en France, selon une source proche du dossier.

Avec Salah Abdeslam dorénavant incarcéré en France, la justice française aurait alors à sa disposition trois suspects-clés dans l’enquête sur les pires attentats de l’histoire de France.

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