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Attentat Moscou : « La politique antiterroriste de Poutine ne marche pas »

Pour les experts russes, l’opposition libérale et le Parti communiste, l’attentat de l’aéroport de Moscou démontre une nouvelle fois l’inefficacité de la politique russe dans le Caucase du Nord. Et les carences des services secrets.

Au moins 35 personnes ont été tuées et 126 blessées ce lundi lors de l’attentat kamikaze dans la zone d’arrivée des vols internationaux de l’aéroport de Domodedovo.

Contacté par L’Express quelques instants après l’explosion, l’analyste Andrei Soldatov, s’est dit « guère surpris ». « Ce n’est pas une grande surprise car la pratique des attentats kamikazes est revenue en force en 2010 tant dans la région du Caucase du Nord qu’à Moscou, observe ce spécialiste des services secrets russes qui est aussi le fondateur du site agentura.ru consacré aux services d’espionnage. Rappelons que le 29 mars 2010, deux attentats suicide avaient fait 40 morts et plus de cent blessés dans le métro de la capitale.

Pourtant, en 2009, le gouvernement avait annoncé la fin des opérations anti-terroristes en Tchétchénie. Et annoncé que la situation était sous contrôle dans le Caucase du Nord. « En réalité, les choses se sont considérablement dégradées en 2009 et en 2010, souligne Soldatov. Dans le Caucase du Nord, le nombre d’attentats a quadruplé en 2010. Et pour la seule région de Kabardino-Balkarie, il a quintuplé! »

En réalité, depuis une décennie, le rythme des attentats n’a jamais vraiment faibli. A l’image de la France des années 1990, la Russie doit apprendre à vivre au rythme du terrorisme. Cependant, c’est la première fois que l’un des trois aéroports de la capitale est frappé par un attentat. Du moins, au sol! Le 24 aout 2004, en effet, deux avions de ligne russes, qui avaient décollé de ce même aéroport de Domodedovo (l’un à destination de Volgograd; l’autre à destination de Sotchi, dans le Caucase) avaient explosé en plein vol environ une demi-heure après leur départ. Bilan de cette tragédie: 89 morts.

L’impuissance des services secrets

Malgré l’absence de revendication, tout indique que les auteurs de l’attentat de ce lundi 24 janvier proviennent du Caucase. « Si tel est bien le cas, cela démontre que la politique russe dans cette région ne donne pas de résultat, avance pour sa part l’analyste indépendant Alexandre Goltz, l’un des meilleurs experts russes pour les questions militaires. Cette politique repose sur la logique suivante, imaginée par Vladimir Poutine: le gouvernement confie les clefs du Caucase à des dirigeants qui lui sont fidèles et peuvent agir au mépris du droit, pourvu qu’ils lui garantissent que les actes terroristes se limiteront au seul Caucase. » Or, comme l’a également prouvé l’attentat contre le train Nevski-Express reliant Moscou à Saint-Pétersbourg le 28 novembre 2009 (26 morts), les attentats dépassent largement les frontières du Daguestan, de la Tchétchénie ou de la Kabardino-Balkarie.

L’attentat de l’aéroport de l’attentat de Moscou démontre également que les services secrets russes ne parviennent pas à infiltrer les réseaux clandestins caucasiens, qui sont loin d’être détruits. « Il y a lieu de s’inquiéter pour les Jeux Olympiques d’hiver de 2014 qui se dérouleront à Sotchi, au bord de la Mer Noire, non loin de la poudrière caucasienne », reprend d’ailleurs Andrei Soldatov.

Quoi qu’il en soit, et malgré l’échec de sa politique, Vladimir Poutine n’est aucunement affaibli. « Au contraire, après les attentats du métro de Moscou, en mars dernier, le Premier ministre avait multiplié les déclarations martiales. Et le tous les dirigeants russes avaient fait mine de croire que la situation était maitrisée. » L’attentat suicide de Domodedovo montre qu’il n’en est rien.

L’opposition libérale et le PC dénoncent également la politique de Poutine

Mettant en cause l’incapacité du gouvernement à assurer « la sécurité des citoyens », le député communiste Vladimir Oulas a réclamé à la Douma la convocation devant la chambre basse du Premier ministre Vladimir Poutine, du ministre de l’Intérieur Rachid Nourgaliev et du directeur du FSB (service fédéral de sécurité) Alexandre Bortnikov, selon l’agence Interfax.

« Le gouvernement s’est avéré totalement indigent dans le domaine de la lutte contre la corruption, qui est un terrain sur lequel prospère le terrorisme », a-t-il déclaré.

L’incompétence du gouvernement réside également dans « une politique économique qui entraîne un chômage colossal et la misère dans le Caucase », a-t-il ajouté.

Le PC est la principale force d’opposition à la Douma, par ailleurs largement dominée par le parti Russie unie présidé par M. Poutine.

Le parti d’opposition libérale Pravoe Delo (Juste cause) a également vu dans l’attentat de lundi l’illustration de l’incompétence du pouvoir. « On ne peut que constater que les leçons n’ont pas été tirées des précédents attentats. Le pouvoir et les services spéciaux continuent de faire preuve de leur incompétence et de leur impuissance », a déclaré ce parti dans un communiqué.

Le Vif.be, avec L’Express.fr et Belga

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