La zone de l'explosion dans le centre touristique et commercial de Bangkok, ceinturée par la police. © AFP/Christophe Archambault

Attentat meurtrier à Bangkok: un suspect identifié par des caméras de surveillance

La police recherchait mardi un « suspect » identifié grâce aux images de vidéo-surveillance après « la pire attaque jamais » commise en Thaïlande d’après le chef de la junte au pouvoir, et qui a fait au moins 21 morts à Bangkok. Et ce alors qu’un nouvel petit engin explosif a été lancé sur des passants près d’une station de métro aérien dans le centre de Bangkokn ce mardi.

L’attaque a eu lieu à la tombée du jour, lundi, au sein d’un sanctuaire à ciel ouvert, lieu très fréquenté de la capitale thaïlandaise. A cette heure de pointe, la foule des employés et des cadres de la capitale croise celle des touristes étrangers, attirés par les immenses centres commerciaux et les hôtels de luxe à proximité. Les autorités thaïlandaises estiment que les auteurs de l’attentat visaient les « étrangers » et voulaient « porter atteinte au tourisme », l’un des rares secteurs en bonne santé d’une économie thaïlandaise en berne.

Au total, onze étrangers figurent parmi les 20 victimes: quatre Malaisiens, trois Chinois, deux Hong-Kongais, un Singapourien, et un Indonésien ont été tués, d’après la police. Six Thaïlandais ont été également tués. Et trois corps restaient encore non identifiés.Plus de 120 personnes ont également été blessées.

Explosion d’un nouvel engin explosif

En début d’après-midi, c’est une autre zone touristique de la ville, proche de la rivière, qui a été touchée. Un petit engin explosif, lancé sur des passants près d’une station de métro aérien a explosé sans faire de victimes.

Le cours du baht thaïlandais s’est effondré mardi touchant un plus bas depuis six ans.

Un suspect filmé par une caméra de surveillance

« Cette attaque est la pire jamais » commise, a déclaré devant des journalistes Prayut Chan-0-Cha, chef de la junte et Premier ministre depuis le coup d’Etat de mai 2014, évoquant l’attentat de lundi soir. D’après ce dernier, un suspect a été identifié grâce aux images des nombreuses caméras de surveillance de la capitale.

La police a fait circuler des images montrant un jeune homme vêtu d’un T-shirt jaune et transportant un sac à dos à proximité du site peu avant l’explosion. Sur d’autres images plus tardives, il n’a plus son sac à dos.

Les autorités cherchent à identifier aussi les auteurs des messages Facebook mettant en garde d’un danger imminent à Bangkok avant l’explosion. Ces publications proviennent d’un « groupe anti-junte » basé dans le nord de la Thaïlande. « Nous sommes à leur recherche maintenant, certains d’entre eux sont en Issan (nord-est du pays) », a-t-il ajouté.

Aucune revendication

La Thaïlande, pays très divisé, est le théâtre de violences politiques meurtrières depuis environ une décennie.

Le nord-est du pays est le bastion des Chemises rouges, qui soutiennent l’ancien gouvernement chassé du pouvoir après des mois de manifestations lors du coup d’Etat.

L’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, qui s’est exilé pour fuir des poursuites judiciaires, et sa famille sont notamment au coeur des fractures du royaume. Soutenus par le puissant mouvement des Chemises rouges, ils ont remporté toutes les élections depuis 2001 mais sont détestés par l’élite.

« Même si elles (les Chemises rouges) sont acharnées à faire tomber le gouvernement, je ne les vois pas cibler un sanctuaire religieux hindou ou autre », a estimé auprès de l’AFP Zachary Abuza, expert indépendant du terrorisme du sud-est asiatique.

Aucun groupe n’a pour l’instant revendiqué l’attentat mais les autorités ont indiqué que le mode opératoire ne ressemblait pas aux attentats fréquents dans le sud du pays.

Cette région limitrophe de la Malaisie est en proie à un conflit qui a fait plus de 6.300 morts depuis 2004. Et aucune attaque n’a jamais été confirmée à l’extérieur de cette région malgré les années de guerre.

« La bombe visait à tuer autant de personnes que possible, puisque le sanctuaire est bondé aux alentours de 06 et 07H00 le soir », a déploré mardi matin le porte-parole de la police Prawut Thavornsiri, qui a précisé que le nouveau bilan était de 20 morts et 125 blessés.

Mardi, le site de l’explosion restait bouclé alors que des dizaines d’experts étaient à pied d’oeuvre, cherchant à collecter des indices sur la bombe de trois kilos, qui a explosé à proximité de la grille extérieure du lieu. Construit en 1956, ce temple très populaire dédié au dieu hindou Brahma, attire chaque jour des milliers de fidèles bouddhistes.

Dans les rues du centre-ville de Bangkok, de nombreuses forces de police avaient été déployées et des centaines d’écoles fermées. Dans un centre de la Croix rouge, des centaines de Thaïlandais faisaient la queue pour donner leur sang.

« Cela ne devrait pas arriver au peuple thaïlandais », a déploré auprès de l’AFP Kulsitthiwong, vendeur de téléphones portables, en larmes dans la file.

L’insurrection séparatiste dans l’extrême sud a fait plus de 6.000 victimes

L’identité des poseurs de la bombe qui a fait au moins 21 morts, lundi, dans le centre de Bangkok n’est pas connue, mais plusieurs hypothèses circulent. Parmi celles-ci, la piste des séparatistes musulmans de l’extrême sud a été évoquée. Il s’agirait toutefois d’un changement radical dans la stratégie de ces insurgés, dont aucune attaque n’a jamais été confirmée en dehors de l’extrême sud du royaume.

Depuis plusieurs années, une partie du sud du pays est en effet en proie à un conflit bien souvent oublié sur la scène internationale. Ce dernier a pourtant fait plus de 6.300 morts depuis 2004, frappant indistinctement bouddhistes et musulmans, soldats et civils, dans des explosions, fusillades ou opérations des forces de l’ordre.

Dans cette région rattachée à la Malaisie jusqu’au début du XXe siècle, la Thaïlande majoritairement bouddhiste a mené une politique d’assimilation des musulmans autochtones à marche forcée ou à coups d’incitations financières.

Les insurgés musulmans ne font pas partie d’un mouvement djihadiste mondial, mais se rebellent car ils estiment que leur ethnie malaise est discriminée dans un pays essentiellement bouddhiste. La population locale, notamment la minorité bouddhiste ou des musulmans occupant des fonctions administratives, est très souvent prise pour cible par les rebelles.

Les différents rounds de négociations lancés en 2013 par le dernier gouvernement civil avec certains représentants des insurgés musulmans ont tous échoué. L’arrivée au pouvoir de la junte militaire, à la suite d’un coup d’Etat en mai 2014, ne semble pas fournir un climat favorable à une évolution de la situation, estiment de nombreuses ONG.

La junte a notamment distribué fin 2014 des centaines de fusils d’assaut à des villageois du sud du pays. « Ils ont besoin d’armes pour leur auto-défense… Ils ne peuvent pas juste se battre avec des bâtons de bois », avait déclaré à l’époque Banphot Phunphien, porte-parole du Commandement interne des opérations de sécurité (ISOC), unité de l’armée chargée de la sécurité intérieure pour justifier cette action. Au moins 2.700 fusils d’assaut ont été distribués. La plupart sont allés à des villageois musulmans, chargés de « protéger les gouverneurs et chefs de districts », souvent pris pour cibles par les rebelles car considérés comme des collaborateurs. Cette mesure a été fortement critiquée par les ONG locales, qui l’ont estimée en contradiction avec la volonté proclamée de la junte de parvenir à la paix avec les rebelles.

L’extrême sud est par ailleurs soumis à un état d’urgence depuis des années, permettant la détention de suspects sans inculpation pendant plus de cinq semaines. Cette culture de l’impunité est également largement dénoncée par les défenseurs des droits de l’Homme.

Au petit matin, mardi, des experts de la police thaïlandaise étaient à pied d’oeuvre sur le site de l’explosion de Bangkok à la recherche d’éléments matériels susceptibles de les aider à découvrir qui sont les auteurs de l’attentat.

« Il est trop tôt pour relier la bombe à une attaque terroriste car aucun groupe n’est venu en revendiquer la responsabilité jusqu’ici », a déclaré mardi Werachon Sukhondhapatipak, porte-parole du gouvernement. « La fabrication de la bombe ne semble pas similaire à celles employées dans le sud », a-t-il toutefois ajouté.

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