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Attentat de Nice: un tueur « rapidement radicalisé » qui « montre l’extrême difficulté de la lutte antiterroriste »

Le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a déclaré samedi que l’auteur de l’attentat de Nice, revendiqué par le groupe Etat islamique, « semblait » s’être « radicalisé très rapidement » et a évoqué « un attentat d’un type nouveau » qui « montre l’extrême difficulté de la lutte antiterroriste ».

Le Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a provoqué la mort de 84 personnes au volant de son camion jeudi soir, « n’était pas connu des services de renseignement car il ne s’était pas distingué, au cours des années passées, soit par des condamnations soit par son activité, par une adhésion à l’idéologie islamiste radicale ».

« Il semble qu’il se soit radicalisé très rapidement. En tout cas, ce sont les premiers éléments qui apparaissent à travers les témoignages de son entourage », a ajouté le ministre. Bernard Cazeneuve a constaté que, désormais, « des individus sensibles au message de Daech s’engagent dans des actions extrêmement violentes sans nécessairement avoir participé aux combats, sans nécessairement avoir été entraînés ».

Le mode opératoire est également nouveau. « Il n’y a eu l’utilisation ni d’armes lourdes ni d’explosifs et, par conséquent, le traumatisme occasionné par la manière dont ce crime extrêmement violent a été commis choque profondément les Français. Et, en même temps, nous montre l’extrême difficulté de la lutte antiterroriste », a-t-il poursuivi.

La revendication de l’EI est « vague » mais a priori pas « opportuniste »

L’organisation Etat islamique a revendiqué samedi de manière assez « vague » l’attaque au camion qui a tué 84 personnes sur la Promenade des Anglais à Nice, mais ne s’est jusqu’ici jamais attribué des attaques de façon « opportuniste », selon deux experts interrogés par l’AFP.

« L’auteur de l’opération (…) menée à Nice en France est un soldat de l’Etat islamique. Il a exécuté l’opération en réponse aux appels lancés pour prendre pour cible les ressortissants des pays de la coalition qui combat l’EI », affirme l’agence Amaq, liée au groupe jihadiste, citant une « source de sécurité ».

Jusqu’ici, l’Etat islamique a fait la distinction entre « soldat » et « sympathisant », entre « revendication » et communiqué de « félicitations », explique à l’AFP David Thomson, spécialiste du jihadisme et auteur du livre « Les Français jihadistes ».

Ici, « le message est un peu contradictoire », estime David Thomson, car si la revendication présente le tueur de Nice comme un « soldat », laissant présager une forme d’allégeance à l’EI, l’organisation précise plus vaguement qu’il a agi « en réponse aux appels » de l’EI. En 2014, le porte-parole officiel de l’organisation Abou Mohammed Al-Adnani encourageait à utiliser n’importe quelle arme disponible, notamment les « voitures », pour tuer.

« La revendication est vague et ne permet pas de savoir si l’attentat a été commandité ou seulement inspiré des appels à frapper la France lancés par l’EI », remarque aussi Yves Trotignon, ancien analyste du service antiterroriste de la DGSE.

« Jamais » de revendication à tort

L’organisation n’est « pas forcément commanditaire » des attentats qu’elle revendique, résume David Thomson, mais, selon les deux experts, elle n’a « jamais » revendiqué à tort une attaque.

« Si l’EI le faisait, cela démontrerait sa fébrilité, ce qui ne semble pas être le cas », note Yves Trotignon.

« Plusieurs fois », avance David Thomson, « ils ont eu la possibilité de revendiquer une attaque qu’ils n’ont pas menée, par exemple le crash de l’avion Egyptair », abîmé en Méditerranée en mai, « mais ne l’ont pas fait, alors que les autorités égyptiennes avaient montré du doigt la piste islamiste ».

Et dans le cas d’une attaque simplement « initiée par leur propagande, il n’y a pas forcément de revendication claire. Par exemple, après l’attaque de San Bernardino » – en décembre, deux musulmans avait ouvert le feu dans un centre de soins pour handicapés en Californie – l’EI s’était uniquement « félicitée » d’un attentat commis par des « sympathisants ».

« Quand une revendication intervient, dans la plupart des cas, le communiqué est suivi d’éléments de preuve, des photos ou vidéos permettant d’accréditer un lien entre le terroriste et l’organisation », prévient David Thomson.

Le cas niçois est « peut-être similaire à Magnanville », en référence au meurtre en juin de deux policiers en région parisienne, suggère-t-il. Le meurtrier, le jihadiste Larossi Abballa, « juste quelques minutes après son acte, avait demandé sur Facebook à ses contacts de prévenir les brigades médiatiques de l’EI ». L’organisation avait revendiqué l’action d’un « combattant de l’Etat islamique ».

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n’était pas connu des services de renseignement et des voisins ont évoqué un profil déséquilibré. Un tel profil « n’empêche pas d’être jihadiste », répond David Thomson. Et « il y a des gens qui sont dans la discrétion ou se radicalisent extrêmement rapidement ».

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