Les enquêteurs inspectant le camion ayant servi à l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 © Belga Image

Attentat de Nice: le profil « radical » du tueur se précise, dans un climat politique qui s’envenime

Le Vif

Le tueur de Nice a marqué « un intérêt certain » pour le jihadisme dans les semaines précédant son carnage méticuleusement préparé, selon l’enquête sur l’attentat du 14 juillet, autour duquel le climat politique s’envenime en France.

Quatre jours après l’attaque, la plus meurtrière en Europe depuis les attentats du 13 novembre à Paris et du 22 mars à Bruxelles, l’opposition de droite a réclamé lundi soir une commission d’enquête parlementaire sur la tragédie de la capitale de la Côte d’Azur (sud-est).

Dans la journée, le Premier ministre socialiste Manuel Valls a été visé par quelques huées à Nice. L’exécutif se prépare à un débat houleux mardi et mercredi à l’Assemblée nationale puis au Sénat sur la prolongation de l’état d’urgence en vigueur depuis huit mois dans le pays.

Si le tueur de Nice a été adoubé par le groupe Etat islamique (EI), qui a revendiqué l’attaque, « aucun élément de l’enquête ne démontre à ce stade une allégeance de Mohamed Lahouaiej Bouhlel à l’organisation terroriste », a déclaré lundi le procureur de Paris, François Molins.

Le magistrat, qui chapeaute l’enquête, a souligné en revanche que « l’exploitation de son ordinateur illustre un intérêt certain et récent pour la mouvance jihadiste radicale ».

Ce Tunisien de 31 ans résidant à Nice depuis une dizaine d’années a ainsi multiplié entre le 1er et le 13 juillet les recherches de chants religieux utilisés comme outils de propagande par le groupe Etat islamique. Il s’est aussi mis en quête de vidéos d’attaques récentes, comme le massacre perpétré le 12 juin par un tireur radicalisé contre une boite gay d’Orlando (Etats-Unis), ou l’assassinat un jour après d’un policier français et sa compagne par un jihadiste en région parisienne.

Le magistrat a par ailleurs mentionné des témoignages selon lesquels le tueur, pas connu jusqu’alors pour sa religiosité, s’était laissé pousser la barbe « depuis huit jours » et avait dit « être habitué » à voir des vidéos de décapitation.

Atmosphère politique empoisonnée

La minute de silence observée dans toute la France lundi midi, au dernier jour du deuil national décrété après l’attentat de Nice, n’a constitué qu’un répit éphémère dans un pays à l’atmosphère empoisonnée par la polémique sur l’efficacité de la lutte antiterroriste.

Sur la Promenade des Anglais, théâtre du massacre, 42.000 personnes se sont rassemblées en mémoire des victimes, dont dix enfants et adolescents, mais au silence et à l’émotion ont succédé des cris de colère.

Manuel Valls, présent sur place, a été la cible de quelques huées et appels à la démission. Le chef du gouvernement a dénoncé « l’attitude peu spontanée d’une minorité ». Un élu local de l’opposition de droite a porté le même jugement, pointant du doigt des sympathisants du Front national (FN), parti d’extrême droite très implanté à Nice.

Mais cet incident illustre la tension régnant en France, frappée pour la troisième fois depuis janvier 2015 par des tueries de masse qui ont fait plus de 230 morts. En fauchant avec son camion la foule venue célébrer la fête nationale, Mohamed Lahouaiej Boulhel a tué le 14 juillet 84 personnes et blessé plus de 300 autres, dont 19 sont toujours entre la vie et la mort, selon les autorités.

Le procureur Molins a confirmé « le caractère prémédité » de l’attentat, « pensé et préparé » par son auteur qui avait effectué des « repérages » deux jours avant le massacre et pris quatre selfies sur la Promenade des Anglais dans les heures qui l’ont précédé.

A neuf mois de l’élection présidentielle, le climat politique ne cesse de se détériorer en France. L’opposition de droite et d’extrême droite accusent les autorités de n’avoir pas assez fait pour prévenir de nouvelles attaques. « Rien ne doit rester dans l’ombre », a exigé le parti Les Républicains de Nicolas Sarkozy pour justifier sa demande de commission d’enquête parlementaire. Dimanche, l’ex-chef de l’Etat avait estimé que « tout ce qui aurait dû être fait depuis 18 mois ne l’a pas été ».

Hollande appelle à ‘la dignité’

La droite se dit prête à voter la prolongation de l’état d’urgence réclame au moins six mois supplémentaires, et un durcissement des mesures prévues par ce régime d’exception.

Le gouvernement a prévu pour l’instant une prolongation de trois mois de l’état d’urgence, mais des sources politiques ont indiqué lundi soir que cette mesure devrait être prolongée jusqu’à début 2017.

Le président François Hollande a répliqué aux critiques en invoquant « une obligation de dignité et de vérité dans la parole publique ».

Les autorités se défendent depuis plusieurs jours de tout laxisme dans la lutte antiterroriste, soulignant que « 100.000 policiers, gendarmes et militaires sont mobilisés pour assurer la sécurité » en France. « Nous continuerons à mener une lutte implacable contre Daech (acronyme arabe de l’EI) à l’intérieur et à l’extérieur », a répété le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, indiquant que la France, membre de la coalition internationale anti-jihadistes, poursuivait « tous les jours » ses frappes en Irak et en Syrie.

Selon le gouvernement, « 16 attentats ont été déjoués » sur le sol français depuis 2013.

L’enquête tente de cerner les éventuelles complicités du tueur de Nice. Lundi, six personnes étaient toujours en garde à vue, dont un Albanais soupçonné d’avoir fourni à Mohamed Lahouaiej Boulhel un pistolet avec lequel il a tiré sur des policiers avant d’être abattu.

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