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Arrivés au bout de l’Europe, des migrants font demi-tour

Le Vif

Arrivés au bout de l’Europe en Laponie, à la frontière suédo-finlandaise, des centaines de migrants font demi-tour, rebutés par une Finlande qui leur paraît froide, morne ou même hostile.

« Vous pouvez dire au monde que je déteste la Finlande. Il fait trop froid, il n’y a pas de thé, pas de restaurants, personne dans les rues, rien que des voitures », dit Muhammed, 22 ans, interrogé sous le ciel bas et les températures fraîches de la Laponie finlandaise.

Il est revenu à Tornio après être descendu jusqu’à la capitale finlandaise Helsinki, 750 kilomètres plus au sud. Il aurait volontiers pris un raccourci, un ferry entre Stockholm et Helsinki, mais il faut des papiers pour embarquer. Ces dernières semaines, certains sont montés jusqu’à Haparanda, dans l’extrême nord-est de la Suède, non loin du cercle polaire, avec l’intention de franchir la frontière à Tornio, et ont fait demi-tour. Après avoir traversé tout le continent dans le but de rejoindre la Finlande, ils l’ont seulement aperçue. Certains, le 19 septembre, ont renoncé à y entrer en voyant des manifestants hostiles à l’immigration. D’autres ont bien foulé le sol finlandais, mais ont quitté le pays en refusant d’y déposer une demande d’asile. « La Finlande, c’est pas bien », affirment à la gare routière commune aux deux villes frontalières un groupe de quelque 15 Irakiens qui dit vouloir regagner le sud de la Suède.

La Suède a à peu près le même climat que sa voisine, mais une plus longue histoire d’immigration et d’intégration. Et il est difficile d’y imaginer une « barrière humaine » pour protester contre l’arrivée d’immigrés.

Pire, dans la nuit de jeudi à vendredi, un bus arrivant devant un nouveau centre pour demandeurs d’asile à Lahti (sud-est de la Finlande) a été accueilli par une quarantaine de manifestants, dont un habillé comme le Ku Klux Klan, qui ont jeté des pétards.

Un millier de migrants en ville

Les autorités finlandaises ont constaté une hausse des annulations de demandes d’asile. Impossible pour elles de savoir combien de personnes font ce demi-tour vers la Suède, en particulier le nombre de ceux qui quittent le pays sans avoir eu de contact avec l’administration. D’après le directeur de l’asile aux services de l’immigration, Esko Repo, « jusqu’à la semaine dernière environ 200 demandes d’asile de demandeurs irakiens avaient expiré », ce qui signifie que les demandeurs les ont annulées ou sont impossibles à localiser. La Finlande a été surprise par l’afflux de demandes, 14.000 pour l’instant cette année, chiffre qui pourrait grimper jusqu’à 30.000, soit huit fois plus qu’en 2014. Mais cette prévision pourrait être démentie par l’allongement des files d’attente et, selon les médias, les propos ou vidéos sur Facebook d’Irakiens qui tentent depuis Helsinki de décourager leurs compatriotes de les rejoindre. Les 500 personnes arrivant à Tornio chaque jour ont mis à rude épreuve les infrastructures de cette ville paisible de 20.000 habitants, même si beaucoup ne font que passer. Il y aurait en permanence un millier de migrants en ville, selon la police. Pour une habitante de 66 ans disant s’appeler Kirsti, la situation était « hors de contrôle » avant une reprise en main par les autorités. « J’ai eu peur et j’ai évité d’aller faire mes courses le soir parce qu’on ne sait pas qui sont ces gens », confie-t-elle. Certains commerçants ont accusé des « basanés » ou des « types venus du Sud » de larcins ou de harcèlement envers les femmes, mais d’après d’autres habitants, il n’y a pas plus d’insécurité.

« Je n’ai pas vu de troubles mais je ne sais pas pourquoi ils viennent ici à l’heure où même nos propres habitants partent », considère Matti Alaviuhkola, cordonnier.

Nouveaux centres chaque semaine

La Finlande a ouvert en ville un centre d’enregistrement mardi, voulant contraindre tous les arrivants à s’enregistrer avant d’aller ailleurs sur le territoire national. Des dizaines de policiers, garde-frontières, douaniers et militaires sont venus effectuer des contrôles d’identité, un demi-siècle après la disparition des postes-frontières.

À la descente de chaque bus arrivé de Suède, les étrangers n’échappent pas à cet enregistrement, des chiens policiers et des soldats s’assurant que personne ne prend la clé des champs. La Finlande est contrainte d’investir pour ouvrir de nouveaux centres d’accueil chaque semaine. Certains électeurs se demandent si un pays en crise peut se les payer. « On devrait fermer la frontière et vérifier qui sont ces gens. Les Irakiens devraient être renvoyés directement puisque leur pays n’est pas en guerre », estime Eero Yrjänheikki, ouvrier et manifestant anti-immigrés.

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