Donald Trump. © AFP

Armes à feu: Donald Trump va-t-il s’opposer à la NRA ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Depuis la fusillade en Floride, le débat fait rage aux Etats-Unis autour du contrôle des armes à feu. Même le Président semble être de la partie. Mais une révision du second amendement est-elle vraiment possible ?

Depuis la tuerie au lycée de Parkland, en Floride, la lutte contre les armes à feu est au centre du débat public aux Etats-Unis. Si les Présidents, quels qu’ils soient, ont toujours tenté de faire profil bas et évité de réagir publiquement sur cette question, Donald Trump semble lui plus que jamais prêt à agir. Mais les mesures que propose ou met en avant le Président pourraient se révéler limitées. Surtout si on prend en compte la pression qu’il subit de la NRA, le lobby des armes.

Prudence sur l’interdiction des fusils d’assaut

Si les survivants de la fusillade militent pour l’interdiction des fusils d’assaut, un tel revirement de situation n’aura pas lieu. En tout cas, pas tant que le Congrès et la Maison Blanche seront contrôlés par les républicains, généralement fervents défenseurs du second amendement, celui qui autorise le port d’armes aux Etats-Unis. Pratiquement aucun législateur du Parti républicain n’a d’ailleurs osé s’engager sur ce terrain, y compris Donald Trump, qui s’est bien gardé de toute promesse sur le sujet.

« On va regarder », a-t-il déclaré à la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, qui lui faisait remarquer la baisse des tueries enregistrées après que le Congrès eut adopté en 1994 une loi bannissant durant 10 ans les fusils d’assaut. Ils sont aujourd’hui légaux dans plus de 40 Etats. Au niveau des statistiques, on retrouve des fusils d’assaut dans les six derniers grands massacres perpétrés dans le pays.

Quelles sont les mesures envisagées ?

Loin d’être silencieux sur le débat des armes à feu comme nombre de ses prédécesseurs, Donald Trump a mis sur la table quelques idées. Une d’elle a d’ailleurs fait grand bruit : armer les enseignants. Elle a été jugée ridicule ou dangereuse par les fédérations enseignantes et certains responsables policiers. Cette mesure est, au contraire, soutenue par la National Rifle Association (NRA), le premier lobby des armes aux Etats-Unis. Une loi fédérale sur le sujet sera difficile à mettre en oeuvre, mais est réalisable à un niveau local.

Armes à feu: Donald Trump va-t-il s'opposer à la NRA ?
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Nombreux sont ceux qui préconisent d’élever l’âge minimum pour acheter des armes à feu à 21 ans. Selon la loi fédérale américaine, il est possible d’acquérir un fusil d’assaut à partir de 18 ans, alors qu’il faut, par exemple, avoir au moins 21 ans pour acheter une arme de poing. La NRA y est farouchement opposée, tandis que les parlementaires républicains accueillent froidement cette hypothèse. Le président américain a quant à lui donné des signaux contradictoires. Lors d’une discussion avec des parlementaires à la Maison Blanche, il a estimé que l’idée avait du mérite. Une avancée de courte durée. En effet, après une réunion avec la NRA qualifiée de « bonne » et « grande » par Donald Trump, le directeur du lobby Chris Cox a assuré sur son compte Twitter que le président « ne voulait pas de contrôle des armes » et avait changé d’avis.

https://twitter.com/ChrisCoxNRA/status/969393625611333632Chris Coxhttps://twitter.com/ChrisCoxNRA

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Contrôler les antécédents des acquéreurs d’armes est également sur la table. Une mesure ayant une portée relativement mineure, mais une chance d’avancée plus probable. Une vaste majorité des Américains y sont d’ailleurs favorables, tout comme le président et des élus des deux côtés de l’échiquier politique. L’objectif est de pallier les carences dans les contrôles fédéraux des antécédents judiciaires et psychiatriques des acheteurs avant d’autoriser toute vente d’armes. Le Congrès débat d’une proposition de loi présentée par le sénateur républicain John Cornyn et son collègue démocrate Chris Murphy. Mais ce procédé a également ses limites. En effet, contourner la loi restera possible, notamment en achetant une arme en ligne ou dans une foire itinérante.

Donald Trump a aussi exprimé son envie de « retirer leurs armes » aux personnes représentant des risques. Les sénateurs républicain Marco Rubio et démocrate Chuck Schumer ont appelé à la création d’une loi qui autoriserait la police et les familles des personnes dangereuses à les désarmer temporairement. « Les membres de la famille, du foyer, ou les forces de l’ordre devraient avoir le droit de demander à un tribunal que ces personnes n’aient pas accès à une arme à feu pendant qu’ils représentent un danger pour les autres », a déclaré Chuck Schumer.

Trump a enfin promis d’interdire les « bump stocks », ces dispositifs permettant à un fusil semi-automatique de tirer en rafales quasi-automatiques. Ils sont pour l’instant toujours légaux, cinq mois après la tuerie de Las Vegas. La NRA ne s’est pas vraiment mobilisée sur ce sujet marginal.

Décisions commerciales à impact limité

Trois enseignes distribuant notamment des articles de chasse et d’activités en plein air (Walmart, Dick’s Sporting Goods et Kroger) ont par ailleurs annoncé cette semaine relever à 21 ans l’âge d’achat des armes. Dick’s et Kroger vont cesser de vendre des fusils d’assaut. Mais l’impact de cette décision pourrait être limité, étant donné que ces enseignes ne représentent pas un large chiffre d’affaires des fabricants d’armes.

Des appels s’élèvent également pour revenir à l’interdiction des magasins de vendre des chargeurs pouvant contenir de 10 à 30 balles, voire 100. Ils sont actuellement prohibés par huit Etats et la capitale Washington. Mais interdire ces chargeurs, qu’on achète facilement sur internet, est un défi. Six jours après le massacre de Parkland, les élus républicains du Parlement de Floride ont fait capoter une proposition de loi en ce sens. Il risque d’en être de même au niveau national.

La pression de la NRA

Le lobby des armes est une instance très puissante aux Etats-Unis, régulièrement derrière le financement de campagnes politiques, dont celle de Donald Trump.

Si ce dernier réagit publiquement et évoque des mesures vis-à-vis du contrôle des armes, il est peu probable que la NRA lui laisse une marge de manoeuvre importante. Ce qui n’a pas empêché le Président de défier le lobby durant une réunion avec des membres du Congrès à la Maison Blanche. « Certains d’entre vous sont pétrifiés par la NRA. Ils ont un grand pouvoir sur vous (ndlr : les membres du Congrès). Ils ont moins de pouvoir sur moi. Je n’ai pas besoin d’eux », a-t-il déclaré.

Dana Loesch, porte-parole de la NRA.
Dana Loesch, porte-parole de la NRA.© REUTERS

La NRA n’a pour sa part cessé de riposter contre les « mesurettes » de Donald Trump et des autres républicains sur les armes à feu, répétant à qui veut l’entendre, via la voix de sa porte-parole Dana Loesch, que la NRA « ne soutenait aucune interdiction ». Chris Cox suggère d’ailleurs que Donald Trump a changé d’avis après l’avoir rencontré à la Maison Blanche.

D’autres membres de la NRA ont pour leur part qualifié les sorties du président sur le sujet de « stupides », arguant qu’avec ces déclarations, il perdait la moitié de ses partisans et électeurs. « Vous passez votre vie entière à droite et vous pensez toujours que ce sont les Démocrates qui vont prendre vos armes. Et puis vous entendez le président Trump », regrette Joe Biggs, un membre de la NRA, qui a assuré qu’il voterait pour un autre candidat en 2020 si Donald Trump continuait dans ce sens.

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