Paul Delaroche, Napoléon abdiquant à Fontainebleau, 1845. © Wikicommons

Après Waterloo, les dernières heures de Napoléon sur le continent

Le Vif

Avant d’être déporté à Sainte-Hélène, l’Empereur, tout juste vaincu à Waterloo, s’est retranché plusieurs jours dans l’ouest de la France. Retour sur les dernières heures continentales de la légende napoléonienne, entre doutes incessants et espoirs déchus.

18 juin 1815, fin d’après-midi. Au sud de Waterloo, sur des terres rendues boueuses par un violent orage survenu la veille, l’armée française, qui livre bataille à l’alliance anglo-prussienne depuis l’aube, plie petit à petit. Vers 21h, elle rompt définitivement. 7 000 morts, 20 000 blessés et près de 10 000 prisonniers : la déroute est à la mesure de la détresse du chef de clan hexagonal, Napoléon Bonaparte. Face à pareil désarroi, l’Empereur, protégé par plusieurs bataillons, prend la fuite vers le sud.

Il atteint rapidement le Palais de l’Élysée et y abdique, pour la seconde fois (après avril 1814), le 22 juin. « Ma vie politique est terminée », écrit-il alors. 3 jours plus tard, sa belle-fille, la reine Hortense, lui offre l’hospitalité au château de Malmaison, à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Paris. Déjà, l’ambition est à l’exil. Napoléon lorgne sur les États-Unis et demande un sauf-conduit à Joseph Fouché, président du gouvernement provisoire français. Le 29, il embarque incognito dans une calèche à destination du Pays Rochefortais, au nord de la Gironde, d’où il espère quitter la France, et donc le continent.

Nuitées à la « Maison du Roy »

Dès son arrivée à Rochefort, au matin du 3 juillet, Napoléon prend ses quartiers dans un édifice situé entre l’arsenal militaire et la ville : la « Maison du Roy », érigée en 1671 pour accueillir Louis XIV (qui n’y a, en fait, jamais les pieds). L’Empereur s’installe dans une chambre relativement modeste équipée d’une salle de bain privée, à l’étage. Il y passera bientôt sa dernière nuit continentale.

Bonaparte n’est nullement en terre inconnue. 7 ans auparavant, en août 1808, il y avait séjourné avec l’impératrice Joséphine de Beauharnais, sa conjointe de l’époque, décédée en 1810. De retour de Bayonne et son palais de Marracq (sud-ouest), le couple avait été reçu par le vice-amiral Martin, dans un bâtiment renommé « Préfecture maritime » depuis 1793.

Désormais seul (sa nouvelle compagne, Marie-Louise d’Autriche, ayant choisi de ne pas l’accompagner sur la route de l’exil), Napoléon rumine son avenir à longueur de journée, attendant désespérément le sauf-conduit, qui lui permettrait d’émigrer du territoire en toute liberté.

Pendant ce temps, deux frégates, la Saale et la Méduse, sont mises en stand-by en rade de l’île d’Aix, à quelques kilomètres, prêtes à naviguer vers l’Amérique du nord. Plusieurs jours passent, sans que les précieux documents n’arrivent. L’attente est insoutenable et le temps presse.

Se cacher dans des tonneaux de vin ?

Le 8 juillet, l’Empereur décide de rejoindre Fouras-les-Bains, une petite bourgade en bordure d’Océan. Avec 3 de ses fidèles compagnons, le baron Gourgaud, le comte de Las Cases et le général Bertrand, il gagne la plage sud. Sous les yeux de dizaines de Fourasins désappointés, il monte dans une embarcation, direction la Saale, tandis que la Méduse réceptionne ses effets personnels.

À bord, l’ambiance est loin d’être au beau fixe. Rongé par l’incertitude, Bonaparte se mure dans le silence. On lui propose de fuir clandestinement, en se cachant… dans les tonneaux de vin disponibles sur la frégate. Il refuse aussitôt. Le problème est quantitatif (seuls 5 barils peuvent être utilisés, alors qu’il faudrait transporter plus de 60 proches), mais pas que : en partant illégalement, Napoléon ne serait le bienvenu nulle part. Un affront énorme, de n’être plus « personne », pour un homme qui n’a eu cesse de concentrer l’attention de l’Europe entière.

Malgré l’interdiction qui lui est faite de reposer un pied sur le sol français, il débarque furtivement sur l’île d’Aix, le 9 juillet, avant de retourner, quelques heures plus tard, sur la Saale. Toujours aucune nouvelle du gouvernement. Le 12, décision est prise de s’installer sur l’île. Avertis, les Anglais dépêchent plusieurs corvettes pour « boucler le périmètre » et ainsi prévenir toute fuite.

Adieux à la France… et à la liberté

Sur Aix, le « petit caporal » investit la maison du commandant, au sud des 129 hectares de terre ferme, où se concentrent la plupart des bâtiments.

Un choix loin d’être dû au hasard : cette demeure, c’est lui-même qui l’a commandée. C’était en août 1808, soit 7 ans plus tôt. Au cours d’une visite sur l’île, Bonaparte, trouvant l’habitation du commandant bien trop modeste, avait demandé à ce qu’on en construise une digne de ce nom, capable de répondre aux besoins d’un officier supérieur désireux de tenir son rang.

Il sait dès lors parfaitement où il emménage. Si la chambre du maître, qu’il fait sienne, est la seule à posséder un balcon, et que les conditions météorologiques sont de saison – les écrits de l’époque évoquent même une « chaleur étouffante » -, l’Empereur ne ressent toutefois pas l’envie de profiter des rayons de soleil. Il commence à réaliser que le sauf-conduit tant espéré n’arrivera jamais. Il lui faut modifier ses plans.

Une issue alternative germe dans son esprit. La fuite ? Il y est résigné et n’en veut plus. Non, ce qu’il désire dorénavant, plus que tout, c’est se retirer avec les honneurs. Quitte à tabler, pour y parvenir, sur l’aide de son ennemi de toujours : l’Angleterre. Dans la nuit du 13 au 14 juillet, Napoléon rédige une lettre de reddition adressée aux autorités britanniques, dans laquelle il s’en remet à l’hospitalité anglaise et formule une demande d’asile.

« Je crois le peuple anglais grand et généreux », justifie-t-il à son entourage. « Il ne laissera pas insulter Napoléon Bonaparte, abandonné, malheureux, qui lui demande asile et protection. »

C’est donc d’humeur optimiste que l’Empereur se réveille le 15 juillet, à l’aube. Il n’est pas encore 6h quand il quitte la maison du commandant pour se rendre à la pointe Sainte-Catherine, à l’extrême sud de l’île, où l’attend une chaloupe anglaise. Malgré l’heure matinale, les Aixois le suivent silencieusement, dans ses dernières foulées sur le sol français.

Le canot le dépose sur un vaisseau de la Royal Navi, le Bellerophon, censé l’amener en Angleterre. « Je viens me mettre sous la protection de votre prince et de vos lois », annonce-t-il, dans un mélange de fierté et d’assurance, en arrivant à bord. « Le sort des armes m’amène chez mon plus cruel ennemi, mais je compte sur sa loyauté pour m’offrir un traitement digne de ce nom. »

Chimère. Le 15 octobre 1815, Napoléon Bonaparte est déposé par les Anglais sur l’île de Sainte-Hélène, au beau milieu de l’océan Atlantique sud, à presque 2 000 km des côtes africaines. Il y décédera le 5 mai 1821.

Antoine Vidua

Plusieurs jours de reconstitution

Moins d’un mois après les célébrations de Waterloo, le Pays Rochefortais enfilera lui aussi son plus beau costume d’époque pour une série de reconstitutions marquée du sceau de l’Empereur. Du vendredi 10 au lundi 13 juillet, 250 figurants français et européens retraceront ainsi le passage de Napoléon dans la région, de son arrivée en calèche à Fouras aux adieux précédant son départ pour l’Île d’Aix, sur laquelle l’accueilleront autorités civiles et représentants de sa garnison.

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