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Après un long et dangereux voyage, les migrants arrivent polytraumatisés

Le Vif

La plupart des migrants atteignant l’Italie après avoir été secourus souffrent de multiples traumatismes qui doivent être pris en compte dans leur accueil, note l’organisation Médecins pour les droits de l’Homme (Medu) dans un rapport publié lundi. Et ce alors que Plus de 1.550 migrants ont été secourus dans la même journée en Méditerranée.

L’association italienne a mené une étude en profondeur sur plusieurs mois auprès d’une centaine de demandeurs d’asile originaires d’Afrique de l’Ouest, en Sicile, et de 400 Erythréens, installés dans des camps informels à Rome. Le voyage a duré en moyenne 22 mois pour les premiers, 16 mois pour les seconds, avec un passage obligé par la « route de l’enfer » à travers le désert jusqu’à l’arrivée. « Le désert est plein de tombes. J’ai vu tant de cadavres, ceux qui étaient tombés du véhicule et ceux morts de soif », a raconté un Nigérian de 19 ans. La quasi-totalité d’entre eux racontent avoir passé des mois effroyables en Libye avant de prendre la mer: enfermés, battus, torturés, privés d’eau et de nourriture… Seuls 35% d’entre eux ne présentent d’ailleurs aucune cicatrice. Un Erythréen de 67 ans voyageant avec ses deux petites-filles de 11 et 17 ans a ainsi dû laisser derrière lui l’aînée, otage et esclave des trafiquants. Sur la centaine de demandeurs d’asile interrogés en Sicile, 20 ont vu un compagnon de voyage, parfois un proche, mourir dans le désert ou en prison, 15 ont vu un compagnon tué par des policiers, des trafiquants ou des geôliers, 15 ont vu un compagnon paniquer et se jeter à la mer…

Si l’on y ajoute les conflits, persécutions ou violences qui les ont poussés à quitter leur foyer, nombre d’entre eux souffrent de « symptômes physiques et psychologiques interconnectés », explique le rapport. « Depuis que je suis arrivé en Italie, je suis triste, je me sens impuissant. Je mange très peu et mes amis disent que je ne souris jamais. C’est fini… Je ne serai jamais capable d’être comme avant », a raconté un Gambien de 22 ans.

« Le système d’accueil en Italie et en Europe doit prendre en considération le fait que la vulnérabilité ressentie par les demandeurs d’asile tout au long de leur voyage ne s’efface pas à leur arrivée », a insisté le Medu, appelant en particulier à limiter la taille des structures d’accueil à 50-80 personnes.

Plus de 1.550 migrants secourus lundi en Méditerranée

Plus de 1.550 migrants en détresse à bord de sept embarcations ont été secourus lundi au large de la Libye, ont annoncé les gardes-côtes italiens, qui coordonnent les secours dans cette zone. Alors que plusieurs centaines de migrants secourus les jours précédents ont débarqué dans le sud de l’Italie, le « Phoenix », affrété par Médecins sans frontières et l’organisation maltaise Moas, a secouru deux canots avec 230 personnes à bord. Le navire humanitaire a ensuite récupéré 125 autres personnes secourues à bord d’un troisième canot par le navire irlandais « Niamh », qui avait été le premier à intervenir le 5 août sur le bateau dont le chavirage a fait plus de 200 morts. Le « Fenice » de la marine italienne a secouru 77 autres migrants à bord d’un quatrième canot, et le « Fiorillo » des gardes-côtes italiens a mis à l’abri 345 personnes qui se trouvaient à bord d’une plus grande embarcation. L’opération la plus délicate de la journée a eu lieu lorsque le drone spécialisé du « Phoenix » a repéré deux barques surchargées — l’une tirant l’autre. Il a fallu cinq heures d’efforts pour secourir les 775 passagers des deux bateaux, dont 196 femmes et 40 mineurs, avec l’appui de navires de la marine italienne et des gardes-côtes italiens et suédois, engagés pour ces derniers dans le dispositif européen de Frontex. Après le sauvetage, l’une des barques en bois a été coulée et l’autre brûlée, a précisé sur Twitter Christopher Miller, un journaliste américain présent depuis 10 jours sur le « Phoenix ». Selon un dernier bilan du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), arrêté en milieu de semaine dernière, quelque 224.000 migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée depuis le début de l’année — 98.000 en Italie et 124.000 en Grèce — et plus de 2.100 autres ont trouvé la mort en tentant la traversée.

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