Gérald Papy

Après l’attentat de Toronto: « véhicule-bélier, maudit mimétisme »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Rappelant le modus operandi de celles de Nice, Berlin, Londres, Stockholm, Barcelone et New York, entre juillet 2016 et novembre 2017, les attaques de Toronto, le lundi 23 avril (10 morts), et de Munster, quinze jours plus tôt (2 tués), annonçaient de possibles attentats de l’Etat islamique. Qu’elles se soient avérées en définitive le fait de personnalités mentalement déséquilibrées ou psychologiquement déstabilisées rassure les agents des services de renseignement mais ne soulagent ni les proches des victimes ni les forces de l’ordre.

Les experts en criminalité connaissent le phénomène de mimétisme que suscitent certains crimes et leur résonance dans les médias. A Naples, l’extrême violence d’un gang d’enfants a été explicitée récemment par la vision de la série télé Gomorra, tirée des enquêtes de Roberto Saviano sur la mafia. Depuis sa  » popularisation  » par les terroristes de Daech, le véhicule-bélier est donc devenu le moyen d’un passage à l’acte pour des criminels dont les méfaits auraient sans doute causé moins de préjudices auparavant : le jeune Canadien concepteur d’applications pour smartphone qui aurait sombré dans une présumée haine des femmes, ou le presque cinquantenaire candidat au suicide avec antécédents psychiatriques du nord-ouest de l’Allemagne. Plus que la contagion d’un islamisme destructeur, c’est la santé mentale de nos sociétés qu’interrogent ces faits que le mimétisme avec les pratiques du djihadisme interdit pourtant de qualifier de divers.

D’ailleurs, déficience mentale et fondamentalisme religieux peuvent aussi cohabiter. Ce constat a été tiré après une autre attaque au véhicule-bélier le 29 juin 2017 à Créteil, près de Paris. L’auteur était certes schizophrène et fut interné pour cette raison. Mais il s’en était néanmoins pris sciemment à des fidèles à la sortie d’une mosquée pour venger les victimes du Bataclan… A plusieurs reprises, des rescapés d’attentats ou des proches de personnes décédées se sont offusqués que soit hâtivement brandi par l’avocat de tel ou tel terroriste l’argument du problème mental qui, à leurs yeux, en occultant l’intention politique mortifère, niait leurs souffrances.

C’est la santé mentale de nos sociétés qu’interrogent ces faits que le mimétisme avec les pratiques djihadistes interdit de qualifier de divers

Ajouter la lutte contre le mimétisme criminel qu’il suscite au combat originel contre le djihadisme complique un peu plus la mission des forces de sécurité, victoire pour les terroristes et source supplémentaire de fragilisation de nos sociétés. L’amplification indubitable du phénomène par les réseaux sociaux invite à s’intéresser aux sciences inspirées par les nouvelles technologies. Dans son dernier livre Les sciences du vivant (éd. Les Liens qui libèrent), le prospectiviste Joël de Rosnay s’attarde sur la  » mémétique « , étude des gènes sociétaux (les  » mêmes « , un slogan publicitaire ou un tweet de Donald Trump par exemple) transmis par la culture, les médias ou les réseaux sociaux. Il développe l’idée qu’une société dispose d’un ADN propre que les  » mêmes  » pourraient modifier de la même façon qu’un gène agit sur le corps humain. Si l’étude de ces mécanismes pouvait éviter que la vidéo d’une vengeance à la camionnette-bélier ne devienne un  » même  » sociétal, la recherche ne serait sans doute pas inutile.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire