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Annulation du sommet Trump/Kim : Pyongyang toujours prêt au dialogue

Le Vif

La Corée du Nord a affirmé vendredi qu’elle était toujours prête à dialoguer avec Washington « à tout moment », malgré l’annulation par Donald Trump du sommet prévu dans moins de trois semaines à Singapour avec le leader nord-coréen Kim Jong Un, un revirement qui plonge une nouvelle fois la péninsule coréenne dans l’incertitude.

L’annulation du sommet Kim/Trump, annoncée jeudi par le président américain – qu’il a justifiée en évoquant l' »hostilité » de Pyongyang – est « extrêmement regrettable », a déclaré Kim Kye Gwan, le premier vice-ministre des Affaires étrangères nord-coréen, dans un communiqué publié par l’agence officielle KCNA.

« Nous réitérons aux Etats-Unis notre détermination à nous asseoir face à face, à tout moment et de quelque manière que ce soit, pour résoudre le problème », a ajouté ce responsable, soulignant que « l’annonce abrupte de l’annulation de la rencontre », par M. Trump, était « inattendue ».

C’est par un courrier d’une vingtaine de lignes adressé à Kim Jong Un que le 45e président des Etats-Unis a fait part de sa décision de renoncer au face-à-face du 12 juin, qui s’annonçait historique et dont il avait lui-même accepté le principe début mars à la stupéfaction générale.

« J’estime qu’il n’est pas opportun, à ce stade, de maintenir cette rencontre », indique M. Trump dans ce texte rendu public le jour même où Pyongyang annonçait le démantèlement de son site d’essais nucléaires de Punggye-ri.

Nombre de dirigeants étrangers ont exprimé leur déception, au premier rang desquels le président sud-coréen Moon Jae-in qui a évoqué une tournure des événements « profondément regrettable ».

« Il semble que (le Nord) reste sincère quant à la mise en oeuvre de l’accord et à ses efforts pour la dénucléarisation et l’instauration de la paix », a cependant commenté le ministre sud-coréen de l’Unification, Cho Myoung-gyon.

– Pas opportun –

De son côté Séoul « remplira ses engagements pour faire appliquer » l’accord conclu fin avril par les deux dirigeants coréens, Moon Jae-in pour le Sud et Kim Jong Un pour le Nord, en vue d’une dénucléarisation de la péninsule coréenne, a ajouté le ministre.

Le Pentagone s’est dit prêt à répondre à toute provocation de la Corée du Nord et a souligné que les Etats-Unis restaient déterminés à poursuivre la campagne de « pression maximale », qui associe sanctions économiques, pressions diplomatiques et déploiement militaire, pour que Pyongyang renonce à l’arme nucléaire.

Après plusieurs semaines de déclarations très optimistes –naïves, selon ses détracteurs–, M. Trump avait changé de ton ces derniers jours.

« J’étais impatient de vous retrouver là-bas », explique-t-il à Kim Kong Un dans sa missive qui oscille entre un certain formalisme et un ton par moments beaucoup plus direct.

« Malheureusement, au regard de l’énorme colère et de l’hostilité affichée dans votre dernière déclaration en date, j’estime qu’il n’est pas opportun, à ce stade, de maintenir cette rencontre », ajoute-t-il, tout en ne fermant pas la porte à une rencontre ultérieure.

« Si vous changez d’avis en ce qui concerne ce très important sommet, s’il vous plaît n’hésitez pas à m’appeler ou à m’écrire », ajoute le président américain qui avait beaucoup investi d’un point de vue politique dans ce sommet, allant jusqu’à évoquer à plusieurs reprises l’hypothèse d’un prix Nobel de la paix, mise en avant par certains élus républicains.

S’exprimant sous couvert d’anonymat, un responsable américain a évoqué jeudi une « série de promesses non tenues » et un « profond manque de bonne foi » pour expliquer la décision présidentielle.

Il a en particulier déploré que les Nord-Coréens ne se soient pas présentés lors d’une réunion préparatoire la semaine dernière à Singapour avec des responsables de la Maison Blanche.

– Un « merveilleux dialogue » –

S’étonnant du ton « bizarrement chaleureux » de ce courrier, Abraham Denmark du Wilson Center à Washington a estimé qu’il allait donner à Kim « une énorme légitimité ». « La Corée du Sud va probablement être en colère et l’alliance (avec Washington) va être affaiblie », a-t-il prédit.

Après des mois de rapprochement et de détente diplomatique, la Corée du Nord a opéré la semaine dernière un spectaculaire retour à sa rhétorique traditionnelle.

La dernière banderille a été plantée jeudi par la vice-ministre nord-coréenne des Affaires étrangères, Cheo Son Hui, qui a fustigé les propos « idiots et stupides » du vice-président américain Mike Pence, lequel avait lancé des mises en garde chargées de menaces à Kim Jong Un.

En première ligne sur ce dossier, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, qui a rencontré Kim Jong Un à deux reprises à Pyongyang, a expliqué que les conditions n’étaient pas réunies pour un « résultat positif ».

Dans son courrier, le président américain évoque la puissance militaire américaine en guise de mise en garde: « Vous évoquez votre arsenal nucléaire, mais le nôtre est si massif et puissant que je prie Dieu que nous n’ayons jamais à en faire usage », écrit-il.

Mais il laisse aussi la porte ouverte à une rencontre à une autre date. « J’avais l’impression qu’un merveilleux dialogue était en train de s’instaurer entre vous et moi », écrit-il à Kim Jong Un, assurant qu’il serait très heureux de le rencontrer « un jour ».

Pour Nancy Pelosi, cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, le leader nord-coréen est « le grand gagnant » de cet épisode qui démontre que le président américain ne s’était pas préparé.

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