Christian Makarian

« Angela Merkel dispose d’une aura internationale incontestable »

La chancelière allemande va briguer un quatrième mandat consécutif lors des élections législatives de septembre 2017. Après avoir été vivement critiquée, en particulier concernant la question migratoire, Angela Merkel doit aujourd’hui prendre de la hauteur et lancer un nouveau grand défi national. Elle a donc récemment estimé que le budget alloué à la défense devrait être revu à la hausse.

Des dirigeants de ce monde, elle est la seule que Barack Obama a décidé de venir saluer comme une égale avant de quitter la Maison-Blanche. Il l’a fait, à Berlin, avec des mots éloquents :  » Tout ce que je peux dire, c’est que la chancelière Angela Merkel a été une partenaire extraordinaire. C’est peut-être le dernier leader parmi nos proches alliés qui était là quand je suis arrivé. Si j’étais ici et si j’étais allemand, je la soutiendrais.  » Passons sur la qualité du soutien d’Obama, qui n’a pas empêché Hillary Clinton d’essuyer une cuisante défaite, et retenons que, dans la perspective du quatrième mandat de quatre ans qu’elle brigue, Angela Merkel dispose d’une aura internationale incontestable. Ce qui la différencie fortement de ses homologues européens en fin de course ou à bout de souffle, notamment le président français.

On a souvent reproché à la chancelière de ne pas avoir de vision, d’exceller surtout dans les compositions politiciennes et de n’être guère européenne dans sa manière de penser. L’ouverture de l’Allemagne aux migrants, en 2015, a marqué un tournant : Angela a soudain incarné un grand dessein humaniste. Cette attitude ne lui a valu que des critiques parmi plusieurs pays membres de l’Union et nourrit, depuis, une vive polémique interne : la question de l' » étranger  » est désormais le ferment de l’extrême droite et le poison des élections législatives du mois de septembre 2017.

Angela Merkel dispose d’une aura internationale incontestable. Ce qui la différencie fortement de ses homologues européens

C’est pourquoi Mme Merkel a besoin de prendre de la hauteur et de lancer un nouveau grand défi national. En l’occurrence, trois jours après avoir annoncé sa volonté de solliciter un nouveau mandat (qui lui permettrait de totaliser seize ans à la tête du pays), elle a estimé devant le Bundestag que l’Allemagne devrait porter le budget de sa défense nationale à 2 % du PIB – contre 1,2 % à l’heure actuelle. C’est là le souhait direct de Donald Trump, qui menace de suspendre la participation américaine à l’Otan si tous les alliés européens ne s’engagent pas à atteindre ces fameux 2 % (la Belgique est à 0,9 %). Or, l’hypothèque que Trump fait peser sur l’Otan vient ébranler une certitude allemande : le lien transatlantique a constitué la garantie sur laquelle la RFA a été reconstruite après 1945.

Les évolutions que suppose cette promesse d’Angela Merkel sont très profondes. Sous la triple mandature de la chancelière, l’Allemagne a subi une transformation impressionnante ; tandis que la France ne cessait de s’enfoncer dans la crise de son modèle et le Royaume-Uni de s’éloigner de l’Europe (jusqu’au Brexit), la place était libre. Berlin a d’abord imposé son statut de surdoué économique, champion des exportations, puis s’est manifesté logiquement (via l’euro) comme un mastodonte politique au sein des différentes instances de l’Union européenne. De là, convoquée par les événements mondiaux, la puissance allemande a conçu puis esquissé un rôle international jusqu’ici inédit – qui s’est notamment traduit par des interventions militaires en développement lent, mais constant. Aujourd’hui, Mme Merkel, renforcée dans cette conviction par sa brillante ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, voit son pays comme un acteur décisif du concert international, ce qui suppose une armée autrement plus forte (dotée de capacités de projection).

Cette trajectoire ascendante ininterrompue confère à celle qui l’a tracée un véritable leadership moral. En se rendant à Berlin, Barack Obama a voulu consacrer la stabilité qu’Angela Merkel incarne. Mais il a aussi confessé que le modèle économique libéral américain ne tenait plus debout tout seul.

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