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Amnesty propose de décriminaliser la prostitution et provoque la controverse

Le Vif

L’organisation non gouvernementale Amnesty International doit décider mardi si elle va désormais défendre la dépénalisation de la prostitution, clients et proxénètes compris, provoquant une intense controverse sur ce sujet qui divise en Europe.

Le projet de résolution, qui sera soumis en début d’après-midi aux quelque 400 délégués des sections nationales d’Amnesty réunis à Dublin pour son Conseil international, est le fruit de deux ans de consultation. Il vise à appeler à la mise en place d' »un cadre légal dans lequel tous les éléments du travail du sexe seraient dépénalisés », a expliqué à l’AFP Thomas Schultz-Jagow, directeur de la communication d’Amnesty International.

Estimant que « la criminalisation du travail du sexe entre adultes consentants peut entraîner une augmentation des violations des droits des travailleurs du sexe », l’ONG prône la suppression de la répression contre les prostitué(e)s mais aussi contre les clients et le proxénétisme, s’ils n’exercent pas de contrainte sur les travailleurs du sexe.

C’est sur ce dernier point que porte la controverse. Ainsi, si l’ONG Equality Now, qui défend les droits des femmes, est d’accord pour que cesse la répression contre les travailleurs du sexe, elle est fermement opposée à ce que ce soit le cas des clients, des proxénètes et des gérants de maisons closes.

« Légaliser ceux qui exploitent les personnes prostituées n’est pas la bonne façon de procéder », estime Esohe Aghatise, d’Equality Now, car « la demande commerciale pour le sexe alimente le trafic » d’êtres humains.

Mardi, un collectif d’associations a publié une lettre pour appeler les délégués d’Amnesty à se prononcer contre cette motion, rappelant que des pétitions pour s’y opposer ont déjà rassemblé 10.000 signatures en Europe et aux Etats-Unis.

« En votant +oui+ à la politique dite de +décriminalisation du travail du sexe+, Amnesty International se couperait des mouvements de lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes, des associations de survivantes de la prostitution, de femmes migrantes, de femmes autochtones, des minorités et des associations de lutte contre l’exploitation sexuelle et la traite des êtres humains », mettent en garde SPACE, CAP International ou encore la Fondation Scelles.

Sujet sensible et complexe

La Coalition contre le trafic des femmes (CATW) a réuni plus de 600 signataires à elle seule, dont des « survivants » du trafic sexuel, des scientifiques, des actrices (Emily Blunt, Charlize Theron, Anne Hathaway, etc.) et des mouvements de défense des droits des femmes.

« Il n’y a aucune logique dans l’idée que pour protéger ceux qui sont exploités, il faut protéger les exploiteurs. Cela n’a aucun sens », assène la directrice de CATW, Taina Bien-Aimé.

« Il est réellement important qu’Amnesty comprenne que le monde entier les regarde et qu’ils perdraient toute crédibilité comme organisation de défense des droits de l’Homme si c’était adopté », dit-elle encore à l’AFP.

Amnesty reconnaît que c’est « un sujet qui est sensible, qui divise et qui est complexe » mais estime que les travailleurs du sexe, « l’un des groupes les plus marginalisés au monde », bénéficieront d’une dépénalisation.

Les opposants à cette motion mettent eux en avant eux des études qui soulignent que dans les pays où la prostitution est légale, on observe une hausse du trafic d’êtres humains qui dépasse les effets sur l’amélioration des conditions de travail des prostitué(e)s.

L’éclatement de la législation en Europe en matière de prostitution montre que le sujet est tout sauf consensuel. Il y a deux mois, la France a rejoint la minorité de pays européens qui sanctionnent les clients de prostitué(e)s, dont la Suède et la Norvège.

Dans la majorité des autres pays d’Europe, qui punissent tous le proxénétisme par contrainte, la prostitution est soit réglementée (par exemple en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas ou en Belgique), soit tolérée.

Avec l’Afp

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