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Amnesty dénonce le cauchemar des anciens de Guantanamo

Dix ans après l’ouverture du centre de détention américain, 171 personnes y sont toujours incarcérées. Mais même pour ceux qui sont sortis de Guantanamo, le calvaire continue, comme en témoignent deux anciens détenus rencontrés par LeVif.be

Pour cet anniversaire, l’association qui lutte pour la défense des droits humains, a publié un rapport intitulé « Guantanamo: une décennie d’atteintes aux droits humains« , dans lequel il condamne le traitement infligé aux prisonniers de Guantanamo.

Une promesse d’Obama non tenue

Lors de son investiture en 2009, le président des Etats-Unis, Barak Obama, signait pourtant l’acte de fermeture du centre de Guantanamo, prévue alors avant la fin janvier 2010. Or, selon Amnesty, 171 personnes sont toujours incarcérées à la mi-décembre 2011 dans ce centre de détention, qui a vu passer 779 prisonniers, dans la plupart des cas sans inculpation ni jugement. Pour Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty international France, la possibilité de fermeture de Guantanamo recule de jour en jour, notamment avec la promulgation de la National Defense Authorization Act (NDAA) par Barak Obama, le 31 décembre dernier. Cette loi qui autorise la détention militaire illimitée et sans procès de tout être humain aux Etats-Unis ou dans le monde, perpétue le concept de guerre globale contre le terrorisme, introduit par l’administration Bush après les attentats du 11 septembre 2001. Cette loi concerne notamment les personnes déjà détenues dans des prisons situées sur le territoire américain ou en dehors des frontières, qui ne peuvent être libérées et qui n’ont pas droit à un procès.

Si Amnesty salue la décision des Etats-Unis de mettre un terme au programme de détentions secrètes illimitées à l’étranger (« sites noirs ») mené jusque-là par la CIA, ainsi que la suppression des techniques d’interrogatoire renforcées telles que le waterboarding, l’ONG continue de réclamer la fermeture du camp de Guantanamo et la traduction des détenus devant des cours de district fédérales au lieu de commissions militaires qui ne sont ni indépendantes et ni impartiales. Pour Geneviève Garrigos, le traitement des détenus au sein des murs de Guantanamo, est donc véritablement un choix politique. L’organisation appelle également le gouvernement américain à relâcher les détenus qui n’ont aucune charge retenue contre eux et à s’assurer qu’ils aient accès à des réparations.

« Le cauchemar continue après Guantanamo »

Deux anciens détenus, Lakhdar Boumediene et Saber Lahmar qui témoignaient mardi, à Paris au siège d’Amnesty, à l’occasion d’une conférence de presse, ont raconté leur périple depuis leur sortie de Guantanamo. Lakhdar Boumediene a passé plus de sept ans sans inculpation, ni jugement au centre de détention américain. Accusé de préparer un attentat contre l’ambassade américaine à Sarajevo fin 2001, Lakhdar Boumediene effectue quelques mois de détention préventive, mais il est rapidement innocenté par la justice bosniaque. A sa sortie début 2002, des hommes masqués l’attendent: « On m’a mis les lunettes, les bouchons dans les oreilles, la cagoule noire, l’habit orange et lorsque j’ai ouvert les yeux quatre ou cinq jours plus tard, j’étais à Guantanamo » confie Lakhdar Boumediene. Et ils sont nombreux, dans le même cas que cet ancien détenu, à avoir abouti dans les prisons américaines sans procédure légale. Finalement libéré en novembre 2008, Lakhdar Boumediene est le premier détenu de Guantanamo à avoir été innocenté par un juge américain.

L’avocat de Saber Lahmar, Me Pierre Blazy, a fait état de la pression des autorités américaines sur les pays européens pour qu’ils accueillent des détenus innocentés sur leurs sols. Après huit ans de détention à Guantanamo et son procès par un juge fédéral américain, son client a été accueilli par la France, mais il ne possède qu’un titre de séjour provisoire d’un an. Saber Lahmar ne possède pas de passeport et son pays natal, l’Algérie ne veut pas le voir rentrer sur son sol. Cela fait dix ans que cet ancien détenu n’a pas vu sa femme et ses deux enfants.

Chloé Gibert; L’Express.fr

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