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Allemagne: Steinbrück, le rhinocéros empêtré

Le candidat social-démocrate ambitionne de déloger Angela Merkel de la chancellerie en 2013. Pourtant, ce redoutable animal politique multiplie les erreurs en début de campagne.

Peer Steinbrück aime à répéter que son animal préféré est le rhinocéros: lent au démarrage, ce mammifère est impossible à arrêter une fois lancé dans sa course. Pour l’instant, celui que le Parti social-démocrate (SPD) désignera officiellement, le 9 décembre, comme son candidat face à Angela Merkel en septembre 2013 peine, en effet, à se mettre en mouvement. Il a complètement raté son début de campagne.

Ses nombreux « ménages » nuisent à son image

Tout juste choisi, début octobre, par la direction du parti, parmi trois postulants, Steinbrück a d’abord trébuché sur une pratique passablement courante chez les députés germaniques: les « ménages ». L’ancien ministre des Finances du gouvernement « de grande coalition » (2005-2009) fut en effet un conférencier très demandé. Et très bien payé: entre 2009 et 2012, les 89 allocutions qu’il a prononcées devant des publics de banquiers et de chefs d’entreprise ont rapporté à ce brillant orateur au ton corrosif et à l’humour dévastateur la somme de 1,25 million d’euros, en sus de ses revenus de parlementaire.

L’une de ses interventions a particulièrement marqué l’opinion. Lors d’un colloque organisé par une association financée par la ville de Bochum, Steinbrück a empoché la bagatelle de 25 000 euros en l’espace d’une heure! Or, Bochum est non seulement une commune surendettée, mais, de plus, située dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie dont Steinbrück fut naguère le ministre-président (2002-2005). Ce dernier n’a rien commis d’illégal. Et, à la différence de l’ancien président de la République Christian Wulff, il n’a pas bénéficié dans des conditions douteuses de prêts à taux bonifié. Ni plagié aucune littérature scientifique, comme l’avait fait l’ex-ministre de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg pour sa thèse de doctorat.

Tous deux furent contraints à la démission.

Au contraire, Peer Steinbrück a suivi scrupuleusement la loi sur les revenus annexes des députés allemands. Cependant, le représentant du parti censé défendre les intérêts des petites gens va avoir du mal à « expliquer ces 25 000 euros à une infirmière qui en touche 1 000 par mois », ainsi qu’il l’a lui-même reconnu… « Il a fait preuve d’une incroyable naïveté, juge l’un de ses biographes, Daniel Friedrich Sturm. Sachant qu’il faisait partie des candidats potentiels contre Merkel, il aurait dû voir venir le danger et suspendre ses conférences beaucoup plus tôt. La chancelière a profité de ces affaires par ricochet: les Allemands ne la croient pas intéressée, elle, par l’argent. » Dans les sondages, l’écart Merkel-Steinbrück s’est creusé dès le mois d’octobre. Mal préparé, le social-démocrate a ensuite commis une erreur de casting, en novembre. Pour s’occuper des nouveaux médias au cours de sa campagne, il embauche un auteur à succès… qui démissionne quelques jours plus tard. Roman Maria Koidl avait travaillé par le passé pour deux fonds spéculatifs, ce que certains cadres du SPD ont mal supporté.

Auprès de la gauche du parti, Peer Steinbrück, économiste de formation, passe mal en raison de ses positions libérales. L’électorat féminin, quant à lui, n’apprécie pas ses manières autoritaires ; à l’instar du rhinocéros, Steinbrück n’est guère réputé pour son tact -les Suisses en savent quelque chose: en plein différend fiscal avec Berne, celui qui était ministre des Finances les avait traités d’Indiens fuyant devant la cavalerie…

C’est peu dire que le candidat social-démocrate à la chancellerie n’a pas encore trouvé son rythme. Pourtant, Angela Merkel le sait: Steinbrück reste un animal politique féroce, capable de retourner un auditoire en quelques phrases. Immobile comme un crocodile, la chancelière l’ignore avec superbe.

De notre correspondante Blandine Milcent

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