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Allemagne: les 6 grands dossiers qui attendent la « grande coalition » de Merkel

Le Vif

Elle a certes gagné haut la main les élections législatives, mais Angela Merkel n’en a pas moins perdu son allié libéral. Son remplaçant pourrait bien être le SPD, avec lequel elle devra trouver un accord sur les six grands dossiers qui attendent le pays.

Les rumeurs qui accompagnent toute recherche d’une coalition gouvernementale ont commencé à courir dès le lendemain de l’écrasante victoire de l’Union conservatrice (CDU/CSU) d’Angela Merkel. Privée de son allié libéral, le FDP, qui quitte le Bundestag pour la 1ère fois de son histoire, et ayant manqué la majorité absolue de quelques sièges, la chancelière doit en effet se trouver un nouvel allié. Et la seule alternative crédible est une alliance avec le parti social-démocrate (SPD).

Dès lundi, les hypothèses les plus extravagantes circulaient. Des dirigeants écologistes auraient fait des avances aux conservateurs pour former une éventuelle majorité. De leur côté, les socio-démocrates seraient en train d’évaluer la possibilité de réaliser une union à gauche ou encore de s’allier avec Merkel pour mieux la lâcher à mi-mandat.

Six grands dossiers au programme

En réalité, ces scénarios sont hautement improbables et servent à faire monter les enchères avant que les négociations entre les deux grands partis démarrent. La chancelière y est prête puisqu’elle a contacté lundi le président du SPD Sigmar Gabriel. Mais ce dernier lui a demandé un délai jusqu’à la réunion vendredi de la direction de son parti. Une telle coalition disposerait d’une majorité parlementaire écrasante (503 députés sur 630), capable d’imposer n’importe quelle réforme.

Elle bénéficierait en outre de l’appui du Bundesrat, la Chambre des Länder, qui est sous la domination des Länder gouvernés par le SPD et les écologistes. Etant donné le peu de réformes réalisées par le précédent gouvernement, les dossiers à traiter ne manquent pas. Quels sont-ils ? Et sur la base de quels compromis peuvent-ils être réglés ?

Le dossier le plus urgent est la réforme de la Loi sur les énergies renouvelables. Depuis qu’Angela Merkel a engagé le pays vers la sortie du nucléaire, en 2011, aucun véritable arbitrage législatif ou financier pour régler le cadre de cette formidable transition énergétique n’a été effectué. Or le fort développement de la production de courant vert et l’absence d’un réseau électrique adapté à la nouvelle donne commencent à poser des problèmes financiers et techniques importants. Le volume des taxes destinées à subventionner l’énergie renouvelable a par exemple augmenté de 47 % en un an.

Par ailleurs, la stabilité du réseau électrique est de plus en plus mise à l’épreuve des sautes de production du courant vert. Toute la question est donc de savoir comment, et à quel rythme, l’Allemagne peut financer les travaux nécessaires en répartissant équitablement les charges entre les entreprises, les contribuables, l’Etat fédéral et les Länder. Sur ce dossier, il n’y a pas d’opposition fondamentale entre conservateurs et sociaux-démocrates. Mais le nombre des acteurs, les enjeux financiers et la divergence des intérêts le rendent particulièrement complexe à gérer. Une grande coalition disposant de l’appui des Länder n’est pas une garantie de succès mais un avantage certain.

Le dossier de l’emploi et de la fracture sociale est en revanche plus épineux. Mais il est lui aussi incontournable. Le fort recul du chômage en Allemagne est en partie dû à l’explosion du secteur des emplois à bas salaires. Il y en a plus de 7 millions aujourd’hui. Si cette situation perdure, l’Allemagne pourrait connaître un glissement durable d’une partie de sa population dans la pauvreté. La gifle électorale reçue par les libéraux, ennemis jurés du salaire minimum, a montré à Angela Merkel qu’elle devrait être plus conciliante sur ce point. Notamment face à un SPD qui a replacé la lutte contre le dumping social au coeur de sa campagne électorale et sera forcément exigeant.

La politique européenne ne devrait pas non plus être une partie de plaisir. Le SPD est clairement favorable à la constitution d’un gouvernement économique européen, d’un développement de l’Union européenne sur un modèle fédéral ou encore au lancement d’un véritable « plan Marshall » pour l’Europe du sud. Mais de son côté, la Chancelière a récemment expliqué que « tout ne devait pas passer par Bruxelles ». Selon ses conseillers, Mme Merkel a l’intention de privilégier les négociations entre Etats plutôt que le développement des institutions bruxelloises. La chancelière reste aussi fixée sur une politique où toute aide financière de l’Allemagne doit être conditionnée à des efforts budgétaires et à des réformes structurelles. La synthèse sera difficile.

Enfin, trois grandes problématiques transversales vont rapidement s’imposer. Celles du vieillissement démographique, de l’assainissement durable des finances publiques et de la fiscalité. La première impose une nécessaire inflexion des politiques familiales, éducatives et de l’immigration, avec, entre autre objectif, de garantir à l’économie allemande le maintien du niveau de sa force de travail. Dans ces domaines, Angela Merkel s’est déjà beaucoup rapproché des positions de gauche. La CDU et le SPD devraient donc trouver un terrain d’entente.

En revanche, les deux autres problématiques seront plus épineuses. Il ne s’agit pas moins de simplifier le système fiscal, de réformer la fiscalité des entreprises ou encore de redessiner les règles du fédéralisme financier entre les Länder et l’Etat fédéral. Toutes ses réformes de fond devront en outre se faire dans la perspective de l’assainissement des budgets publics et du besoin urgent d’investissements dans les infrastructures, l’éducation et la recherche. Sur ces derniers points, il y a donc fort à parier qu’en dépit de son écrasante majorité, certains chantiers de la future majorité resteront inachevés.

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