Dans la Ghouta orientale. © REUTERS

Afrine et Ghouta orientale: les deux fronts qui menacent la Syrie

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La Syrie connait un regain de tension ces derniers jours. Dans la Ghouta orientale, enclave rebelle assiégée par le régime et à Afrine, où une offensive turque est en cours depuis un mois pour en déloger une milice kurde.

Le conflit en Syrie entre bientôt dans sa huitième année, et les combats se poursuivent sur plusieurs fronts. Outre les luttes à Idleb (nord-ouest) et Deir Ezzor (est), deux endroits font particulièrement l’actualité ces derniers jours : Afrine (nord-ouest) et la Ghouta orientale (est de Damas).

Une escalade de violence et une situation humanitaire qui préoccupent notre ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders. Via un communiqué, il déclare soutenir « l’appel de l’Union européenne à l’égard de toutes les parties impliquées dans le conflit à prendre les mesures nécessaires afin de diminuer la violence et de protéger la population syrienne » et assure que « la Belgique soutient également les efforts du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour permettre une trêve humanitaire en Syrie de sorte que l’aide humanitaire puisse être acheminée de manière sûre ».

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Afrine : l’enclave kurde face à l’offensive turque

L’enclave kurde d’Afrine est la cible d’une offensive lancée le 20 janvier par la Turquie pour chasser de sa frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), classée groupe « terroriste » par Ankara, mais allié de Washington dans la lutte antijihadistes. La région, bordée par la Turquie à l’ouest et au nord, et par des territoires tenus par des rebelles syriens pro-Ankara au sud et à l’est, est le dernier front à s’être ouvert en Syrie.

Quelque 205 combattants pro-Ankara et 209 membres des YPG ont été tués depuis le début de l’opération, selon l’OSDH, qui fait aussi état de 112 civils tués, ce qu’Ankara dément.

Quand les forces pro-régimes s’en mêlent

L’offensive turque a pris cette semaine une tournure spectaculaire avec le déploiement de forces pro-régime syrien dans l’enclave kurde. L’arrivée des forces pro-régime dans une région semi-autonome kurde qui échappe au contrôle de Damas depuis 2012 marque un développement majeur ajoutant à la complexité de la guerre civile qui ravage la Syrie depuis bientôt sept ans.

Peu après leur arrivée à Afrine, les forces pro-régime ont été visées par l’artillerie turque, selon l’agence officielle syrienne Sana. A Ankara, les médias étatiques ont fait état de « tirs d’avertissement » contre ces forces. « Ce dossier est clos pour le moment », a déclaré à la presse le président turc Recep Tayyip Erdogan. En guise de menace à Damas, Erdogan avait pourtant affirmé dans la matinée que son armée « barrera(it) la route » à tout renfort extérieur arrivant à Afrine. Mais les forces loyalistes syriennes s’y sont déployées quelques heures plus tard. Erdogan a aussi affirmé que les forces turques assiégeraient prochainement la ville d’Afrine. Ses plans risquent toutefois d’être contrariés par les derniers développements.

La position ambigüe de la Russie

Il n’était pas clair dans l’immédiat si le déploiement syrien s’est fait avec l’aval de Moscou, un allié-clef du régime du président Bachar al-Assad et qui contrôle l’espace aérien dans le nord de la Syrie, un important levier qui peut lui permettre de faire pression sur Ankara. Moscou a beau avoir tacitement donné son feu vert à l’offensive d’Afrine, il n’a pas manqué de manifester déjà sa mauvaise humeur à l’égard d’Ankara en fermant l’espace aérien à ses avions pendant plusieurs jours après qu’un appareil russe eut été abattu dans une zone du nord de la Syrie où des observateurs militaires turcs sont censés faire respecter une zone de désescalade.

Afrine et Ghouta orientale: les deux fronts qui menacent la Syrie
© AFP

La Russie et la Turquie coopèrent étroitement sur le dossier syrien, même si elles soutiennent des camps opposés dans le conflit. Erdogan s’est rapproché de Moscou après avoir été excédé par le soutien apporté par les Etats-Unis aux YPG, devenues le fer de lance des USA sur le terrain dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Tensions avec les Etats-Unis

Sur le plan diplomatique, l’offensive a renforcé les tensions entre Ankara et Washington. A tel point que la Turquie menace d’ores et déjà d’avancer vers Minbej, à une centaine de kilomètres à l’est d’Afrine, où sont déployés des militaires américains aux côtés des YPG.

Pour tenter d’apaiser ces tensions avec un pays allié des Etats-Unis au sein de l’Otan, le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a effectué en fin de semaine une visite à Ankara. A l’issue de cette visite, Washington et Ankara sont convenus de travailler « ensemble » en Syrie pour surmonter leur crise, avec « en priorité » la recherche d’une solution pour Minbej.

Dans la Ghouta orientale : le fief rebelle face au régime

Dernier fief rebelle aux portes de la capitale Damas, la Ghouta orientale est la cible quotidienne de raids aériens et bombardements du régime. Le régime cherche à reprendre cette enclave, d’où les rebelles tirent des obus parfois meurtriers sur la capitale. Ces dernières années, le régime a grignoté progressivement le territoire des insurgés, aujourd’hui acculés dans un secteur assiégé d’une centaine de km². La nouvelle campagne aérienne contre la Ghouta a commencé dimanche, le jour où le régime a renforcé ses positions autour de cette région en prévision d’un assaut terrestre qui n’a pas encore été lancé.

Dans la Ghouta orientale.
Dans la Ghouta orientale. © REUTERS

Depuis dimanche, plus de 250 civils, dont près de 60 enfants, ont été tués dans la Ghouta orientale et des centaines blessés, selon l’OSDH, qui s’appuie sur un vaste réseau de sources dans le pays en guerre. Plusieurs hôpitaux ont été mis hors service alors que les destructions sont énormes. Outre leurs bombes, les avions ont largué mercredi des barils explosifs sur les localités d’Arbine et de Aïn Tourma, une arme qui tue de manière aveugle et dont l’utilisation est dénoncée par l’ONU et des ONG internationales, a poursuivi l’OSDH.

Toujours selon l’OSDH, l’aviation de la Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad, a bombardé mardi la Ghouta orientale pour la première fois depuis trois mois.

Une escalade qui inquiète la communauté internationale

« Le secrétaire général [de l’ONU] est profondément inquiet devant la situation qui s’aggrave dans la Ghouta orientale et son impact dévastateur sur les civils », a rapporté le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a appelé toutes les parties à respecter les principes fondamentaux du droit humanitaire, notamment sur la protection des civils pendant les conflits armés. Il a également rappelé que la Ghouta orientale avait été désignée comme une zone de désescalade par la Russie, l’Iran et la Turquie, tous trois impliqués dans le conflit en Syrie, et il a rappelé à toutes les parties « leurs engagements à cet égard », a ajouté M. Dujarric.

« La situation en Syrie se dégrade considérablement » et « s’il n’y a pas d’élément nouveau, nous allons vers un cataclysme humanitaire », a pour sa part déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian. « A mon sens, le pire est devant nous », a-t-il poursuivi. « Cela est dû au fait que le processus politique est bloqué (…) Tous les éléments sont réunis pour une aggravation de la situation ».

La Ghouta rebelle, ancien « poumon vert » ravagé par la guerre

En mars 2011, la guerre éclate en Syrie après la répression sanglante de manifestations prodémocratie par le régime du président syrien Bachar al-Assad. Une partie des opposants au président passe à la lutte armée, certains constituant l’Armée syrienne libre (ASL). En juillet 2012, l’ASL lance, depuis la Ghouta, la bataille de Damas.

Cet ancien « poumon vert » où les habitants de la capitale venaient pique-niquer le week-end est alors régulièrement visée par des bombardements aériens et tirs d’artillerie du gouvernement, qui touchent marchés, écoles et hôpitaux et font de nombreuses victimes civiles. Le régime syrien qui garde le contrôle sur Damas assiège totalement la Ghouta orientale et ses habitants à partir de 2013.

Depuis l’été 2017, la région est censée être une des « zones de désescalade ». Ces zones devaient en principe aboutir à une diminution des combats. Mais les bombardements restent quasi-quotidiens.

Autrefois région agricole produisant légumes et fruits dont des abricots, la Ghouta, est également le théâtre d’une grave crise humanitaire. Le siège a provoqué une flambée des prix et une raréfaction des denrées.

(Avec AFP)

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