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Affaire Snowden: de Hong Kong à l’Equateur, la patate chaude diplomatique

Muriel Lefevre

Le mystère persiste sur le lieu où se trouve l’ex-consultant de la CIA accusé d’espionnage par Washington. Mais Edward Snowden qui a quitté son refuge à Hong Kong probablement pour l’Equateur via Moscou a entrainé une agitation diplomatique digne de la guerre froide. Passage en revue.

Le mystère reste entier ce lundi sur le lieu où se trouve Edward Snowden. Parti de Hawaï où il travaillait pour un sous-traitant du renseignement américain, l’ex-consultant avait trouvé refuge à Hongkong le 20 mai, armé d’un ordinateur portable bourré de révélations sur l’Agence de sécurité nationale (NSA) américaine. Informations qu’il a commencé à distiller début juin.
Un mois plus tard, le 23 juin, après avoir demandé l’asile à l’Equateur, Snowden a quitté Hong Kong pour Moscou, avec pour destination Caracas, via La Havane, selon la compagnie russe Aeroflot. La trajectoire du « lanceur d’alerte » a créé un bel imbroglio diplomatique. Passage en revue:

Les Etats-Unis en colère contre Pékin et Moscou

Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a menacé lundi la Chine et la Russie de conséquences sur leurs relations après le vol Hong Kong-Moscou pris dimanche 23 par l’ancien consultant de la CIA, jugeant qu’il serait « profondément troublant » que les demandes d’extradition aient été ignorées. « Il y aurait de ce fait et sans aucun doute un effet et un impact sur les relations ainsi que des conséquences », a ajouté le chef de la diplomatie américaine, sans plus de précisions.

Pour les Américains, Snowden, qui a été inculpé pour espionnage par la justice américaine depuis vendredi, a « trahi son pays ». Après avoir émis un mandat d’arrêt à son encontre, le département d’Etat américain a rendu caduc son passeport et demandé aux autres pays de l’empêcher de voyager. Sans succès.

Russie : rien à déclarer

Moscou se défend en expliquant ne pas disposer de motifs pour arrêter et extrader Snowden, selon une « source informée » citée par l’agence russe Interfax. « Edward Snowden n’a pas commis de crime sur le territoire russe. Les services de sécurité russes n’ont pas été chargés par Interpol de l’arrêter. Il n’y a donc pas de motif pour arrêter ce passager en transit », a déclaré cette source. L’expert militaire Pavel Felgenhauer souligne de son côté que la Russie n’a pas d’accord d’extradition avec les Etats-Unis. « Je n’ai aucune information sur Snowden », s’est enfin contenté de déclarer le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

Laissant entendre que la demande d’extradition de Snowden vers les Etats-Unis pourrait être rejetée, une autre source a indiqué à Interfax que Snowden ne pouvait pas être interpellé et extradé « dans la mesure où il n’a pas franchi la frontière russe », faisant apparemment allusion à la présence du jeune Américain dans la zone de transit de l’aéroport Moscou-Cheremetievo.

Chine : retour à l’envoyeur

La Chine est forcément intervenue pour autoriser le départ d’Edward Snowden depuis Hong Kong. Pékin a dû calculer qu’il mieux valait se débarrasser de l’ancien espion américain plutôt que de risquer une détérioration durable des relations avec Washington, selon les analystes. Ce faisant, la Chine récolte en même temps les bénéfices des révélations de Snowden, qui lui ont permis de mettre les Etats-Unis sur la défensive en matière d’espionnage informatique, après avoir régulièrement fait figure d’accusé ces derniers mois dans ce domaine. L’agence officielle Chine Nouvelle est ainsi allée jusqu’à traiter Washington de « plus grand voyou de notre temps », un ton devenu très inhabituel dans le langage officiel chinois.

Hong Kong : c’est pas moi

Le gouvernement de Hong Kong s’est défendu de toute ingérence dans sa décision de laisser Snowden quitter son territoire pour Moscou. « Pékin ne pouvait pas monter sur le devant de la scène, car cela aurait affecté les relations sino-américaines », selon Albert Ho, l’un des députés du camp démocratique à Hong Kong. « Donc, ils ont agi en coulisses pour faire parti Snowden. Le gouvernement de Hong Kong s’est sans doute contenté de ne pas l’arrêter à l’aéroport », a-t-il ajouté. Shen Dingli, expert en relations internationales de l’Université de Fudan à Shanghai, s’interroge: « S’agissant d’un intérêt national aussi vital, comment Hong Kong pourrait-elle décider seule? »

Equateur : Snowden, ce héros

Le président équatorien, Rafael Correa, a annoncé ce lundi que son pays analyserait « avec une très grande responsabilité » la demande d’asile déposé par l’ex-consultant. Un peu plus tôt, le chef de la diplomatie équatorienne Ricardo Patiño avait défendu lundi la demande d’asile déposée par Snowden auprès de son pays, estimant que son action avait permis de « faire la lumière » sur les agissements des Etats-Unis.

Dirigeant socialiste au ton critique envers les Etats-Unis, Rafael Correa entretient des relations cordiales avec Cuba et le Vénézuela. Quito a déjà accordé l’asile politique le 16 août dernier au fondateur de WikiLeaks, Julian Assange. Le cybermilitant australien est réfugié depuis juin 2012 à l’ambassade d’Equateur à Londres. Selon lui, Snowden a quitté Hong Kong dimanche avec « des papiers de réfugié » délivrés par l’Équateur.

Ricardo Patiño, lors d’une conférence de presse à Hanoï, au Vietnam a également souligné que Quito prendrait en compte « sa Constitution, la déclaration universelle des droits de l’homme et tous les autres outils du droit international » avant de rendre sa décision sur la demande d’asile de Snowden, pour laquelle aucun délai n’a été fixé.


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