Murielle Bolle, en 1993. © Reuters

Affaire Grégory: confrontation stérile entre Murielle Bolle et son cousin

Le Vif

Confrontée à un cousin dont les révélations ont donné un nouveau tour à l’enquête sur la mort du petit Grégory, plus de 30 ans après les faits, Murielle Bolle a campé vendredi sur ses positions.

Le face-à-face des deux cousins tournait autour d’une question centrale : celle qui avait 15 ans à l’époque a-t-elle subi dans la soirée du 5 novembre 1984 — un tournant de l’affaire Grégory, une des plus grandes énigmes judiciaires françaises — « un lynchage » par sa famille, entraînant la rétractation de son témoignage incriminant son beau-frère Bernard Laroche pour le rapt de l’enfant retrouvé mort le 16 octobre 1984 ?

C’est ce qu’a continué d’affirmer vendredi ce cousin, âgé de 54 ans aujourd’hui, contre les dénégations de Murielle Bolle, qui « s’est beaucoup exprimée » vendredi alors qu’elle parle peu d’ordinaire, selon Me Christophe Ballorin, l’un de ses avocats.

Chacun est resté « sur ses positions », a résumé le procureur général Jean-Jacques Bosc, ajoutant toutefois que le témoignage du cousin lui paraissait « crédible par rapport à d’autres éléments du dossier ».

« Ce n’est pas une affaire qui se règlera du jour au lendemain ; c’est une affaire complexe ». « Les gendarmes poursuivent les investigations » et « d’autres auditions vont avoir lieu », a-t-il promis lors d’une courte conférence de presse.

« Les deux discours ne concordent pas. Donc, de ce côté là, on n’a pas beaucoup avancé », a reconnu un autre avocat de Murielle Bolle, Me Jean-Paul Teissonnière.

En 1984, l’adolescente avait dit aux gendarmes qu’elle était dans la voiture de son beau-frère, passé prendre le petit Grégory Villemin le 16 octobre 1984, jour de sa mort, avant de le déposer, pensait-elle, chez des amis des parents de l’enfant.

le 16 octobre 1984, le cadavre de Grégory Villemin, quatre ans, était retrouvé pieds et poings liés dans une rivière des Vosges (est).

Le 5 novembre, Murielle Bolle avait répété ces déclarations devant le juge d’instruction, qui décidait en conséquence d’inculper et écrouer Bernard Laroche. Mais le lendemain, après une nuit en famille, elle était revenue avec sa mère pour se rétracter, disant avoir parlé sous la contrainte des gendarmes.

Cette rétractation éclair est au coeur des investigations. Elle avait conduit à la libération de Bernard Laroche, début 1985, mais celui-ci avait été tué peu après par le père de Grégory, Jean-Marie Villemin, convaincu de sa culpabilité.

Le cousin a décrit aux gendarmes « une scène insoutenable », un « lynchage » de la jeune fille qui « a pris énormément de gifles par les membres de sa famille », selon des extraits de procès verbaux d’audition publiés par Le Monde.

« Parole contre parole »

Si les enquêteurs considéraient déjà que Murielle Bolle avait été « malmenée » par sa famille, le cousin ajoute un détail nouveau : il aurait reçu ce soir-là les confidences de sa cousine, lui avouant avoir bel et bien assisté à l’enlèvement et que Bernard Laroche aurait remis l’enfant à deux personnes.

Le témoin, décrit comme ayant une santé fragile, dit avoir décidé de parler après l’arrestation de Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, mi-juin. Soupçonnés d’être les « corbeaux » de l’affaire, qui avaient revendiqué dans des lettres anonymes le crime, invoquant une vengeance. Ils sont inculpés pour enlèvement et séquestration suivie de mort.

« On a l’impression que c’est un recyclage d’informations tirées des médias », a asséné vendredi Me Ballorin.

« On est parole contre parole », a rétorqué Me Jean-Christophe Tymoczko, qui représente le cousin, ajoutant que son client a « réitéré l’ensemble de ses déclarations et a donné même quelques détails qu’il n’avait pas donnés jusqu’à maintenant ».

Murielle Bolle, qui a aujourd’hui 48 ans, a été mise en examen fin juin pour enlèvement suivi de mort et placée en détention provisoire.

Vendredi, dans le bureau de la présidente de la chambre de l’instruction de Dijon, Claire Barbier, elle n’aurait « même pas reconnu » son cousin selon ses avocats, qui estiment avoir démontré qu’un autre détail du témoignage de ce parent était faux : la présence sur les lieux d’un avocat, Me Paul Prompt, aujourd’hui décédé.

Dans son arrêt de 1993 innocentant Christine Villemin, la mère de Grégory, la cour d’appel de Dijon avait écarté toute « intention criminelle » de Murielle Bolle quand bien même elle aurait « facilité » l’enlèvement de l’enfant de 4 ans en accompagnant son beau-frère, estimant « impossible » de l’inculper en l’état ».

Après cette confrontation qui « s’est très bien déroulée pour Murielle Bolle », selon Me Ballorin, ses avocats vont désormais plaider sa remise en liberté sous contrôle judiciaire, le 4 août, devant la chambre de l’instruction de Dijon.

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