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Affaire Cassez, les idées fausses

Le Vif

Florence Cassez a été libérée dans la nuit de jeudi à vendredi après sept ans de rétention dans une prison mexicaine. Que sait-on des conditions et des motifs de son arrestation? Comment pouvait-elle ignorer l’activité présumée de son compagnon, toujours incarcéré pour kidnapping? Les rumeurs autour de l’affaire Cassez passées au crible.

Comment n’a-t-elle pas vu? Qui est vraiment son ex-compagnon? Quelle justice pour les victimes? L’affaire Florence Cassez, qui s’est achevée hier par une libération de la jeune femme, dure depuis sept ans. Pourtant des idées fausses continuent à circuler. Leonore Mahieux, ancienne correspondante de L’Express au Mexique, fait le point.

Elle a été arrêtée en flagrant délit

Le 9 décembre 2005, Florence Cassez crève l’écran dans des milliers de foyers mexicains. Kidnappeuse! C’est l’affirmation du journaliste qui suit cette opération policière. Cette sentence médiatique a eu un tel impact que plus de sept ans après, beaucoup sont encore convaincus d’avoir assisté à l’arrestation en flagrant délit d’une criminelle. Pourtant, dès février 2006, une journaliste révèle le mensonge et les autorités font leur mea culpa. Les téléspectateurs ont assisté à un show monté par la police mexicaine. Florence Cassez et son ex-compagnon ont en fait été arrêtés la veille, le 8 décembre, et sur la route. Conclusion: le flagrant-délit n’existe pas. Florence Cassez n’a jamais été surprise en présence d’otages dans la propriété de son ex-compagnon.

Des victimes l’accusent

On les a entendues dans tous les médias mexicains. « Elle m’a menacé de me couper un doigt ou une oreille ». « Elle était la chef de la bande ». C’est la version médiatique. Mais il existe une deuxième version, judiciaire : dans leurs premières déclarations, Cristina Rios et son fils Cristian affirment qu’il n’y avait pas de femme parmi leurs kidnappeurs et qu’ils ne reconnaissent pas Florence Cassez « ni physiquement, ni par sa voix ». En février 2006, quelques jours après la révélation du montage, depuis les Etats-Unis, Cristina Rios et son fils font de nouvelles déclarations où ils accusent Florence Cassez. « Une main blanche à la peau douce ». « Un accent bizarre ». Trois lignes.

Ce qui n’apparaît à aucun moment dans la presse mexicaine, c’est tout le reste: les deux victimes accusent formellement trois cousins éloignés. Un début d’enquête établit la connexion de ces hommes avec d’autres cas de kidnapping. Et pourtant ils ne sont jamais inquiétés pas la justice, et jamais mis en cause dans les médias.
La dernière victime, Ezequiel Elizalde, accuse Florence Cassez depuis le début. Il reconnaît une mèche de cheveux qui dépasse d’une cagoule. Il montre à tous une cicatrice, preuve d’après lui d’une injection que lui aurait infligé la Française pour lui couper un doigt. Mais une expertise médicale établit que cette marque est un grain de beauté. Des témoignages, repris hier par les juges de la Cour suprême, expliquent que l’enlèvement d’Ezequiel Elizalde est un règlement de compte entre bandes. La victime évoque elle au parquet une affaire familiale: Elizalde accuse sa belle-mère et son beau-frère d’être à l’origine de son kidnapping. La justice juge Florence Cassez, elle ne suit jamais ces pistes qui restent inexplorées.

Israel Vallarta est le chef d’une bande de kidnappeurs

C’est la présentation systématique qui est faite de l’ex-compagnon de Florence Cassez. Pourtant cet homme n’est pas jugé, il est donc présumé innocent. Et son dossier n’a rien de limpide. Les trois victimes l’accusent, mais on a vu que, dans le cas de Florence Cassez, les juges de la Cour suprême étaient prêts à invalider ces témoignages. Les familles des victimes disent reconnaître sa voix comme étant celle du kidnappeur qui les appelait pour négocier, mais une expertise audio est formelle: ce n’est pas la même voix. Reste la confession fleuve de cet homme. Une magnifique histoire de bandits. La bande du Zodiaque, une dizaine de kidnappings, des meurtres, des surnoms de roman: le Sagittaire, le Bélier, le Taureau… Mais cette « confession » a été réalisée sous la torture. Une expertise médicale l’atteste et elle n’épargne pas les détails : « hématomes, marques de brûlures sur les parties génitales… « .
Alors que répondre à cette question récurrente: Florence Cassez vécut de son plein gré avec un kidnappeur – pouvait-elle ne rien savoir? Comment n’a-t-elle pas vu? Que répondre sinon que, personne, aujourd’hui, n’est en mesure d’affirmer qu’il y avait quelque chose à voir.

Par Léonore Mahieux

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