Vladimir Poutine et Barack Obama © REUTERS

Abasourdis après la gifle de Poutine, les États-Unis sont à la recherche d’une stratégie

Rudi Rotthier
Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

The Washington Post parle d’une « insulte ». D’autres médias la qualifient de gifle. Des membres du gouvernement se montent abasourdis. Les États-Unis sont à la recherche d’une réponse aux bombardements russes en Syrie, qui d’après les sources américaines visaient surtout d’autres objectifs que l’EI.

Selon des sources américaines, Poutine n’a pas seulement fait bombarder des cibles syriennes, il a aussi fait semblant de viser l’État islamique (selon les Américains), alors que son aviation touchait surtout d’autres opposants du régime syrien, dont certains sont armés et entraînés par les États-Unis. Si c’est déjà suffisamment grave, il y a aussi sa façon d’agir.

Moins de deux jours après les « entretiens francs » entre les présidents Poutine et Obama, où ils ont discuté de la coordination des actions, et à de la grande ouverture mutuelle, les bombardements ont été communiqués de façon très peu orthodoxe à Washington.

D’après la BBC, les événements ont eu lieu de la façon suivante: « Tout a commencé par un coup de téléphone d’un diplomate russe basé à Bagdad à un confrère américain. ‘Nous avons quelque chose d’intéressant à raconter’. Un peu plus tard, un général russe trois étoiles quitte l’ambassade russe et se rend à l’ambassade américaine, où il demande à parler à l’attaché militaire. Il explique au militaire que les bombardements commencent dans une heure et que les Américains ont intérêt à quitter l’espace aérien syrien et évacuer tous les soldats au sol ». Soixante minutes plus tard, les bombardements commencent effectivement.

« De l’huile sur le feu »

La presse américaine, qui se base sur des sources au sein du gouvernement, a d’abord réagi d’un ton assez modéré en parlant d’une aggravation du chaos. Le ministre des Affaires étrangères John Kerry a rapidement annoncé des entretiens de coordination entre militaires russes et américains tout en se montrant très inquiet. Le ministre de la Défense Ashton Carter a déclaré que les Russes avaient jeté de « l’huile sur le feu ».

Cependant, le ton s’est rapidement durci. Alors que les Russes annonçaient avoir mitraillé 20 cibles de l’EI, les analystes américains et les opposants syriens ont déclaré qu’il s’agissait de mensonges. The New York Times déclare que, d’après des blogueurs et des analystes, les images diffusées par les Russes de leurs attaques aériennes ne montraient pas les cibles de l’EI qu’ils prétendaient attaquer. The Washington Post cite plusieurs hauts fonctionnaires qui affirment que les Russes ont surtout bombardé d’autres opposants, et pas l’EI. « Parmi les opposants touchés, il y avait des unités entraînées et armées par la CIA ».

« De quel côté se trouvent les États-Unis ? »

The New York Times écrit que les effets des bombardements sur les opposants syriens sont considérables même s’ils ont plus ou moins l’habitude de se faire mitrailler. Le quotidien donne la parole à Jamil Saleh, le leader d’une milice modérée soutenue par les États-Unis dans la province de Hama, qui comptait 8 blessés après ce qu’il décrit comme un bombardement russe. Le groupe a diffusé une vidéo de 2 chasseurs à réaction russes. Ensuite, la dénotation a été si forte que la caméra s’est éteinte. « Nous nous trouvons sur la ligne de front avec l’armée de Bachar el-Assad. Nous sommes des rebelles modérés sans liens avec l’EI. L’EI est situé à au moins 100 kilomètres d’ici ».

Le Times donne la parole à un activiste issu de Homs, où selon les sources de l’opposition, il y a eu 36 civils tués lors des bombardements russes. « La Russie est complice des crimes d’Assad qui peut nous tuer avec l’approbation des États-Unis et de la communauté internationale », estime l’activiste Khoodair Khusheif. « Je ne comprends vraiment pas comment un grand pays comme les États-Unis laisse la Russie bombarder la Syrie ». D’après le journal, il s’agit d’une question récurrente en Syrie : de quel côté sont les États-Unis ?

À en croire la BBC, Poutine développe une stratégie claire au Moyen-Orient. Il souhaite préserver son port en eau profonde dans la ville syrienne de Tartous. Il désire jouer un rôle au Moyen-Orient, garder Assad au pouvoir. Et dans cette perspective, l’opposition modérée constitue une cible au moins aussi légitime que l’EI. À présent, la question se pose : que font les États-Unis ?

Lundi, dans son discours aux Nations Unies, Obama a déclaré: « Choisissez la coopération plutôt que le conflit. Ce n’est pas de la faiblesse, mais de la force ».

D’après la BBC, Poutine ne partage pas cet avis: « À présent, il semble que le gouvernement américain doit faire un choix: va-t-il risquer une confrontation avec les Russes ou acceptera-t-il qu’Assad reste où il est et pour longtemps? Ce ne sont pas des choix faciles ».

Il faudra que les États-Unis tranchent. Il y a en effet un groupe croissant de parlementaires et d’Américains qui ne comprennent plus la stratégie du gouvernement Obama.

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