© Reuters

A Vienne, une manifestation pour dénoncer un « cabinet des horreurs »

Le Vif

Concert de sifflets et quolibets: plusieurs milliers d’Autrichiens ont manifesté lundi devant le palais de la Hofburg à Vienne pour protester contre l’investiture au même moment d’un gouvernement qualifié de « cabinet des horreurs » en raison de la présence de l’extrême droite.

« Avec l’Intérieur et la Défense, l’extrême droite va contrôler les principaux leviers du pouvoir », s’inquiète Claudia, un mère de famille de 45 ans venue braver le froid glacial devant le siège de la présidence de la République, où le nouveau gouvernement a prêté serment.

Dirigé par le jeune conservateur Sebastian Kurz, vainqueur à 31 ans des élections du 15 octobre, le nouvel exécutif intègre plusieurs figures d’extrême droite à des postes clés, dont Heinz-Christian Strache, chef du Parti de la liberté d’Autriche FPÖ et nouveau vice-chancelier.

La cérémonie a été accompagnée d’un concert de sifflets, tandis qu’une chorale entonnait des chants politiques écrits pour la circonstance, sur des airs de chansons de Noël.

Le nouveau gouvernement est un « cabinet des horreurs », estime un manifestant brandissant une pancarte. « Ne laissez pas les nazis gouverner », peut-on lire sur de nombreuses affichettes.

Evaluée à 5.500 participants par la police, la manifestation, qui s’est déroulée sans incident, a été loin de regrouper les quelque 250.000 personnes qui s’étaient rassemblées pour protester contre la précédente arrivée au gouvernement du FPÖ, début 2000.

Avec près de 60% des suffrages aux législatives, la nouvelle majorité a été plébiscitée par des Autrichiens désabusés après dix ans de coalition centriste entre droite et sociaux-démocrates. Beaucoup voient dans le FPÖ une alternative à ces deux formations, poids lourds de la politique autrichienne, plutôt qu’un parti d’extrême droite.

Et dans un contexte de banalisation des droites radicales en Europe, le nouveau gouvernement n’a pas provoqué de levée de boucliers comparable à celle observée il y a dix-huit ans.

‘Scandales de corruption’

Mais Stefanie, 36 ans, se dit « très inquiète » de la politique qui sera menée en Autriche. « On a vu le résultat il y a une quinzaine d’années, les riches ont été favorisés au détriment des plus fragiles, des plus pauvres, des réfugiés », souligne-t-elle.

Pour Claudia, l’arrivée en force au pouvoir de dirigeants comme M. Strache issus des Burschenschaften, corporations pangermanistes et nationalistes nées à 19e siècle, « renvoie cent ans en arrière ».

« Je crains qu’on ne s’en prenne de plus en plus aux étrangers. Déjà, le nouveau gouvernement veut supprimer leur accès aux prestations sociales (les cinq premières années, ndlr), même s’ils cotisent. Je suis mariée à un Nigérian, ce n’est pas le pays où j’ai envie de vivre », confie Katharina, 38 ans.

Stefanie pointe en outre les dérives économiques du gouvernement formé avec des personnalités issues de l’extrême droite entre 2000 et 2007.

« Quelques années plus tard, on a vu émerger tous les scandales de corruption liés à cette période », rappelle-t-elle, le dernier en date mettant en cause l’ancien ministre des Finances Karl-Heinz Grasser, dont le procès s’est ouvert la semaine dernière à Vienne.

Mais en ce lundi matin, le principal contingent de manifestants sur la place des Héros est formé d’étudiants, venus protester avant tout contre l’introduction de frais d’études, un marqueur fort tant pour la droite que pour la gauche autrichiennes.

« Bien sûr, le discours anti-immigrés (de la nouvelle majorité) n’est pas super. Mais beaucoup d’étudiants sont ici avant tout pour protester contre la dégradation à venir de leurs conditions de vie », souligne Lukas, 21 ans.

« Les frais d’inscription, ça va être 500 euros par semestre, ce qui représente beaucoup d’argent pour beaucoup d’entre nous », explique cet étudiant en ingénierie des procédés à Vienne.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire