A l’entrée de Bartalla, la longue attente des habitants chassés par l’EI

Le Vif

D’un côté de la route, un centre commercial aux vitres soufflées, de l’autre, des entrepôts endommagés laissant entrevoir des charpentes métalliques: à l’entrée de Bartalla, les dégâts témoignent des combats entre troupes irakiennes et jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Chassés il y a deux ans de leur ville lors de la percée éclair des jihadistes, des civils attentent impatiemment à l’entrée de Bartalla, devant un remblai de terre aménagé par les forces fédérales irakiennes. « A partir de demain peut-être, nous pourrons les laisser entrer », affirme à l’AFP le général Maan al-Saadi, des unités d’élite du contre-terrorisme (CTS). Mais s’il assure que ses troupes ont repris la ville, il refuse aussi d’y faire entrer la presse, assurant que des opérations de sécurisation sont toujours en cours.

Des membres de ces unités d’élite, de retour d’opérations, évoquent vendredi encore des poches de résistances et des tunnels utilisés par les jihadistes de l’EI.

Le CTS a lancé jeudi une offensive sur cette ville majoritairement chrétienne, située à une dizaine de kilomètres à l’est de Mossoul, joyau du « califat » de l’EI mais désormais dans le viseur des forces fédérales et kurdes, soutenues par la coalition internationale dirigée par Washington.

A Bartalla, il faut localiser les explosifs laissés par les jihadistes dans des voitures, des maisons ou en bord de route, explique M. Saadi. C’est donc sous escorte des forces fédérales que la presse ne peut parcourir que quelques centaines de mètres à l’entrée de la ville, traversant la zone industrielle et commerçante, bien loin des quartiers résidentiels d’où s’échappent à intervalles réguliers de hautes colonnes de fumée noire.

Oublier les épreuves

C’est là-bas que vivait Jassem Mohammed Naqib, un combattant kurde qui arbore un bandana en camouflage militaire en travers du front et porte un uniforme flanqué de cartouchières colorées. A 25 ans, le jeune homme sert depuis neuf ans dans les rangs des combattants kurdes, les peshmergas. Mobilisé sur plusieurs fronts, il a enfin réussi à être envoyé à Bartalla, qu’il a quitté une nuit de l’été 2014 avec ses trois enfants et sa femme quand les jihadistes de l’EI y sont entrés. « Aujourd’hui, je vais enfin voir ma maison si Dieu le veut, je n’ai aucune idée de l’état dans lequel elle se trouve ». Mais à l’entrée de la ville, les forces irakiennes filtrent aussi les entrées des combattants kurdes, laissés en deuxième ligne.

De Bartalla, où s’échappent des bruits d’explosions, ne restent que des ruines après le passage des jihadistes, assure Ali Mohammed Fathi, l’ancien maire de la cité, lui-même parti « sans rien au beau milieu de la nuit » il y a deux ans avec ses deux femmes et quatorze enfants. « Selon les informations que nous arrivons à obtenir, ils ont détruit les bâtiments publics et les infrastructures », affirme-t-il à l’AFP.

« Il nous faut le soutien de toute la communauté internationale, il faut nous aider à retrouver une vie normale pour oublier toutes les épreuves que nous avons traversées », plaide l’homme, en costume gris, piétinant d’impatience à l’entrée de sa ville.

Jusqu’au dernier souffle

Comme Jassem, Hassan Adnane Hassan, 22 ans, un autre combattant peshmerga, voudrait entrer. Le jeune homme, coiffé d’un casque lourd kaki et la manche droite frappée du drapeau du Kurdistan, attend lui aussi devant le blindé irakien qui barre l’entrée de la ville. Il est venu à Bartalla en mission commandée: « Mon cousin a abandonné sa maison ici, il m’a demandé de venir voir si elle n’avait pas été détruite », dit-il.

Sa maison à lui est à Qaraqosh, la grande ville qui jouxte Bartalla un peu plus loin. Avant l’arrivée de l’EI, 60.000 personnes, de toutes confessions, vivaient dans les deux communes, explique Nissan Karroumi, à la tête du Conseil du district. Aujourd’hui, toutes sont déplacées. Et comme Hassan, elle devront encore attendre avant de rentrer chez elles.

D’ici là, promet celui qui a rejoint les rangs des combattants kurdes il y a cinq ans, « je participerai à toutes les batailles, je défendrai le Kurdistan jusqu’à mon dernier souffle ».

Jassem aussi a retrouvé de l’allant grâce à une permission enfin obtenue la veille. « Hier, j’ai réussi à aller voir mes trois enfants », dit-il. « C’est pour eux que je combats, on a la foi, et c’est un honneur de mourir pour la patrie et pour libérer nos familles du joug des criminels sans foi ni loi ».

Car, assure M. Fathi, le plus important aujourd’hui, c’est que tout ce que Bartalla a enduré ces deux dernières années sous la férule de l’EI « ne recommence plus jamais ».

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