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5 questions sur l’essai nucléaire de la Corée du nord

Le Vif

Pyongyang a procédé ce mardi à un troisième essai nucléaire. Quel message le régime coréen adresse-t-il et à qui? Faut-il s’inquiéter? LeVif.be fait le point.

Est-ce une surprise ?

Non. La Corée du Nord avait prévenu il y a quelques semaines qu’elle entendait procéder à un troisième essai nucléaire, après ceux de 2006 et de 2009, interprétés par la plupart des spécialistes comme des semi-échecs. Ce nouvel essai est présenté comme une réponse aux sanctions élargies de l’ONU après le lancement d’une fusée, le 12 décembre, considérée par Washington comme un missile balistique.

Si ce n’est pas le premier essai, pourquoi s’inquiéter ? C’est la conjonction des deux événements – le tir de la fusée et l’essai nucléaire – qui inquiète les pays de la région. Car elle laisse à penser que Pyongyang tente de développer une tête nucléaire pour missile à longue portée. Ce qui reste à prouver.

Que s’est-il passé exactement ?

C’est la grande difficulté: les scientifiques sont relativement démunis pour interpréter « l’activité sismique artificielle » qui s’est produite à 11h57 heure locale (3h57, heure de Paris), sur le site utilisé par la Corée du nord pour ses essais nucléaires. Les spécialistes se pencheront sur deux types d’information. Sismiques, d’abord. L’explosion souterraine se serait produite à environ un kilomètre de profondeur et, selon la Corée du sud, l’explosion aurait dégagé une puissance de 6 à 7 kilotonnes (l’équivalent de 6000 à 7000 tonnes de TNT).
L’avenir dira s’il s’agit bien d’une seule explosion ou si, éventuellement, deux essais simultanés auraient pu être entrepris. L’autre question cruciale, dans les jours à venir, concernera la nature de l’essai: s’agissait-il d’une bombe au plutonium, comme lors des précédents essais, ou à l’uranium hautement enrichi? Nul doute que des avions renifleurs américains, capables de collecter des débris radioactifs provenant d’explosions nucléaires, réunissent des données en ce moment même, au large des côtes de la Corée du nord. Les résultats seront scrutés de près: seul l’uranium hautement enrichi permet la miniaturisation et, à terme, le développement d’une tête nucléaire. Or, cette hypothèse semble a priori la plus probable: Pyongyang annonce depuis des semaines un essai « de plus haut niveau » que les précédents.

Que cherche la Corée du nord ?

Certes excessive, mais toujours significative, la propagande nord-coréenne présente son geste comme un défi lancé aux Etats-Unis : environ une semaine avant l’essai, Pyongyang a même posté sur Internet la vidéo d’une attaque de missiles imaginaire sur une ville semblable à New York! Le moment choisi pour l’essai, à quelques heures du discours sur l’état de l’Union de Barack Obama, ne doit sans doute rien au hasard. Pyongyang cherche manifestement à impliquer davantage Washington dans la région. Or, l’administration Obama parle depuis des années de « patience stratégique » et a de facto délégué à la Chine la gestion de ce turbulent régime. En passant à l’acte, malgré les mises en garde de Pékin, Pyongyang fait un pied de nez à son allié chinois.

Que change cet essai ?

En pratique, rien: la Corée du nord peut menacer les Etats-Unis, la Corée du sud ou le Japon, mais elle ne peut pas utiliser l’arme nucléaire -ce serait un suicide et, en dépit des apparences, les leaders de Pyongyang sont rationnels. En revanche, l’essai nord-coréen contribue à déstabiliser un peu plus l’Asie orientale. Et c’est précisément ce que cherchait à éviter Pékin. Au-delà du contexte régional, le risque N°1 est celui de la prolifération. Si la Corée du nord partage les résultats scientifiques de son essai avec l’Iran, par exemple, le programme militaire de Téhéran – dont l’existence est contestée – apparaîtrait encore plus menaçant.

Par Marc Epstein

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