Pour Churchill, la création d'une Union européenne est le meilleur rempart contre le communisme. © RUE DES ARCHIVES/REPORTERS

19 septembre 1946 : le jour où Churchill en appelle aux États-Unis d’Europe

C’est un discours célèbre. Dans l’imaginaire, c’est presque un acte fondateur. Ce jour-là, un vieil homme de 71 ans lance un vibrant appel à l’unité européenne. L’événement est retentissant : au sein des dirigeants et des opinions, il suscite un vaste élan d’adhésion en même temps qu’il constitue une forme d’encouragement. Un vrai tournant ? Oui et non.

Le héros est fatigué. A l’été 1945, son parti conservateur est défait aux élections générales et le Premier ministre remet sa démission. La population peine à voir dans ce seigneur de guerre l’homme capable d’incarner une nouvelle ère. Placé dans l’opposition, Churchill s’éloigne des réalités intérieures et s’oriente davantage vers les questions internationales. En mars 1946, depuis les Etats-Unis, il indique qu’un rideau de fer s’est abattu sur l’Europe. Déjà, son discours fait sensation.

Le 23 août 1946, Churchill débarque en Suisse avec son épouse et sa fille. A Bursinel, au bord du lac Léman, il peut tranquillement s’adonner aux joies de la natation et la peinture, l’une de ses passions. Les vacances sont tous frais payés : des milieux d’affaires helvétiques se sont associés pour offrir le séjour au Britannique dans l’espoir de redorer le blason de leur pays et de s’attirer quelques sympathies anglo-saxonnes.

Au cours de son séjour, Churchill travaille aussi. Il entretient sa correspondance. Rédige des discours. Fignole un manifeste. Multiplie les rencontres.  » Je fus frappé par le souci qu’il avait de saluer les ouvriers et les paysans, relate un officiel en cours de séjour. Je n’y vois pas seulement un besoin de popularité, mais surtout la conscience d’être, en face de Staline, la seule personnalité capable d’attirer les grandes masses.  »

Arrive le 19 septembre. Ce jour-là, Churchill est invité à l’université de Zurich. Rappelant les atrocités de la guerre, il en appelle à la paix. A la réconciliation franco-allemande. Et à la construction des Etats-Unis d’Europe.  » Pourquoi n’y aurait-il pas un groupement européen qui donnerait à des peuples éloignés l’un de l’autre le sentiment d’un patriotisme plus large et d’une sorte de nationalité commune ?  »

Inédit : c’est la première fois qu’un homme politique de premier plan s’engage sur le terrain de la construction européenne – jusqu’alors surtout occupé par de discrets activistes. Churchill considère la création d’une Union européenne comme le meilleur rempart contre le communisme. Et il n’est pas le seul. En divers endroits du continent, son discours suscite un nouvel élan. Il ne faudrait toutefois pas mal interpréter l’événement. En septembre 1946, Churchill est certes un leader d’opinion. Mais il n’exerce aucune fonction officielle. Son discours a plus valeur d’encouragement que d’engagement. Et puis, si le Britannique disserte sur les Etats-Unis d’Europe, il n’entend pas que la Grande-Bretagne en fasse partie. Il faudra encore attendre 1950 et Robert Schuman pour que la véritable première pierre de l’édifice européen soit posée.

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