Adel Kermiche, à l'âge de 14 ans. © Shutterstock/SIPA

15 à 20% des radicalisés souffriraient de troubles psychiques

Le Vif

Les services de renseignement les appellent les  » dossiers camisoles « . Les spécialistes de la lutte antiterroriste les surveillent de près. Les psychiatres, eux, rechignent à signaler ces cas.

Les services de renseignement les appellent les  » dossiers camisoles « . Ils redoutent par-dessus tout ces adeptes d’un islam radical mentalement instables, dont ils ne savent trop s’ils relèvent de la psychiatrie ou de la police. Sont-ils fous ou… seulement fous d’Allah ? Dans quelle catégorie ranger Logan Demorgny, 21 ans et presque autant de mentions à son casier judiciaire, qui, la tête couverte d’une cagoule portant l’inscription  » Je suis Daech « , a pris en otage l’un de ses codétenus de la prison d’Amiens (Somme) sous la menace d’une fourchette, en janvier 2016 ? Comment cataloguer Mohamed Lahouaiej Bouhlel, l’homme qui a lancé son camion dans la foule de la promenade des Anglais à Nice, le soir du 14 Juillet, chez qui un médecin tunisien avait détecté un début de psychose douze ans plus tôt ? Et Adel Kermiche, l’un des assassins du père Jacques Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime, dans le nord de la France), le 26 juillet dernier, plusieurs fois hospitalisé dans des établissements spécialisés depuis l’enfance ?

Adel Kermiche (à g.), avec son complice, Abdel Malik Petitjean, dans une vidéo d'allégeance à Daech. L'assassin du père Jacques Hamel avait fait plusieurs séjours dans des établissements spécialisés depuis l'enfance.
Adel Kermiche (à g.), avec son complice, Abdel Malik Petitjean, dans une vidéo d’allégeance à Daech. L’assassin du père Jacques Hamel avait fait plusieurs séjours dans des établissements spécialisés depuis l’enfance.© M. CHAUMEIL/DIVERGENCE

Selon Olivier de Mazières, patron de l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme en France, ces profils inquiétants, entre fanatisme et folie, formeraient entre 15 et 20 % des radicalisés. Quelques-uns sont d’authentiques malades, atteints de schizophrénie ou de psychose paranoïaque.  » Ceux-là peuvent commettre des actes violents dans un processus délirant alimenté par leur environnement, l’air du temps ou de mauvaises influences, mais ils sont rares et, le plus souvent, suivis en psychiatrie « , estime le psychiatre Jean-Pierre Olié, membre de l’Académie de médecine.

Les autres souffrent, à des degrés divers, de troubles du comportement ou de fragilités psychiques. Présentent des personnalités antisociales ou simplement vulnérables.  » Comme 15 % de la population française « , rappelle le psychanalyste Fethi Benslama.  » On a envie de penser qu’ils sont dingues, cela rassurerait la société, souligne le psychiatre et anthropologue Richard Rechtman. Mais la plupart ne le sont ni plus ni moins que tous les auteurs de crimes de masse ou de génocides.  »

Les rangs de ces radicalisés  » borderline  » grossissent au fil des retours de djihadistes en provenance de Syrie et d’Irak.  » Nous allons être confrontés à un vrai problème de santé publique, tranche Loïc Garnier, patron de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste en France. Les atrocités que ces « revenants » ont commises ou auxquelles ils ont assisté peuvent entraîner chez eux des séquelles psychiques, comme le syndrome de stress posttraumatique, ou une forme d’insensibilité à la violence.  »

Les policiers sont désemparés.  » Nous ne sommes pas capables de faire la différence entre un schizophrène, un paranoïaque ou un déséquilibré, pointe un capitaine en exercice dans un service antiterroriste. Et la collaboration avec les professionnels de la santé mentale, très attachés au respect du secret médical, laisse encore à désirer…  » Tel ce psychiatre de Toulouse dont l’un des patients, psychotique, fréquente assidûment les mosquées salafistes de la ville, mais qui se ferait couper en morceaux plutôt qu’appeler le numéro vert anti-djihad du ministère de l’Intérieur.  » Par allergie à la délation et à l’instrumentalisation de la psychiatrie « , affirme-t-il.

Par Anne Vidalie.

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