© Capture d'écran Gens de la Seine

Une balade sonore pour remonter la Seine au 18e siècle

Le Vif

Les meuglements de la vache Marguerite, les rires des blanchisseuses, les sollicitations des marchands ambulants: le site internet « GensdelaSeine » transporte les badauds du 21e au 18e siècle, le temps d’une balade historique et sonore le long du fleuve.

« On a voulu mettre à la disposition du plus grand nombre, de façon simple, le savoir des historiens », explique à l’AFP Isabelle Backouche, spécialiste de l’histoire de Paris à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

A travers 19 modules audios, qui correspondent à autant d’arrêts le long du fleuve, le site « gensdelaseine.com » raconte la vie des Parisiens en ces temps anciens quand la Seine était le coeur battant de la cité et la source de nombreux petits métiers.

A l’origine du voyage, Sarah Gensburger, sociologue de la mémoire au CNRS, Isabelle Backouche, historienne et Michèle Cohen, directrice artistique.

Au cours de la balade, on apprend qu’il y avait « des heures pour les bourgeois » au marché du quai de la Tournelle, que les abats étaient lavés dans le fleuve et que les Parisiens faisaient leur toilette dans des « bateaux de bains », des zones bien délimitées, surveillées et gratuites pour les indigents.

Quai de la Tournelle, on rencontre « Michel Kern », « pris de boisson et ivre d’eau de vie » qui vient d’être sauvé de la noyade. « Le pied lui a glissé », selon la police qui a « rappelé à la vie le citoyen submergé » en lui faisant respirer de l’ammoniaque, voire en introduisant de « la fumée de tabac » dans l’anus du malheureux.

« C’est textuellement ce que j’ai recopié dans les documents d’archives, c’est vraiment la façon dont un policier enregistrait un incident », précise Isabelle Backouche.

– Les petites gens plutôt que les rois –

Michel Kern, l’ouvrier, Jeanne, la petite marchande de fruits, la veuve Marchand, vendeuse de loterie: les chercheuses ont fait le choix de donner la parole aux petites gens.

« L’histoire de Paris souffre d’une approche par le haut, c’est à dire par ceux qui parlent le plus dans les archives », explique Isabelle Backouche.

« Le vrai patrimoine de Paris, c’est tous ces gens tellement différents qui ont habité cette ville. Or, on parle surtout de tel musée ou de tel roi », regrette la sociologue Sarah Gensburger.

Cette reconstitution sonore a nécessité des années d’enquête, de recherches dans les rapports de police, les lettres de doléances, les règlements de l’époque.

Isabelle Backouche a notamment ouvert les baux de tous les bateaux circulant sur la Seine pour en connaître les usages. C’est comme cela qu’elle a découvert l’existence des zones pour les blanchisseuses ou celles pour les bains.

Derrière la reconstitution des bruits anciens – les sabots des chevaux sur les pavés, les grincements de la pompe à eau de la Samaritaine…-, on trouve une archéologue des paysages sonores, Mylène Pardoen.

« Je n’invente pas de son, je ne crée pas de sons », explique la musicologue qui les reconstitue avec l’aide d’artisans, d’historiens ou d’archéologues avant de les enregistrer.

Quai de la Mégisserie, les animaux hurlent une dernière fois avant de passer la porte des abattoirs, au Pont Royal, des fusées de feux d’artifice éclatent.

« Le son, c’est du sensible. On ressent de la peur et de l’effroi à certains bruits ou du bonheur à d’autres », souligne Mylène Pardoen. Celui des lavandières procure du bonheur car il est synonyme de linge propre.

Le parcours est disponible en français et en anglais sur gensdelaseine.com (compatible smartphones et tablettes) et sera suivi de Gens de 39/45, Gens du Louvre, Gens de Belleville ou encore Gens de la Nuit.

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