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Qui a volé la jambe de Sarah Bernhard?

Le Vif

Amputée de la jambe droite, en mars 1915, à la suite d’une tuberculose osseuse, la célèbre comédienne Sarah Bernhardt poursuivit sa carrière sans se soucier du sort réservé à son appendice. Celui-ci, pourtant, valait de l’or. Cent mille livres exactement, somme proposée par le directeur du cirque Barnum de San Francisco, désireux de la montrer dans les foires. La petite histoire raconte qu’au télégramme envoyé à la comédienne pour lui demander sa jambe, celle-ci répondit : « Laquelle ? ». Les explications de Laurence Liban, responsable de la rubrique Théâtre à L’Express.

De quoi souffrait Sarah Bernhardt ? Aux alentours de ses soixante-dix ans, la comédienne commence à souffrir en permanence du genou droit, au point de ne pouvoir s’appuyer normalement sur la jambe. Pour alléger la douleur, les médecins plâtrent l’articulation, mais la souffrance persiste, de plus en plus violente. En désespoir de cause, on enlève le plâtre, pour s’apercevoir qu’une profonde gangrène s’est installée. L’amputation est alors décidée.

Avant l’amputation Atteinte d’une tuberculose osseuse avec gangrène – sa soeur était morte de cette maladie à l’âge de quinze ans – la comédienne semble avoir subi de nombreuses chutes sur les genoux. A commencer par celle qu’elle fit, à l’âge de quatre ans, en tombant d’une fenêtre. C’est à l’approche de la quarantaine, lors d’une tournée, que les véritables signes de la maladie se firent sentir, avec un abcès qui nécessita un drainage du genou. Quelques années plus tard, son rôle dans Jeanne d’Arc, où, chaque soir, elle devait tomber à genoux, aggrava son état. Le coup de grâce vint avec le rôle de Tosca. A 60 ans passés, la Divine se blessa au genou droit en sautant du parapet dans la scène finale de Tosca. Dix ans plus tard, ce sera l’amputation.

Après l’amputation La légende dit qu’elle chanta la Marseillaise pendant l’opération, mais la légende dit ce qu’elle veut. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne cessa de jouer jusqu’à sa mort, assise, le plus souvent, mais parfois debout. On la vit aussi sur les champs de bataille où elle alla encourager les poilus, grande dame idolâtrée par son époque. Fidèle à sa devise,  » C’est en se dépensant qu’on devient riche « , elle mourut en 1923 lors du tournage d’un film.

Qu’est devenue la jambe de Sarah Bernhardt ?

Retrouvé en 2007 à la faculté de médecine de Bordeaux, ville où eut lieu l’opération, l’objet dûment formolé n’aurait pas appartenu à la Divine. Et pour cause : il s’agit d’une jambe gauche ! Qu’est devenue la véritable, alors ? Volée par un fétichiste ? Ou perdue, tout simplement ? La vérité, comme l’erreur, est tout bêtement humaine. Il semblerait qu’un commis de laboratoire un peu bigleux et aujourd’hui décédé, ait commis une bourde inavouée lors du grand nettoyage opéré parmi les  » reliques « , foetus de siamois et autre coeur poignardé, à l’occasion du déménagement de l’ancien institut médico-légal de Bordeaux en 1977.

Et maintenant ?

Se trompant de bocal, Emile, car c’est le nom du commis de laboratoire, aurait incinéré la jambe sacrée. Puis, s’apercevant de sa gaffe, il aurait collé l’étiquette du premier bocal sur la première jambe venue… une jambe gauche, donc. L’explication est tentante. Le  » c’est la faute à Emile  » arrangerait tout le monde. Mais il y a un hic. Sinon, pourquoi le président de l’université évoque-t-il, même pour la repousser, l’idée d’un test ADN ? C’est que l’état de la jambe incriminée ne permet pas de savoir, à vue d’oeil, s’il s’agit de la droite ou de la gauche. Ce qui relance le débat. Un débat à ne pas traiter par-dessus la jambe ! Si la relique faisait des miracles…
Par Laurence Liban

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