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Les « Charitables » de Béthune, ces hommes qui enterrent les morts bénévolement

Le Vif

Depuis le XIIe siècle, d’énigmatiques hommes habillés de noir, bicorne et gants blancs, défilent dans les rues de Béthune, dans le nord de la France: la confrérie des « Charitables » enterre hommes et femmes, qu’ils soient riches ou pauvres, avec des gestes séculaires.

« C’est une institution dans la ville. Au moment des enterrements, ils sont toujours là, c’est une confrérie remarquable », explique Marie-France, Béthunoise de 63 ans, alors que passent devant elle une centaine de Charitables lors de la procession de la Saint-Eloi.

« Qu’on soit jeune, beau, riche, indigent, croyant, pas croyant, c’est rassurant de se dire qu’on sera accompagné dans la mort par eux », glisse-t-elle.

Cette confrérie, l’une des plus anciennes de France, puise son origine dans une terrible épidémie de peste noire qui endeuilla la région en 1188. Selon la légende, Gauthier de Béthune et Germon de Beuvry, deux maréchaux-ferrants, se rencontrèrent devant une source entre les deux villes voisines et obéirent à l’injonction de Saint-Eloi, patron des forgerons, « leur demandant de fonder une confrérie afin d’enterrer tous les morts ».

« Depuis cette date tous les défunts de Béthune et de Beuvry sont portés par les Charitables à leur dernière demeure », comme l’indique une plaque célébrant cette légende devant la source. A la suite d’un conflit avec l’évêque d’Arras au milieu du XIXe, ils choisirent d’être laïcs.

Bénévolement, ingénieurs, commerçants, retraités ou encore avocats revêtent ainsi le « grand noir », un mantelet à large col plissé dans le dos ainsi qu’une petite cravate, et participent au transport des défunts lors de la quasi-totalité des funérailles, les pompes funèbres prenant en charge le cercueil et la fosse.

‘Trempés jusqu’aux os’

Frédéric, 44 ans, industriel souvent en déplacement professionnel, prend le temps « d’aider les autres », en enfilant la tenue de Charitable lors de ses jours de repos. « Nous apportons un réconfort dans le deuil et nous faisons voir que la personne a une importance pour tout le monde », assure ce solide gaillard, comme le sont nombre de charitables.

Dans les années 1970, les Charitables étaient en déclin à Béthune, explique M. Vaillant, 73 ans, dont 47 passés dans la confrérie. « A l’époque, on n’était plus que dix », contre une cinquantaine aujourd’hui et environ 500 si l’on compte toutes les confréries actives dans la région.

Comme beaucoup de membres, il a intégré les « corbeaux » car un aïeul en faisait partie. « On accompagne les familles, on pousse un corps et un jour, c’est la confrérie qui me portera », dit-il, fataliste. « Mais le plus dur, ce sont les bébés, c’est toujours difficile de pousser le petit cercueil blanc ».

Depuis huit siècles, ces hommes répètent les mêmes gestes et prononcent inlassablement les mêmes paroles. Devant l’église, les Charitables, généralement onze par service, lèvent le corps du fourgon funéraire, l’amènent dans le choeur et assistent à la messe. Puis, ils mettent le cercueil sur une charrette et conduisent le défunt au cimetière où il sera mis en terre.

« Requiescat in pace », disent-ils d’une seule voix, avant de quitter le cimetière. Là, ils se retrouvent « au rond », un cercle peint à l’entrée de tous les cimetières de Béthune. L’un des onze, le « chéri », fait ses remarques au prévôt quant aux éventuelles manquements aux règles. Un « bouquet » (une amende de 50 centimes) peut être distribué, par exemple pour ne pas avoir ôté au bon moment le bicorne.

Dans cette ville de 25.000 habitants de l’ancien bassin minier du nord de la France, les habitants sont souvent admiratifs devant le dévouement de ces hommes.

« Parfois, on les voit dans le froid, trempés jusqu’aux os et ils font malgré tout leur service, c’est encore plus touchant », explique Arnaud. Il a rejoint la confrérie.

AFP

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