Elisabeth Bathory © Wikipedia

La comtesse sanglante, l’une des pires criminelles de l’Histoire

Le Vif

Rongée par la hantise de vieillir, Elisabeth Bathory aurait torturé et tué des centaines de jeunes filles en Hongrie, au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Son destin a inspiré romanciers et cinéastes.

Peut-être est-ce cela, la « beauté du diable » ; un visage diaphane, un regard rassurant, une chevelure brune coiffée en chignon. Et ce corps si fragile, si délicat qu’il semble incapable de violence. Elisabeth Bathory (1560-1614) aurait pu laisser à la Hongrie et à l’ensemble de l’Europe de l’Est l’image classique d’une élégante posant le buste droit, devant un peintre du XVIe siècle. Mais son destin s’est écrit autrement : en lettres de sang, entre vérité et légende. Aujourd’hui encore, cette femme aux multiples surnoms – la Comtesse sanglante, la Comtesse Dracula, l’Ogresse des Carpates – reste considérée comme l’une des pires criminelles de l’Histoire, une tueuse aux terribles pulsions.

Issue d’une famille noble de Transylvanie, Elisabeth (Erzsebet, en hongrois) n’a que 15 ans lorsqu’on la marie au comte Ferenc Nadasdy, d’au moins cinq ans son aîné. Ce dernier, héritier d’une grande dynastie, lui offre alors le château de Cachtice (aujourd’hui, en Slovaquie) où le couple s’installe. Trois ans plus tard, Ferenc est nommé commandant en chef de l’armée hongroise. Son ardeur au combat, d’abord contre les Serbes, puis face aux Ottomans, lui vaudra le surnom de « Prince noir ». Cet homme courageux mais violent vit sur les champs de bataille. Négligeant son épouse, il ne fait que de courts séjours au château. Il faudra attendre 1585 pour qu’Elisabeth lui donne son premier bébé, une fille. Par la suite, elle mettra au monde trois autres enfants, dont deux mourront en bas âge. Pal sera le seul fils qu’elle verra grandir.

Agée de 14 ans, elle aurait eu une liaison avec un paysan

La comtesse passe pour être une femme cultivée, et une bonne mère. De l’avis général, elle gère au mieux les terres de son mari, et se préoccupe volontiers du sort des plus pauvres. Mais il se dit aussi que ses bontés cachent une personnalité trouble, un sadisme effrayant qui la pousse aux pires sévices, en particulier sur des adolescentes.

Aujourd’hui encore, cette ambivalence garde sa part de mystère. Faut-il y voir simplement une forme de folie ? Ou l’influence néfaste d’une tante réputée cruelle et perverse ? L’explication réside peut-être davantage dans un drame personnel survenu, semble-t-il, peu de temps avant son mariage avec le Prince noir. L’adolescente, alors âgée de 14 ans, aurait eu une liaison avec un paysan. La petite fille née de cette étreinte clandestine serait morte – ou lui aurait été retirée, les versions divergent – pour être confiée en toute discrétion à une famille de paysans.

Devenue comtesse, la jeune femme commence à s’adonner à des pratiques sadiques. Ses victimes ? Les domestiques qui lui déplaisent. Battues au moindre prétexte, elles sont fouettées, brûlées, défigurées, puis abandonnées au froid et à la faim. Pour assouvir ses pulsions, Elisabeth s’entoure de complices dévoués : le nain Ficzko, la nourrice Ilona, la servante Dorko, la lavandière Katalin. Charge à eux de lui fournir de nouvelles « proies », qu’ils attirent au château en leur promettant un emploi et de bons gages.

Très vite, des rumeurs courent sur le compte d’Elisabeth Bathory. Au-delà des violences déjà mentionnées, elle aurait de nombreux amants et serait rongée, jusqu’à la folie, par la hantise de vieillir. C’est alors que se joue un épisode décisif qui va l’entraîner, selon la légende, dans un cycle de meurtres et d’orgies. Un jour, elle frappe une servante qui se met à saigner du nez. Tandis que du sang de la domestique coule sur sa propre main, Elisabeth constate que sa peau retrouve sa blancheur et sa douceur d’autrefois. Intriguée, elle se badigeonne le visage. Nouveau miracle : ses rides s’estompent, elle paraît plus jeune.

Après la mort de son mari, le 4 janvier 1604, ses besoins sanguinaires virent à l’obsession. Dans les villages alentour, il se dit que ses complices battent la campagne en quête d’adolescentes, filles de paysans ou de petite noblesse, aussitôt enfermées dans les cachots du château. La rumeur prétend qu’elles y seraient saignées à vif, et que la châtelaine, désormais quadragénaire, se baignerait dans leur sang.

Plus de 300 témoignages ont été obtenus

Ces bruits finissent par atteindre la cour de l’empereur Mathias. En mars 1610, celui-ci confie à son conseiller Georges Thurzo, sorte de ministre de la Justice, le soin d’enquêter. Avant même de connaître l’entière vérité, Thurzo négocie avec Pal, le fils de la comtesse, pour que sa mère ne soit pas inquiétée publiquement. Il est hors de question que l’une des familles les plus influentes de l’empire subisse l’affront d’un procès. La comtesse sera mise hors d’état de nuire, mais c’est dans son château, et nulle part ailleurs, qu’elle purgera sa peine. Aux yeux du peuple, sa culpabilité ne fait aucun doute. Aux yeux de la justice non plus : plus de 300 témoignages ont été obtenus, dont beaucoup sous la torture. Une servante prétend même que la comtesse aurait inscrit sur un cahier les noms de plus de 600 victimes. Un registre qui ne sera jamais retrouvé.

Ses complices sont jugés à la hâte. Deux domestiques sont condamnées à avoir les doigts arrachés et à être conduites au bûcher, la troisième passera le reste de ses jours en prison. Le nain Ficzko est décapité, son corps, jeté au feu. Comme convenu, la comtesse ne sera pas interrogée, mais elle sera enfermée sans autre forme de procès dans une chambre emmurée du château. Seule une étroite fente dans la cloison permet à ses gardiens de la ravitailler. Quatre ans plus tard, le 21 août 1614, elle s’éteint à l’âge de 54 ans.

Son personnage a fasciné des satanistes

Au cours des siècles suivants, son histoire va se nourrir de tant d’éléments si peu vérifiables qu’il deviendra difficile de distinguer le vrai du faux. Que n’a-t-on pas dit et écrit sur Elisabeth Bathory ? Que sa bisexualité, réelle ou supposée, était la source de sa cruauté. Qu’elle avait eu un vampire pour amant. Que ses dérives trahissaient la vanité de la femme, prête à tout pour repousser la vieillesse. Son personnage et ses supposés bains de sang (au sens propre) ont alimenté nombre de croyances populaires dans cette région du monde. Ils ont aussi fasciné des générations de satanistes, inspiré des romanciers, des dessinateurs, des peintres, des groupes de heavy metal, des cinéastes.

En 2010, l’actrice et réalisatrice française Julie Delpy lui a consacré un film intitulé La Comtesse. Elle y interprète une Elisabeth puissante et forte, mais si traumatisée par une rupture amoureuse qu’elle sombre dans la folie. Faut-il pour autant retenir cette thèse ? Dans cette histoire, il y a bien longtemps que la réalité a disparu sous des sédiments de fiction. Comme les ruines du château de Cachtice, dressées sur un éperon rocheux des Carpates slovaques, elle gardera à jamais ses secrets.

Un portrait tiré du livre de Jacques Expert, Grands criminels de l’Histoire

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