© grandtheftauto5.fr

GTA 5 : une satire vitriolée de la société américaine

Non, GTA 5 n’apprend pas qu’à tuer. Castant désormais trois héros, le jeu-monde des frères Houser se profile surtout comme une satire vitriolée de la société américaine. Décryptage des cinq clés du succès d’une saga millionnaire.

Par Michi-Hiro Tamaï

Plus beau et plus grand que ses prédécesseurs. Plus cher aussi: 200 millions d’euros. Grand Theft Auto V obéit à une logique qu’il critique. Celle du goût -américain- de la démesure exponentielle. Cinq ans de développement, 300 personnes, 2,5 millions de précommandes du jeu… Fantasmée comme un messie par les gamers, la méga production des frères Houser a provoqué un cirque spéculatif incroyable avant sa sortie. Certains ont ainsi dessiné en 3D la carte numérique de son île en se repassant en boucle les rares trailers du jeu. Size matters. Mais avant l’objet ludique et transgressif, GTA V devrait démontrer que le jeu vidéo est aussi capable de raconter des histoires avec talent.
Imaginant Los Santos comme un miroir déformé de Los Angeles et ses environs, Rockstar y jette ainsi des truands mémorables aux répliques qui claquent. Les cut scenes semblent évoluer quelque part entre Les Sopranos et Pulp Fiction. Michael, Trevor et Franklin (que le joueur prendra en main) courent bêtement derrière le billet vert à coups de braquages de plus en plus spectaculaires. Un prétexte pour décrire une relation triangulaire explosive vu que ces deux derniers sont (différemment) attachés à Michael, ex-gangster dépressif et accro de psychanalyse.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

A priori aussi jubilatoire que dans le précédent opus, le scénario ne sera toutefois pas la seule raison du succès de GTA V. Explications en cinq atouts clés.

1. Libre

Gran Theft Auto est le père des open world modernes, soit des mondes ouverts sous forme de villes hyper détaillées et gorgées de secrets à explorer sourire aux lèvres. A côté des missions de la trame principale du jeu, les copies caricaturales de New York, Los Angeles et Miami qui ont émaillé la saga de Rockstar déploient ainsi une foule d’activités vertigineuses. La grille de lecture de GTA Vice City changeait ainsi lorsqu’on débutait une carrière de chauffeur de taxi ou lorsqu’on recherchait en moto ou en voiture des éléments du décor propices à des cascades. GTA IV allait lui encore plus loin en introduisant la notion de socialisation: jouer au bowling ou aller boire un verre avec des proches permettait de renforcer les liens avec des coéquipiers probables. Toujours visitable via les airs, le Los Santos (et sa région) de GTA V s’offre désormais des fonds marins à explorer en combinaison de plongée et ou en bathyscaphe. Golf, tennis, chasse dans le bush, base jump et cyclisme sportif viennent s’ajouter à la liste des passe-temps offerts. Vertigineux.

2. Sonore

Ex-découvreurs de talents chez feu BMG, les frères Houser ont toujours soigné les bandes originales de leurs Gran Theft Auto. Astuce: glisser des radios thématiques aux programmations musicales impeccables, à sélectionner dans les véhicules volés. Parmi les B.O. mémorables, celle de GTA Vice City plongeait dans les années 80, entre Iron Maiden, les Pointer Sisters et Talk Talk. Irrésistibles, ces stations spécialisées en new wave et même en power ballads se complétaient également de chaînes dédiées à des talk-shows surréalistes. Avec son budget de développement pharaonique, GTA V tente lui de reproduire la bande FM contemporaine de Los Angeles à travers quinze stations (contre neuf sur Vice City). Le duo Houser frappe encore fort puisque la programmation garage et punk de Vinewood Boulevard Radio est commentée par Nathan Williams et Stephen Pope, deux Wavves. Bootsy Collins joue de son côté au MC sur une radio boogie funk des années 80 tandis que Flying Lotus a décroché la programmation de Fly Lo FM, sa propre station. Au menu, des amis invités parmi lesquels Tyler the Creator avec qui il a composé un morceau inédit.

3. Ultra réaliste

La réalisation graphique du précédent GTA a laissé un souvenir indélébile. Zoomer sur sa voiture permettait ainsi de voir distinctement la lettrine de la marque de son pneu. A une échelle plus macro, sortir de son véhicule pour ensuite survoler Liberty City en hélicoptère déployait un horizon criblé de buildings époustouflants. Le tout sans temps de chargement, avec trafic et passants. La géographie de la fausse pomme était à ce point respectée que les gamers l’ayant déjà visitée s’y retrouvaient sans peine. GTA V pousse ce souci maladif du réalisme encore plus loin. Déployant un terrain de 100 km2 (soit quatre fois la superficie du dernier GTA IV), l’open world grouillant de vie déborde de son cadre urbain habituel pour offrir des zones de nature entre montagnes et déserts. Un peu comme si Los Angeles – fidèlement caricaturée avec notamment Venice Beach et Hollywood- s’entourait de la Vallée de la Mort et du parc Yosemite, le tout sur une île. Au-delà d’un comportement physique routier amélioré des véhicules, on notera également que certains piétons du jeu croisés à un arrêt de bus downtown pourront se retrouver plus tard en train de travailler dans une autre zone de la ville.

4. Transgressif

Carjacker une Lamborghini en plein jour. Aplatir des passants. Narguer la police et déclencher une course-poursuite. Défoncer des barrages. Jouer avec un hélico aux fesses. Au passage, détruire du mobilier urbain (beaucoup) et déclencher un carambolage (enflammé). Finir, enfin, dans un centre commercial pour y planter le remake de Waco. Les plaisirs gratuits et inavouables de GTA sont nombreux. Les procès que 2K, son éditeur, a reçus aussi. Le côté obscur de la force ne s’en tient d’ailleurs pas à ces quelques « passe-temps » puisque l’ensemble des mécaniques ludiques de GTA se met au service de missions criminelles. Braquage, vengeance, sabotage et autre protection ont toutefois un sens dans les scénarios des différents volets du jeu. Toujours vu à la troisième personne et oscillant encore entre tir et pilotage, GTA V renouvelle heureusement son gameplay vieux de dix ans. Plutôt qu’un héros solitaire, le studio britannique en glisse simultanément trois dans les mains du joueur. Michael, Trevor et Franklin déploient ainsi un gameplay en triptyque où l’on switche d’un personnage à l’autre en pleine mission pour l’aborder sous différents angles. GTA V respire enfin comme un jeu de rôle. Engager des comparses facilite les braquages au détriment du magot. Entre pilotage et force physique, à chaque protagoniste sa spécialité. De quoi proposer du bullet time. Max Payne 3, sors de ce corps!

5. Corrosif

Business brésilien du kidnapping (Max Payne 3), pré-ados délinquants des années 60 (Bully), far west sanglant (Red Dead Redemption), psychopathes d’après-guerre (L.A. Noire)… Peuplées d’acteurs crédibles, les productions Rockstar brossent avec talent toutes les formes de crime nord et sud-américain, tout en multipliant les voyages dans le temps. Egalement présente sur la saga des GTA, cette approche s’y épaissit d’une satire jubilatoire de l’american way of life. Obnubilé par la mort du rêve américain vu par un immigré serbe, le quatrième opus de la série flirtait ainsi souvent avec l’Idiocracy de Mike Judge. D’une pub radio pour adopter un bébé en 24 h sur le Net (satisfait ou remboursé) à des dessins animés enfantins pro-Républicains, le miroir déformant de cet épisode a durablement marqué les esprits. Dealers, sans-abris, immigrés et état de faillite chronique de la ville… GTA V n’atténue pas son langage et s’attaque cette fois-ci au mirage de Los Angeles. Hollywood et son industrie porno adjacente y seront aussi passés au hachoir. Sans oublier les réseaux sociaux ou les activités sportives chères à la Californie comme le yoga, tourné en dérision.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire