Google vs Copiepresse : et si les éditeurs se trompaient de combat?

Depuis vendredi, les sites de plusieurs journaux francophones étaient absents des résultats du moteur de recherche Google. Ce lundi en fin d’après-midi, le géant américain a réindexé la totalité de ces sites. Une aubaine pour les éditeurs francophones qui se sont probablement trompés de cible.

En mai dernier Google avait été condamné à retirer le contenu des sites des journaux francophones de ses pages actualité. Mais le géant américain dans une interprétation restrictive du jugement avait supprimé la totalité des pages, y compris dans son moteur de recherche généraliste.

Après avoir reçu les garanties de la part de Copiepresse (Société de gestion de droits des éditeurs de presse quotidienne francophone et germanophone belge) que les astreintes dont il était menacé ne seraient pas appliquées, Google a donc décidé de faire marche arrière. « Nous ne visions que le service Google News et la mémoire cash du moteur de recherche, dans laquelle Google stockait les articles de presse sans autorisation. Mais nous n’avons jamais attaqué le principe du référencement, bien au contraire, se défend Margaret Boribon, secrétaire générale de Copiepresse. Déjà en 2007, après le jugement en première instance, Google nous avait déréférencés avant de changer d’avis, pour pouvoir continuer à négocier avec nous. »

Au coeur du problème, il y a bien plus que le service actualité de Google qui renvoie les internautes vers les articles de presse. Ce qui ennuie Copipresse ce sont les articles conservés en mémoire cache pendant plusieurs mois, alors qu’ils n’étaient plus disponibles gratuitement sur les sites des journaux francophones. Une procédure qui a occasionné un manque à gagner pour les journaux, selon Copiepresse.

« Nous avons demandé au professeur Berenboom, de l’ULB, qui est quand même le spécialiste du droit d’auteur en Belgique, de chiffrer la perte, poursuit Margaret Boribon. Selon son évaluation, on arrivait à un montant de l’ordre de 40 millions d’euros. Evidemment, ça, c’était en 2007. »

Depuis 2007, les intérêts judiciaires ont fait grimper l’ardoise aux alentours des 100 millions d’euros. Un montant pour lequel Copiepresse engagera, malgré l’accord intervenu ce lundi, une procédure pour dommages et intérêts en première instance le 8 septembre prochain.

Quand les éditeurs se trompent de combat

Ce qui est étonnant dans cette histoire, c’est que Copipresse ne remette pas en cause le fonctionnement même du service Google News. Imperceptiblement, celui-ci influence les pratiques journalistiques sur le Net. Affichant principalement les actualités liées aux recherches effectuées par les utilisateurs, Google News met régulièrement en avant les nouvelles les plus triviales. Ce n’est pas pour rien que le journal Le Monde, pour ne prendre qu’un exemple, donne de plus en plus régulièrement dans la rubrique des chiens écrasés pour augmenter le nombre de visiteurs sur son site. A l’inverse, des papiers de qualité hébergés sur des sites qui ne bénéficient pas d’un bon ranking (Google classe les sites d’actualité sur une échelle de 1 à 10) sont condamnés à errer dans les limbes du Web sans jamais avoir une chance de trouver leur public.

Mais non, Copipresse a décidé d’attaquer Google sur une pratique de référencement qui, en définitive, est totalement dans l’esprit du Web. Raison pour laquelle la communauté des internautes a finalement très peu protesté de la disparition des journaux francophones de l’index de Google. En pointant du doigt les dérives et les risques liés au principe de hiérarchisation de l’information par un système informatique, les éditeurs auraient probablement rallié plus de monde à leur cause. Mais ce combat-là n’a, pour l’instant, pas de réels enjeux financiers.

Levif.be (V.G.)

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