Radovan Karadzic, 2009. © BELGAIMAGE

Karadzic, le psychiatre devenu chantre de la purification ethnique

Le Vif

Radovan Karadzic a été psychiatre, poète, président, guérisseur, mais si la justice internationale confirme mercredi sa condamnation, il restera dans l’histoire comme l’un des artisans des pires atrocités en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’ancien chef politique des Serbes de Bosnie pendant la guerre intercommunautaire (1992-95) a été condamné en mars 2016 à 40 ans de prison pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Il avait alors qualifié de « monstrueux » ce verdict du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Il semblait à ce point convaincu de son innocence qu’il avait fait sa valise, pensant repartir en homme libre.

Aujourd’hui âgé de 73 ans, il est depuis 2009 derrière les barreaux du quartier pénitentiaire des Nations unies, à La Haye.

Après 13 ans de cavale, Karadzic a été arrêté en juillet 2008 dans un bus de la banlieue de Belgrade, trois ans avant l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, condamné en 2017 à la perpétuité.

Karadzic est alors méconnaissable: barbe blanche fournie et cheveux longs, il se fait appeler Dragan Dabic et se présente comme un spécialiste en médecine alternative.

Monstre mégalomaniaque pour les Croates et les Bosniaques musulmans qui le rendent responsable de la mort de dizaines de milliers de personnes, Karadzic reste en revanche pour de nombreux Serbes un « héros ».

« Un bon nazi »

Richard Holbrooke, défunt architecte des accords de Dayton (États-Unis) qui ont mis fin à la guerre en Bosnie, le décrivait comme « un des pires » hommes qui puisse être. « Il croyait vraiment aux théories racistes (…) Il aurait fait un bon nazi », avait déclaré le diplomate américain.

Pour le général britannique Michael Rose, commandant des forces de l’ONU en Bosnie en 1994, Karadzic était « un menteur accompli, intrinsèquement paranoïaque, un buveur invétéré ».

Né le 19 juin 1945 à Petnjica, village pauvre du Monténégro, Karadzic avait cinq ans lorsqu’il rencontre pour la première fois son père: celui-ci avait été emprisonné par le pouvoir communiste yougoslave pour avoir été membre des Tchetniks, mouvement royaliste serbe, qui s’est rendu coupable d’atrocités pendant la Seconde Guerre mondiale.

À 15 ans, il arrive à Sarajevo où il entame des études de médecine en 1964, puis se spécialise en psychiatrie. Poète à ses heures, il écrit des pièces de théâtre et joue de la musique folklorique serbe.

Son mentor, le psychiatre Ismet Ceric, le décrit comme un homme possédant « mille visages » et souffrant vraisemblablement d’un trouble de la personnalité.

« En témoignant contre lui (devant le TPIY, ndlr), j’ai remarqué que cet homme n’avait aucun remords », avait dit à l’AFP Mirsada Malagic, dont deux fils et le mari ont péri dans le massacre de Srebrenica (est).

Il déclarait aux juges fin 2012: « J’ai fait tout ce qui était humainement possible pour éviter la guerre et réduire la souffrance humaine ».

Selon les chiffres du Mémorial de Potocari, les forces serbes de Bosnie ont tué en juillet 1995 dans l’enclave de Srebrenica, plus de 8.000 hommes et adolescents musulmans, un crime considéré par la justice internationale comme un acte de génocide. Avec le siège de Sarajevo, c’est l’une des atrocités dont a dû répondre Karadzic.

Clandestinité

Au début des années 1990, il fonde son Parti démocratique serbe (SDS) de Bosnie, aujourd’hui encore une des principales formations du pays.

Son projet de partition de la Bosnie s’accélère quand les Serbes de Bosnie boycottent le référendum sur l’indépendance de mars 1992. Après ce scrutin, les forces serbes de Bosnie lancent leurs opérations militaires et se livrent alors à une campagne de nettoyage ethnique effrénée.

Président de la République des Serbes de Bosnie (Republika Srpska) dont il est un des fondateurs, Karadzic est accusé d’avoir orchestré cette campagne. Plus d’un million de non-Serbes sont expulsés de leurs maisons. Le conflit fait au total près de 100.000 morts, dont deux-tiers de Bosniaques musulmans et un quart de Serbes, selon le « livre bosnien des morts », élaboré par un centre de recherches indépendant à Sarajevo. Plus de 20.000 femmes ont été violées.

Fin 1995, Karadzic est écarté des négociations de paix à Dayton par son ancien allié, l’homme fort de Belgrade Slobodan Milosevic. En juillet 1996, sous la pression de la communauté internationale, il quitte ses fonctions de président de la Republika Srpska.

Il entre vite en clandestinité. Les rumeurs le disent caché dans des monastères orthodoxes de la région. Personne ne s’attendait à ce qu’un des fugitifs les plus recherchés de la planète, vive au coeur de la capitale serbe où il travaillait comme guérisseur.

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