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« En cas de nouveau référendum, les Britanniques sauraient au moins pourquoi ils votent »

Stefanie Van den Broeck Journaliste Knack

Partout en Europe, nous assistons à un retour au nationalisme du 19e siècle, déclare le professeur d’économie Paul De Grauwe (London School of Economics). « Mais ce n’est pas une conséquence du Brexit », répond-t-il aux lecteurs de Knack.

La livre sterling a fortement chuté de valeur depuis le référendum sur le Brexit en 2016. Quelles auraient été les conséquences si le Royaume-Uni avait eu l’euro comme monnaie ? (Erik Elsermans, Hove)

Paul De Grauwe : Je ne pense pas que la monnaie ait joué un rôle, ou que le résultat aurait été complètement différent pour le Royaume-Uni. Évidemment, on ne peut que spéculer à ce sujet. Si le Royaume-Uni avait fait partie de la zone euro, les marchés financiers l’auraient probablement forcé à quitter la zone euro avant de quitter définitivement l’Union européenne.

Le Brexit me concerne, car je vis au Royaume-Uni depuis deux ans. Combien de temps pensez-vous qu’il faudrait pour que le pays se remette d’un Brexit dur? (Frans Janssens, Boston (Royaume-Uni))

C’est difficile à évaluer. Les Britanniques subiront d’importantes pertes économiques pendant au moins deux ans. L’économie devrait se redresser, mais la rapidité avec laquelle elle le fera dépendra principalement des accords commerciaux que le Royaume-Uni devra conclure avec l’UE et le reste du monde. Le pays aura-t-il accès au marché unique européen et dans quelles conditions ? Il y a encore beaucoup d’incertitude à ce sujet.

Comment le capital de la Banque européenne d’investissement évoluera-t-il après le Brexit ? Et qu’en est-il des 13 % de parts que la Banque d’Angleterre, la Banque centrale britannique, détient dans la Banque centrale européenne ? (Zeger De Kinderen, Turnhout)

Tout dépend de l’accord entre le Royaume-Uni et l’UE qui sera conclu après le Brexit. Avec un Brexit dur, le Royaume-Uni ne voudra rien payer à l’UE. Ces actions dans le capital de la Banque européenne d’investissement perdront alors leur valeur, mais les Britanniques ne voudront pas remplir leurs autres obligations – je pense, par exemple, aux pensions des fonctionnaires européens.

Si le Royaume-Uni veut conclure un accord commercial avec l’UE, il devra s’engager. Comment exactement, cela ne peut être prédit aujourd’hui. La situation est différente pour les actions de la Banque centrale européenne : elles n’ont pas d’implications financières réelles, elles s’apparentent davantage à des droits de vote, permettant au Royaume-Uni d’avoir son mot à dire sur certains aspects de l’Eurosystème. Le Royaume-Uni ne sera pas en mesure de faire argent de ces actions.

Le Brexit a-t-il entraîné une forte montée de l’extrémisme en Europe occidentale ? Et une période d’incertitude et de perte de prospérité peut-elle en découler pour nous aussi ? (Christiaan Cuyckens, Hoogstraten)

Cet extrémisme, ou plutôt ce nationalisme, se manifeste en effet aujourd’hui dans de nombreux pays européens, y compris chez nous : la N-VA et le Vlaams Belang, par exemple, adoptent une attitude très eurosceptique. C’est un retour au nationalisme du 19e siècle, qui peut certainement conduire à l’incertitude et à la perte de prospérité. Le Brexit est l’expression de ce nationalisme. Mais je ne crois pas qu’il y ait un lien de causalité et que le Brexit conduira à plus de nationalisme. Au contraire, les autres États membres de l’UE ont réagi en resserrant leurs rangs. Et les sondages d’opinion montrent que les citoyens font davantage confiance à l’UE aujourd’hui qu’avant le Brexit.

Pourquoi le Royaume-Uni n’organiserait-il pas un mini-référendum pour les jeunes britanniques de 18 et 19 ans afin de leur donner l’opportunité de voter pour ou contre le Brexit ? (Jan Pelssers, Maasmechelen)

Un deuxième référendum pour tout le monde me semblerait alors plus sensé. Si vous organisez un nouveau référendum, il faut le faire bien du premier coup. Les jeunes de 18 et 19 ans d’aujourd’hui, qui n’ont pas pu voter en 2016, pourraient alors aussi faire entendre leur voix. De plus, dans le groupe plus âgé, qui a voté davantage en faveur du Brexit que les jeunes, certains seront décédés.

Le problème avec le premier référendum était aussi que les Britanniques, et en particulier les « brexiteers », ne pouvaient pas évaluer correctement quelles seraient les conséquences exactes de leur décision. Maintenant que ces conséquences sont de plus en plus claires, ils pourraient déjà voter en connaissance de cause. Après, la question de savoir s’ils le feront est une autre paire de manches.

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