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Pourquoi sauver les pandas ?

Alors que les deux pandas prêtés par la Chine au zoo de Beauval ont atterri dimanche à Roissy, le débat continue: faut-il protéger en priorité les animaux chouchous du public ?

Attention, séquence émotion. Ce dimanche, sur le tarmac de l’aéroport de Roissy, en France, on a eu droit à une bonne dose de « oohh » attendris, un large quota de sourires béats et de délicats « poussez-vous d’là, j’vois rien ». Dans la matinée, l’avion-cargo, spécialement affrété pour l’occasion a ouvert ses portes sur deux caisses « en partie translucides ». A l’intérieur, les stars du jour, Huan Huan et Yuan Zi, toutes en fourrure et peluche attitude.
Pour la première fois depuis 1973, la France accueille des pandas géants, « trésors nationaux chinois ». Tapis rouge, ambassadeur, public trié sur le volet, escorte policière: rien n’est trop beau pour ces VIP poilus voyageant sous valise diplomatique. Au Zoo Parc de Beauval, 5 millions d’euros ont été déboursés pour « recréer un petit morceau de Chine au coeur du Loir-et-Cher », s’amuse Delphine Delord, sa directrice de la pédagogie et de la communication.
A partir de février, les visiteurs pourront observer à loisir les plantigrades boulotter du bambou dans un décor fait de pagode, de lions en marbre et de lampions traditionnels. Le ZooParc espère attirer au moins 100 000 personnes supplémentaires par an grâce à l’imparable effet panda, auquel la BBC elle-même a succombé. Dans son classement des 12 « visages » de 2011, la chaîne britannique a sélectionné, aux côtés de Charlene de Monaco ou Pippa Middleton, une adorable dame panda arrivée en Ecosse début décembre…

Osons une question politiquement incorrecte: ces animaux chouchous méritent-ils tous ces honneurs, au regard des enjeux de préservation des espèces? Le débat, épineux, a surgi après la publication en novembre dernier dans la revue Conservation Biology d’un sondage réalisé auprès de 583 scientifiques. Plus de la moitié d’entre eux se déclaraient favorables à la mise en place de critères de sélection dans les stratégies de conservation.

Des sommes faramineuses dépensées

« Pour des raisons affectives et subjectives, certains animaux emblématiques bénéficient d’efforts financiers importants et d’autres font figure de parents pauvres, explique Florian Kirchner, chargé du programme espèces au Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Or on sait que, chaque année, des espèces disparaissent et que les moyens sont loin d’être à la hauteur des besoins. » De quoi se demander si les sommes faramineuses dépensées pour protéger quelques bébêtes populaires (tigre, ours polaire, panda) mais dont l’habitat est quasiment condamné ne seraient pas mieux employées à en sauver d’autres, moins connues mais présentant davantage de chances de survie à long terme…

Comment savoir, toutefois, quelles espèces privilégier ? Et faut-il raisonner en termes d’importance écologique ? D’originalité génétique ? De dimension symbolique et émotionnelle ? De services rendus ? « La question est loin d’être tranchée, souligne Florian Kirchner, sans compter qu’on connaît encore très mal le rôle de chaque espèce dans l’écosystème. » Ajoutons que personne n’ose imaginer un transfert des fonds actuellement mobilisés pour le panda sur, disons, le petit escargot endémique des Alpes… La bave est moyennement glam.

« Aujourd’hui, on nous force à effectuer des arbitrages financiers, conformément à la logique managériale de l’entreprise, critique Virginie Maris, chargée de recherche en philosophie au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. Nous devrions plutôt nous interroger sur ce que nous coûtent, collectivement, les activités qui détruisent les espèces concernées. » Et là, la facture risque d’être autrement plus salée.

Natacha Czerwinski

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