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Pollution : alerte rouge en Méditerranée

Présenté par le Sénateur PS français Roland Courteau, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) dresse un constat alarmant pour la flore et la faune méditerranéennes.

Urbanisme littoral démesuré, pollutions agricoles, rejets d’hydrocarbures, plateformes d’exploitation pétrolières à risque, contaminations chimiques: votre rapport sur la Méditerranée est quasi apocalyptique. Comment en est-on arrivé là?

C’est vrai, la situation est préoccupante. En se projetant à l’horizon 2030 et en tenant compte des effets du réchauffement climatique, des pollutions émergentes comme celles des produits pharmaceutiques peu filtrés par les stations d’épurations -quand elles existent!-, on aboutit à un état des lieux très inquiétant. En fait, on est proche d’un point de non retour. Il est tout juste de temps d’agir! Nous ne sommes pas loin de l’alerte rouge. On peut d’ailleurs s’étonner que la prise de conscience des maux qui rongent la Méditerranée ne soit pas plus élevée autour de son bassin.

C’est un constat d’échec des divers dispositifs mis en oeuvre?

Depuis 1976, des politiques de coopération et une ébauche de gouvernance anti-pollution existe au travers de la Convention de Barcelone et de son Plan d’action Méditerranée (PAM). Celui-ci gère une dizaine de protocoles conclus avec 21 états riverains, mais le bilan est en demi-teinte, car nombre d’états ne mettent pas en oeuvre les accords qu’ils ont ratifiés! De son côté l’Union européenne ne peut intervenir que sur son périmètre. Quant à l’Union pour la Méditerranée elle est encalminée et bute sur les questions géopolitiques des territoires occupés par Israël. Il faut donc dissocier du contexte politique le traitement technique des dossiers et traiter des questions de fond via une agence de protection où les décisions seraient prises non plus à l’unanimité, comme c’est le cas avec la convention actuelle, mais à la majorité qualifiée.

Vous parlez d’apurer le passé?

La mer garde la mémoire de toutes les agressions qu’on lui fait vivre. Depuis des décennies par exemple, le relargage de produits comme les PCB et des polluants organiques persistants, est interdit dans l’Union européenne. Néanmoins, ils persistent dans l’environnement marin, s’y lyophilisent, facilitant leur transmission dans la chaîne alimentaire, ce qui n’est pas acceptable. S’y ajoute, dans les pays de la zone sud et Est du bassin, ces stocks de pesticides interdits d’usage et qu’il s’agirait de détruire. Sans parler des plateformes pétrolières souvent vétustes, qui présentent des risques mais dont on n’arrive même pas à connaître l’ancienneté!

Sur quelles futures menaces faudrait-il agir dès à présent ?

Il y a deux domaines où la situation peut vite devenir gravissime. La consommation des produits pharmaceutiques -antibiotiques et anticancéreux ou perturbateurs endocriniens- et la polymérisation de la mer -ces minuscules débris de plastiques qui fixent les polluants et les transmettent à la chaîne alimentaire par l’intermédiaire du phytoplancton. Il est essentiel d’amplifier les recherches sur la façon dont les stations d’épuration filtrent, ou non, ces pollutions selon les molécules concernées.

Vu le contexte, les aires marines protégées déjà en place vous semblent-elles trop fragiles?

A l’évidence. Beaucoup parmi la vingtaine existant aujourd’hui, ne sont des aires protégées que sur le papier, faute de moyens de gestion -voire de police. Mais il faut amplifier le mouvement et donner une nouvelle impulsion à ces territoires, qui sont des conservatoires de biodiversité. J’ai d’ailleurs bon espoir de voir prochainement aboutir en Languedoc-Roussillon, sur 4000 km2 entre Leucate et Port Cerbère, un parc naturel marin de la Cote Vermeille qui s’ajoutera à celui de Porquerolles. Il s’agit de faire en sorte que la Méditerranée reste un point fort de la biodiversité planétaire.

Propos recueillis par Richard De Vendeuil, L’Express.fr

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