Obama en Alaska pour défendre le climat, après avoir autorisé de nouveaux forages à Shell

Par sa durée et son ampleur, cette visite présidentielle en Alaska est sans précédent dans l’histoire américaine: Barack Obama a choisi cet immense Etat en première ligne face au réchauffement pour lancer un appel à l’action.

« Le climat change plus rapidement que nos efforts pour y répondre », a déclaré M. Obama à Anchorage lors d’une conférence internationale sur l’Arctique.

« Aucune des nations représentées ici n’avance assez vite », a-t-il martelé dans un discours au ton sombre dans lequel il s’est longuement attardé sur les impacts dévastateurs des changements à venir en l’absence d’une réaction forte et coordonnée de l’ensemble des pays de la planète.

L’objectif de la communauté internationale est de limiter à 2°C la hausse des températures pour éviter un emballement climatique.

La science est de plus en plus précise et prouve que ce qui fut une menace lointaine est désormais une réalité », a-t-il poursuivi, évoquant « un défi qui définira les contours de ce siècle de manière plus spectaculaire que tout autre ».

Le président américain a également profité de cette allocution dans un Etat qui se trouve en première ligne face au réchauffement pour dénoncer l’attitude de nombres d’élus républicains qui contestent la responsabilité humaine dans les changements en cours.

« Nous pouvons avoir un débat légitime sur la façon de répondre à ce problème, nous ne pouvons nier la science », a-t-il lancé. « Ce n’est plus l’heure de plaider l’ignorance », a-t-il ajouté à l’attention des élus qui répondent qu’ils ne sont « pas scientifiques » lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet.

« Ceux qui veulent ignorer la science sont de plus en plus seuls, ils sont sur une île qui est en train de disparaître », a encore ajoute M. Obama.

Le président américain, qui se rendra mardi sur un glacier puis rencontrera mercredi des pêcheurs, est en quête d’images fortes – et parlantes – pour mieux faire passer son message.

Sur les 60 dernières années, l’Arctique a connu une hausse des températures deux fois plus rapide que celle enregistrée dans le reste du monde. En Alaska, le nombre d’incendies majeurs a doublé depuis les années 80. Les scientifiques mettent par ailleurs régulièrement en garde contre la bombe à retardement que représente un dégel du permafrost (sous-sol gelé) qui emprisonne des milliards de tonnes de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone mais aussi méthane). « Ici, nous vivons tous les jours avec les effets du changement climatique créé très loin d’ici », a résumé le maire d’Anchorage, Ethan Berkowitz, évoquant la hausse du niveau de la mer ou encore le recul des glaciers.

Grâce à un déplacement soigneusement chorégraphié par la Maison Blanche, M. Obama espère – images fortes à l’appui – mobiliser, rendre le réchauffement palpable, concret. Les Etats-Unis sont le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre derrière la Chine. Preuve de la volonté de la Maison Blanche de toucher un public aussi large que possible, la chaine NBC a annoncé que le président participerait en Alaska au tournage de l’émission de télé-réalité « Running Wild with Bear Grylls », qui pousse les candidats dans leurs retranchements dans des milieux hostiles. L’épisode sera diffusé d’ici la fin de l’année. « Tant que je serai président (jusqu’en janvier 2017, ndlr), l’Amérique jouera un rôle central pour répondre à la menace du changement climatique avant qu’il ne soit trop tard », a assuré M. Obama avant de quitter Washington.

Mais tout le monde ne l’attend pas à bras ouverts dans ce territoire – vendu en 1867 aux Etats-Unis par l’Empire russe – où le pétrole occupe une place centrale. Nombre d’habitants du « 49e Etat » redoutent que le président, les yeux rivés vers la conférence de Paris, en oublie les difficultés économiques auxquelles ils sont confrontés. La visite intervient dans un contexte d’autant plus difficile que la chute des prix du brut en a sensiblement amputé les ressources. Le gouverneur Bill Walker a prévenu qu’il avait un message clair pour le président: « Nous avons un excellent oléoduc en Alaska, le seul problème est qu’il est aux trois quarts vide. Je lui dirai que nous devons mettre plus de pétrole dans l’oléoduc, que nous devons avoir plus d’accès aux ressources ». Représentant de l’Alaska au Congrès depuis plus de 40 ans, le républicain Don Young, favorable à l’expansion des zones de forage, a lui aussi exprimé ses craintes: « Nous ne sommes pas seulement une carte postale », a-t-il prévenu.

Les associations de protection de l’environnement sont, elles aussi mais pour d’autres raisons, vent debout: elles regrettent le feu vert accordé au groupe Shell pour mener des forages dans la mer des Tchouktches, au nord de l’Alaska. « Les signaux contradictoires envoyés par Obama nous laissent perplexes », explique Rebecca Noblin, directrice pour l’Alaska du Center for Biological Diversity.

Quelques heures avant l’arrivée de M. Obama, la Maison Blanche a annoncé une décision symbolique réclamée de longue date dans cet Etat: le Mont McKinley, plus haut sommet d’Amérique du Nord, a été rebaptisé Denali. La montagne avait été nommée Mont McKinley en 1896 en l’honneur de William McKinley, ex-gouverneur de l’Ohio qui allait devenir président des États-Unis l’année suivante. Celui-ci n’avait pourtant jamais mis les pieds en Alaska. Il ne sera désormais officiellement plus désigné par le nom du 25e président des Etats-Unis mais par celui qui fut utilisé pendant des siècles par les populations locales et y est toujours largement employé. L’annonce a provoqué un début de polémique à Washington, à quelque 5.400 km de là. Des élus de l’Ohio, d’où était originaire le président McKinley, assassiné en 1901 au début de son deuxième mandat, ont dénoncé « une insulte » pour tous les habitants de leur Etat.

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