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Le coton-tige, ce fléau

Muriel Lefevre

Les cotons-tiges sont l’un des déchets les plus fréquemment retrouvés sur les plages. Leur impact sur la biodiversité est tel, qu’on envisage de plus en plus sérieusement de les interdire partout en Europe. D’autant, qu’en plus d’être une plaie pour la nature, ils peuvent aussi être dangereux pour nos oreilles. Le point.

85% des déchets trouvés dans les mers et sur les plages du globe sont en plastique. La moitié de ce matériel est jetable. Et à la deuxième place, juste après les bouteilles, on retrouve le coton-tige. On estime que 5 milliards de cotons-tiges sont utilisés chaque année et l’on en retrouve plus d’un million de tonnes sur les plages et dans les égouts … Les pays européens rejettent à eux seuls chaque année 100.000 tonnes de plastique en mer et 86 % des déchets plastiques sont des objets à usage unique. Pour nettoyer les plages européennes, on dépense 630 millions d’euros par an. Sur les 67 tonnes de déchets récupérés chaque année sur la côte belge, 95 % sont en plastique. Selon Le Soir, plusieurs communes ont même décidé d’interdire les objets en plastique jetables dans les bars, clubs et événements situés sur la plage.

À ne jamais jeter dans la toilette

Si les cotons-tiges atterrissent si souvent dans les océans, c’est parce que beaucoup ont la mauvaise habitude de les jeter dans les toilettes et non pas dans la poubelle. Si une grosse partie d’entre eux sont filtrés par les stations d’épuration, une partie passe entre les mailles du filet et est rejetée vers la mer. « Une station d’épuration est protégée des afflux massifs d’eau par un déversoir d’orage. En cas de fortes pluies, les eaux qui dépassent le débit maximal de la station sont rejetées dans la nature et les cotons-tiges qui flottaient dedans ou qui s’étaient amassés dans les égouts partent avec. Il peut aussi y avoir des stations mal entretenues où les objets s’accumulent au niveau du « dégrillage » et finissent par empêcher l’eau de passer. On atteint alors le seuil du déversoir, et c’est le même phénomène qui se produit », peut-on lire dans l’Express. On notera qu’en Wallonie, le fait de jeter un coton-tige dans les canalisations est considéré comme une infraction. Une fois dans la nature ce tube de plastique va se décomposer en micro-plastiques, vecteurs de contaminants chimiques en tous genres. La forme des bâtonnets représente elle aussi un danger, car elle peut provoquer des occlusions intestinales ou perforer les organes des animaux qui les avalent.

L’Europe en guerre contre le plastique

Dans le sillage de la France qui a annoncé qu’elle allait interdire ces cotons-tiges pour 2020, la Commission européenne prépare un projet de directive pour traiter de l’utilisation unique de matériaux jetables en plastique précise De Standaard. Elle envisage ainsi très sérieusement d’interdire purement et simplement les pailles (1,62 milliard chaque année pour le seul secteur des fast-foods en Belgique), couverts, tiges à ballon, bâtonnets pour touiller son café et donc aussi les cotons-tiges. Tous ces produits réalisés sans utiliser de plastique resteraient cependant autorisés. La Commission européenne examinera le projet de directive le 23 mai qui devrait cependant laisser le choix quant à la façon de l’appliquer aux différents pays membres. Ensuite, le Parlement européen et les États membres doivent également donner leur avis.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la taxe de 80 cents par kilogramme sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés que veut introduire la Commission dans le cadre de sa nouvelle stratégie « plastique » et sa vision sur l’économie circulaire. Pour la Belgique, cette taxe représente un montant de 117,7 millions par an (230.659 tonnes d’emballages en plastique ont été mises sur le marché en 2016. 83.502 tonnes ont été collectées et recyclées selon FostPlus. Il reste donc 147.157 tonnes à multiplier par 80 centimes). Une initiative porteuse lorsqu’on sait que plastiques sont l’un des matériaux les plus durs à faire entrer dans le cycle et c’est pourquoi seuls 30 pour cent sont recyclés à l’heure actuelle.

En dehors de la France, le ministre britannique de l’Environnement a annoncé que le Royaume-Uni interdira lui aussi les bâtonnets et paille d’ici la fin 2018. L’ancien gouvernement italien avait lui aussi élaboré un projet législatif. En Belgique ça bouge, mais un peu. Si rien n’est prévu au niveau fédéral, la ministre bruxelloise de l’Environnement, Céline Frémault (CDH), prépare par exemple un « projet pilote ». En Wallonie, on « étudie » un projet de décret interdisant l’usage des ustensiles en plastique à usage unique précise encore Le Soir.

Des lois pas toujours synonymes de succès

En 2007, on lance une taxe « taxe pique-nique » qui visait les sacs et sachets. Elle voulait décourager l’achat d’ustensiles jugés néfastes pour l’environnement. Celle-ci va pourtant se solder par un fiasco suite aux pressions du secteur alimentaire et de la grande distribution. En 2014, le gouvernement actuel décide de la supprimer estimant qu’elle coûtait davantage qu’elle ne rapportait (environ 13 à 14 millions d’euros par an) précise Le Soir. D’autant plus, estimait-on, que son but était atteint puisque les comportements avaient changé. À tel point qu’au niveau européen on envisage de réinstaurer une taxe précise ironiquement Le Soir.

Un coton-tige aussi polluant qu’inutile, voire dangereux

Inventé par Leo Gerstenzang au début du XXe siècle, ce bâton recouvert en ses extrémités d’ouate a été utilisé pratiquement dès ses débuts pour récurer le fond de nos oreilles. C’est pourtant une très mauvaise idée. Il est en effet fortement déconseillé de s’en servir pour récolter le cérumen qui suinte dans nos oreilles comme le précise l’oto-rhino-laryngologiste Harry Mareek dans Atlantico. « Cela repousse le cérumen vers la profondeur du conduit auditif », alors que celui-ci est « habituellement évacué de manière naturelle vers la sortie ». L’oreille se nettoierait donc toute seule. Le coton-tige (et son frottement) augmenterait aussi les risques d’eczéma dans le conduit auditif. Tout comme la possibilité d’un accident. Un coup au mauvais moment et le bâton ouaté peut créer un véritable traumatisme au tympan, provoquant ainsi une perte d’audition.

De l’eau tiède

Bannir le coton-tige n’empêche pas l’hygiène en surface. On peut donc se laver les oreilles avec l’auriculaire recouvert d’un tissu humide ou introduire de l’eau tiède dans les oreilles avec le pommeau de douche (contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est mieux qu’une poire). Pour les cas les plus graves, vous pouvez toujours demander à votre ORL de « déboucher » vos oreilles, mais ne tentez surtout pas vous-même l’opération. Enfin, si vous ne tenez vraiment pas à vous passer de cotons-tiges, il est important de ne pas l’introduire à plus d’un centimètre de profondeur.

Le saviez-vous ?

La chose ne sera appelée « coton-tige » qu’à partir de 1952. Année où le terme devient une marque déposée et la propriété d’Unilever. Si vous voulez éviter le « tout à la marque », il serait donc plus judicieux de parler de bâtonnet ouaté ou de tige de coton ouatée.

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