La fuite de gaz en mer du Nord inquiète, Total aussi

Une torchère brûle toujours sur la plateforme gazière d’Elgin exploitée par Total en mer du Nord où une fuite de gaz s’est déclarée dimanche. Pour le groupe pétrolier français, il s’agit du « plus gros incident » depuis dix ans. 23 tonnes de gaz se sont échappées de la plateforme en 48 heures. Les écologistes protestent.

Des écologistes -députés européens ou associations- ont estimé mercredi que l’UE devait se doter de règles plus strictes en matière de sécurité des plateformes pétrolières et gazières, à la suite de la fuite de gaz sur une plate-forme de Total en mer du Nord. « Bien que jugé à ce stade ‘minime’ quant à son impact sur l’environnement, ce nouvel accident conforte la position des écologistes à vouloir faire adopter un cadre réglementaire européen plus sévère pour ces activités à haut risque », a affirmé Sandrine Bélier, députée européenne EELV, dans un communiqué.

Le gisement d’Elgin concerné par cet accident fait partie avec le champ adjacent de Franklin des principaux gisements gaziers exploités par Total en Mer du Nord britannique. Ces gisements – distants l’un de l’autre de 5,5 km- sont situés au centre de la mer du Nord, à 240 km à l’est de la ville écossaise d’Aberdeen. D’après le groupe, la production de ces champs lui revenant a représenté l’an dernier environ 60.000 barils équivalent pétrole par jour, soit environ 2,5% de sa production mondiale.

Une torchère brûlait toujours mercredi matin sur la plateforme d’Elgin tandis que des experts s’interrogent sur des risques d’explosion. « La torchère brûle, comme c’est normalement le cas sur une plateforme », a déclaré à l’AFP un porte-parole de la compagnie, Brian O’Neill, sans donner plus de détails.
Le directeur de la santé, la sécurité et l’environnement chez Total, David Hainsworth, a toutefois reconnu mardi qu’un risque d’explosion existait.

« Le gaz est inflammable, mais l’alimentation électrique a été coupée sur la plateforme pour minimiser le risque d’étincelle, mais il est évident qu’il y a un risque. Nous avons exclu une série de risques, mais il y a toujours une possibilité. Elle est faible, mais on ne dit pas jamais », a-t-il ajouté sur la BBC. Heureusement, pour l’instant, « le vent pousse le panache de gaz dans une direction opposée à celle de la torchère », a-t-il poursuivi. « Selon les prévisions météorologiques, le vent va souffler dans la même direction pendant cinq à six jours et nous étudions les différentes options pour éteindre la torche », a-t-il dit.

Martin Preston, spécialiste des pollutions marines à l’université de Liverpool (ouest de l’Angleterre), s’est dit mercredi « surpris » par le fait que la torchère brûle toujours. « Avec une bouteille de gaz de camping, quand vous la fermez, la flamme continue à brûler pendant un petit moment puis s’éteint, et on s’attendait à la même chose ici », a-t-il ajouté sur la radio BBC.

Interrogé sur d’éventuels risques d’explosion, il a estimé que cela était « très difficile à prédire ». « La torchère est évidemment au-dessus de la plateforme et le gaz s’échappe au niveau des piliers (de la plateforme), donc il y a une séparation physique (entre la flamme et le gaz). La concentration de gaz doit être assez basse pour qu’il n’explose pas », a-t-il précisé, ajoutant qu’un changement des vents pourrait faire remonter le gaz et l’enflammer. « Cela signifie évidemment que personne ne peut s’approcher de la plateforme pour y travailler jusqu’à ce que la torchère soit éteinte », a-t-il encore dit. « Nous avons affaire à une substance très toxique et inflammable. (…) La question doit être abordée avec énormément de prudence », a estimé de son côté Simon Boxall, océanographe à l’université de Southampton (sud), en soulignant le risque d’explosion sur la BBC.

Le plus gros incident depuis dix ans

Total a reconnu qu’il s’agissait du « plus gros incident » pour le groupe « en mer du Nord depuis au moins dix ans ». Cette fuite sur la plateforme Elgin, à environ 240 kilomètres au large de la ville écossaise d’Aberdeen, a entraîné la mise en place d’une zone d’exclusion maritime et aérienne et l’évacuation par précaution de plus de 300 personnes. L’alimentation a été coupée sur la plateforme, l’un des deux principaux gisements gaziers exploités par le groupe français Total en mer du Nord britannique. Dans son dernier communiqué mardi soir, Total précisait que « la fuite se poursuivait, même si la situation restait stable ». Deux vols de reconnaissance ont eu lieu mercredi et deux autres doivent être conduits ce mercredi. « Tous nos efforts se concentrent pour contrôler la fuite de gaz », a assuré Total.

Déclenchant un plan d’urgence, le groupe a fait appel à des experts venus de France et à « d’autres spécialistes » pour tenter de circonscrire la fuite. Interrogé sur la création d’un puits d’intervention, destiné à soulager la pression sur le puits principal, le porte-parole a répondu qu’il s’agissait « d’une possibilité » mais qui « prend beaucoup de temps ». « Un puits d’intervention prend au minimum six mois », a expliqué sur la BBC David Hainsworth, responsable sécurité et environnement chez Total au Royaume-Uni.

Elgin et Franklin (découverts respectivement en 1991 et 1986, et exploités depuis 2001) produisent à la fois du gaz naturel et des hydrocarbures liquides. Bien qu’ils soient sous une faible profondeur d’eau (93 mètres), leur exploitation est techniquement délicate, car les deux gisements se trouvent à plus de 5.000 mètres sous le plancher marin, et combinent de fortes pressions (1.100 bars) et de hautes températures (200 degrés Celsius). Total est l’opérateur de ces gisements, dont il détient 46,2% du capital aux côtés d’une série de partenaires (ENI, BG Group, EON Ruhrgas, ExxonMobil, Texaco, Dyas et Orange-Nassau). Le groupe français avait racheté l’an dernier les parts de son compatriote GDF Suez, portant ainsi sa participation de 35,8 à 46,2%.

23 tonnes de gaz se sont échappées

Au total, 23 tonnes de gaz se sont échappées de la plate-forme en 48 heures, et la fuite, même si elle n’est pas encore colmatée, est « stable », selon Total. Selon le porte-parole, il s’agit d’un condensat léger, qui devrait spontanément s’évaporer de la surface de l’eau. Un avion capable d’arroser la zone de dispersants est prêt à intervenir mais « nous ne devrions pas en avoir besoin », a-t-il estimé.

En outre, « les risques d’explosion sont réduits, l’alimentation électrique ayant été coupée sur la plate-forme », même si le risque zéro n’existe pas, Selon le porte-parole de Total, a assuré le porte-parole. « Nous sommes presque sûrs que la fuite provient de la partie de la plate-forme située au-dessus du niveau de la mer, ce qui rendrait probablement plus faciles les opérations de réparation », a-t-il indiqué.

LeVif.be avec l’Expansion

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