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« L’explosion de la centrale de Fukushima est encore possible »

Un an après la catastrophe de Fukushima, Roland Desbordes, président de la Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité (Criirad), fait le point sur la situation.

Le 11 mars 2011, un séisme suivi d’un tsunami provoquait la fusion partielle des coeurs de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima, et d’importants rejets radioactifs. Un an après, quelle est la situation sur place?

Elle est très incertaine. Lorsque nous nous sommes rendus sur place en juin dernier, quelques semaines après la catastrophe, les habitants n’avaient aucune idée du danger et des risques qu’ils encouraient. Nos experts ont constaté que la radioactivité dans les maisons était aussi importante que dehors. Aujourd’hui, elle a baissé mais des iodes radioactifs sont toujours rejetés par la centrale. De plus, le discours de Tepco, qui exploite la centrale, est très contradictoire et empêche de savoir réellement où on en est. D’un côté, l’entreprise répète que la situation est sous contrôle mais en même temps la zone reste interdite d’accès.

Où en sont les travaux?

Il y a très peu de communication de la part de Tepco autour de cela. Pour l’instant, les autorités japonaises semblent attendre que le site soit moins exposé pour agir. On ne peut donc qu’envisager des scénarii plus ou moins optimistes. Dans le meilleur des cas, les coeurs vont se refroidir seuls, et cela prendra plusieurs mois. A l’inverse, l’explosion de la centrale est encore possible parce que les combustibles sont présents en grande quantité.

Comment a-t-on pu en arriver à une telle situation?

Les Japonais ont fait des erreurs. Ils auraient dû évacuer la chaleur en amenant l’eau de mer dans la centrale. Mais ils n’ont pas pu le faire immédiatement, parce que les groupes électrogènes ont été noyés lors du tsunami. Ils auraient pu faire venir de l’électricité des villes voisines, mais ils n’ont tout simplement pas cru qu’un tel accident pouvait se produire.

Le Japon est une zone sismique. Comment se fait-il que les autorités n’aient pas envisagé un tel accident?

Il n’existe pas de prévention des risques sismiques et de tsunami dans des cas si graves. La sûreté nucléaire et les risques se calculent en termes de probabilité, et ce risque était tellement faible qu’il n’a pas été prévu. De plus, la centrale n’était pas aux normes antisismiques japonaises à l’origine puisqu’elle avait été fabriquée par des Américains. Elle a été « bidouillée » sur place… Contre les tsunamis, rien n’était prévu non plus. En témoigne le fait que les groupes électrogènes, indispensables en cas d’accident, étaient situés en dessous du niveau de l’eau…

Depuis l’accident, de nombreux rapports ont été publiés sur la sûreté et la sécurité des centrales. Est-ce la preuve d’une prise de conscience des dangers du nucléaire?

Oui, mais la situation reste paradoxale. En France, on estime que les centrales sont les plus sûres du monde, mais les évaluations complémentaires de sûreté (ECS) ne prévoient rien contre les menaces terroristes ou les séismes de forte magnitude. Même les accidents les moins probables risquent de se produire. Il faut donc encore améliorer les méthodes d’évaluation de la sûreté. En France, si un barrage explose à proximité d’une centrale et la submerge, les conséquences pourraient être les mêmes qu’au Japon. Mais ce risque est tellement faible, qu’on préfère imaginer une montée lente des eaux, plus probable. Ce n’est pas suffisant.

Léonore Guillaume

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