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« Into Eternity » ou d’encombrants déchets nucléaires

Dans ce document d’investigation, le cinéaste danois Micheal Madsen filme une expérience unique: un stockage de déchets nucléaires à même de durer… l’éternité.

Réalisateur de l’édifiant Into Eternity, le long métrage sorti ce mercredi sur les écrans, le Danois Michael Madsen met en scène le projet Onkalo, un site qui, à 300 km d’Helsinki, est l’épicentre d’une expérience unique. Onkalo (cachette en finnois) vise à enfermer, par 500 mètres de fond, des déchets nucléaires hautement toxiques. Ces derniers seront confinés là, au bout d’un long dédale de tunnels creusés dans le granit, pour les siècles des siècles – en principe. L’aventure de cet improbable sanctuaire aurait pu inspirer un auteur de science fiction. C’est un cinéaste scandinave qui exploite la veine.

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Document d’investigation dont l’ambiance tient autant d’un Kubrick, version 2001, Odyssée de l’Espace, que d’un Bergman, Into Eternity apporte sa contribution au débat sur la question, non résolue, du stockage des déchets nucléaires. Loin du registre polémique d’un Michael Moore, Madsen montre la démarche – « post-humaine » selon lui – de ceux qui ont entrepris de conjuguer le nucléaire au futur infini. Prétentieux? Provoquant. Et plutôt instructif.

Onkalo, sanctuaire éternel

Si le chantier d’Onkalo tient de la prouesse technique (1), il défie surtout l’entendement. Les spécialistes qui témoignent à l’écran, ont un objectif: mettre en oeuvre – scientifiquement – un stockage de déchets nucléaires à même de durer… l’éternité. Car une fois le dépôt d’Onkalo rempli (soit d’ici un siècle selon les prévisions des dits experts), le site sera scellé, remblayé, sécurisé, puis fermé à tout jamais.

A tout jamais?

En tout cas pour 100 000 ans, la durée de vie (et de nocivité) des particules radioactives contenues dans ces déchets  » à vie longue  » enfouis dans son sous-sol. Utopique? Pendant que la caméra filme le tunnelier qui perce la roche et sonde les profondeurs, Madsen interroge géologues, ingénieurs et spécialistes en sûreté nucléaire sur les solutions susceptibles d’assurer pour des temps immémoriaux la sécurité du site. D’abord sereins, sûrs de leur fait, la plupart parlent très vite d’hypothèses de travail. Que les questions se fassent insistantes et les réponses deviennent carrément embarrassées.

Comment communiquer

De fait, difficile d’affirmer qu’on a pensé à tout lorsqu’on se projette à une échelle de temps aussi lointaine. Les pyramides ne remontent-elles pas à « seulement » 4500 ans, les premières peintures rupestres à 30 000 ans? Et puis comment assurer le  » coffre-fort  » d’Onkalo restera inviolé? Comment prévenir du danger enfoui sous terre des descendants à venir, voire d’autres civilisations? Avec quels signes communiquer, si nos alphabets, nos codes, nos idiomes ont disparu de la planète comme tant de langues aujourd’hui oubliées? Après tout, il nous a bien fallu quatorze siècles pour déchiffrer les hiéroglyphes, rappelle le commentaire.

Silence gêné


Le film ne le dit pas explicitement, mais Masden le sait, l’Académie des Sciences américaine s’est aussi penchée sur la question. Pour finalement conclure qu’il était scientifiquement impossible de garantir, sur une période aussi longue, la transmission d’un savoir. Et puis, même s’ils comprennent le message, les découvreurs des millénaires futurs respecteront-ils  » nos  » consignes. D’où la question: est-il indispensable de maintenir la mémoire du site ? Les experts, se partagent. Certains souhaitent qu’on conserve une trace des lieux. Mais à qui en confier, à travers les siècles, la responsabilité ? Reste l’autre option. Qu’au fil des âges le site soit définitivement…oublié! Mais peut-on imposer l’oubli? Le sujet pourrait tenir du devoir de philo. A l’écran il est de ces interpellations existentielles qui font d’Into Eternity un témoignage rare, visionnaire et surréaliste.

L’Express.fr

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