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Incendie en Espagne : « un mégot peut se transformer en arme mortelle »

Alors que le feu qui ravage la Catalogne semble sur le point d’être maîtrisé, la presse espagnole tire les premiers enseignements d’un incendie particulièrement violent.

Alors que la Catalogne se bat depuis deux jours contre l’un des plus violents incendies des dix dernières décennies, un souffle d’optimisme traverse la presse espagnole ce mercredi. « Le temps s’améliore et pourrait permettre de contrôler dans la journée le feu de l’Alto Ampurdán » -Alt Empordà en catalan- en proie à un violent incendie, titre le quotidien conservateur ABC . Un espoir qui parcourt la plupart des journaux, mais cache encore mal le bilan dramatique des derniers jours.

« Ramon Puigmal tourne la tête et se cache pour pleurer. Il n’a rien vu de tel de toute sa vie », raconte El País, parti à la rencontre des bergers sur la route qui relie les communes de Biure à Boadella, autour de Gérone. Le journal montre une photo de dizaines de moutons carbonisés. Comme cet homme, deux autres éleveurs ont encore « les bras et les vêtements intégralement noircis, le visage rouge et les yeux enflammés. Sur leur troupeau de 500 brebis, seules 10 ont survécu », explique le quotidien. « Campings dévastés, comme celui de Mercedes Gonzalez, à Capmany. Bungalows vides (…) Tout est parti en fumée », complète El Periódico de Catalunya.

Ces histoires se répètent par dizaines et poussent la presse à chercher des coupables. « Des mégots assassins à Gérone », accuse, en titre, El Correo, le principal quotidien basque.

« Un geste aussi stupide que de jeter un mégot depuis la vitre de sa voiture peut se transformer en une arme mortelle, à l’origine d’une dévastation majeure et d’une vraie tragédie », assène le journal qui revient sur la promesse faite par le ministère de l’Intérieur espagnol de durcir les peines contres les incendiaires.

Fumeurs inconscients et ingénieurs incompétents

Et pourtant, « dans des cas comme celui-ci, si l’hypothèse de la cigarette se confirme, l’impunité est pratiquement absolue », regrette Pilar Rahola, éditorialiste à La Vanguardia, le principal quotidien catalan. Pire, « il est très probable que le coupable ne sache même pas que son geste routinier et inconscient, accompli pendant qu’il roulait vers son destin, plongé dans ses pensées ou dans une conversation, aura été l’étincelle de la mort », poursuit-elle.

Alors que les maires des communes sinistrées dénoncent la baisse de 20% des budgets alloués à la lutte contre les incendies ces deux dernières années, d’autres préfèrent s’attaquer plus largement à la politique forestière espagnole qui trouve ses racines dans la période franquiste. « Les incendies sont inhérents à notre climat méditerranéen », note, dans une tribune d’El País, le président de l’Association des ingénieurs forestiers de Catalogne.

Mais « ceux des années 1950, quand la forêt occupait une superficie beaucoup plus réduite parce que la nécessité obligeait à planter et cultiver le maximum de surface possible, ne sont pas les mêmes que ceux du XXIe siècle », poursuit-il. « L’abandon de l’agriculture et de l’élevage a facilité la reconquête de la forêt », parallèlement au déclin de l’industrie forestière, estime-t-il.

Une solidarité 2.0

« Les feux s’éteignent 40 ans avant qu’ils se produisent, grâce à une politique du territoire cohérente avec notre climat et notre écosystème », prévient aussi Benigno Varillas, éditorialiste pour le quotidien madrilène.

Pour lui, « les ingénieurs ont planté des pins et des eucalyptus en masse » pour tenter de récupérer ce que les incendies et les pâturages avaient détruit ». Mais « ils n’ont pas respecté l’alternance entre îlots de forêt et vastes pacages, qui font qu’une étincelle un jour de vent se contente de brûler ce qui est situé immédiatement autour d’elle ».

D’autres journaux retiennent surtout l’élan de solidarité qui a accompagné, comme souvent, la catastrophe. « Depuis le début de l’incendie, l’intérêt des volontaires désireux d’apporter leur aide n’a cessé de croître. Tout comme les discussions autour de l’incendie sur les réseaux sociaux, qui ont permis d’informer et de mettre en relation les personnes et les besoins », observe le quotidien madrilène Público.

« Une page Facebook, point de rencontre entre les volontaires et les personnes dans le besoin, a recueilli 3500 ‘j’aime’ en moins de 24 heures », explique le journal, qui décrit aussi le cercle vertueux des « retweets » sur le réseau Twitter : s’y lisent pêle-mêle des appels aux pompiers volontaires ou aux agriculteurs pour labourer les terres, les propositions d’habitants prêts à accueillir des sinistrés, ou les remerciements aux secouristes grâce au mot-clé catalan « #graciesbombers ».

Alexia Eychenne, L’Express.fr

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