Pierre Bois d'Enghien

Huile de Palme, une épine dans le pied des relations internationales?

Pierre Bois d'Enghien Ingénieur agronome des régions tropicales, spécialiste de l’Environnement

La Princesse Astrid s’apprête à accomplir un voyage de la plus haute importance en Malaisie et à Singapour. Dans le cadre de ce type de mission commerciale, il serait bon d’attirer l’attention sur les conditions de possibilité d’échanges commerciaux équilibrés entre nos pays. Le respect de cet équilibre facilite les échanges diplomatiques entre les pays. Or, actuellement une controverse essentiellement menée en Belgique et en France, pourrait bien obscurcir l’amitié qui lie ces pays à ceux d’Asie du Sud-Est.

En effet, la controverse sur lhuile de palme pourrait bien devenir une épine dans le pied des relations internationales entre ces partenaires commerciaux. De ce point de vue, il semble impératif que les industriels et les distributeurs belges respectent davantage les produits d’export malaisiens s’ils veulent avoir de saines relations commerciales. On sait toute l’importance que revêt la culture de l’huile de palme pour ces pays, sa part dans l’économie nationale. On sait en effet, que la population locale s’est développée énormément grâce à l’huile de palme : son indice de développement humain (IDH) est passé de 0,40 en 1981 à 0,629 en 2012 (+57%), soit, au final, le même niveau que l’Afrique du Sud ! Qu’en plus d’avoir amélioré l’IDH de la population, le secteur de l’huile de palme a mis une énergie intense à assurer la durabilité de ses opérations et qu’à ce titre, je pense qu’ils s’attendent à un plus grand respect de leur industrie.

Or certains industriels et distributeurs belges s’acharnent à dénigrer l’huile de palme en permanence. Comment le gouvernement malaisien, par exemple, va-t-il réagir face aux attaques menées par ces entités ?

Ce serait différent si ces critiques étaient fondées, mais quand on y regarde de plus près, on perçoit toute l’injustice qu’elle soulève et l’inanité de leurs propos. En effet, de gros efforts ont été consentis pour établir une filière respectable et irréprochable. Des efforts tels qu’aucune autre industrie n’a jamais voulu mettre en place. Ainsi, courant octobre, « l’Alliance Belge pour une Huile de Palme Durable » a organisé un séminaire pour une Huile de Palme Durable et la certification RSPO. Le lendemain, un événement similaire a été organisé par l’Alliance française pour une Huile de Palme Durable à Paris. Au programme, de ces rencontres, les industriels du secteur ont voulu s’interroger sur l’impact de l’huile de palme sur la santé, l’environnement et entendent poser la question « Doit-on bannir l’huile de palme de nos produits ? » Quelle pression sur cette huile dont les qualités technologiques sont si appréciées !

Pression sur les planteurs, les directeurs d’usine, tous les éléments de la chaine d’approvisionnement dont les qualités technologiques sont si appréciées. Surtout, quelle pression sur les petits fermiers dans les pays comme Malaisie – 40% de l’huile de palme malaisienne est produit par les petits fermiers !

Devons-nous vraiment imposer de telles exigences à des petits paysans qui peinent à établir des procédures, remplir correctement les registres requis ?

Comme je m’interrogeais récemment dans une tribune publiée dans le journal Le Soir, la même énergie sera-t-elle développée pour nous fournir de l’huile de tournesol durable, de l’huile de colza durable, de l’huile de maïs durable ? J’en doute.

Et lorsque les chaînes d’approvisionnement seront certifiées, en ayant mis une énergie folle à prouver aux certificateurs pointilleux, que le référentiel a été correctement suivi, les produits étiquetés « sans huile de palme » auront envahis les têtes de gondole. Des produits sans huile de palme, peut-être riches en acides gras trans, en sucre, mais qui auront tranquillisé le bobo en mal de combat.

N’y a-t-il pas aussi une communication à faire sur les efforts d’une filière d’huile végétale qui se sent bien seule à parler de durabilité ?

Je m’étonne alors que les Alliances belge et française n’aient pas ajouté un volet sur la campagne de dénigrement que subit l’huile de palme de la part des ONG, de certains industriels, de certains journalistes et même des politiques. Entre autres, il faudrait une fois pour toutes régler son compte à la question de la légalité de  » l’étiquetage sans huile de palme ». Sinon, nous risquons de nous retrouver avec une drôle de déconvenue : alors que nous aurons tout fait pour avoir une filière respectable, comme aucune autre ne peut s’en targuer, à force de messages publicitaires trompeurs, nous nous retrouverons en face de consommateurs manipulés et persuadés qu’il faut fuir les produits issus de notre filière.

D’après ces considérations, il n’y aurait rien d’étonnant que le gouvernement malaisien demande aux industriels et aux distributeurs belges d’interdire l’étiquetage utilisant les mentions « sans huile de palme » et de tout mettre en oeuvre pour faire cesser la campagne injuste qu’elle subit. De telles mesures doivent être envisagées rapidement, avant que nos relations commerciales ne soient dégradées.

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