Depuis le début de l'année, près de 80.000 personnes ont franchi la mer Méditerranée, dont beaucoup trouvent refuge en Italie. Au grand bonheur de certains villages en difficulté économique. © AFP

En Italie, le salut des petits villages passe par les migrants

Stagiaire Le Vif

La petite ville de Satriano, en Italie, accueille à bras ouverts des migrants venus d’Afrique et du Moyen-Orient. Un choix teinté d’obligation économique pour une région du sud marquée par une grande pauvreté, au point où bon nombre de villages risquent tôt ou tard de sombrer dans l’oubli. Récit d’une chance de salut venue d’ailleurs.

C’est l’histoire de Satriano, petit village perdu au coeur de la Calabre, et victime comme beaucoup d’autres de la grande pauvreté qui règne dans cette région du sud de l’Italie.

Avec un taux de chômage chez les jeunes avoisinant les 60 %, ceux-ci préfèrent depuis longtemps aller voir ailleurs, vers les grands centres, dans l’espoir d’un avenir plus radieux. De 4000 habitants au tournant des années 60, Satriano a vu sa population décliner de 75% en l’espace d’un demi-siècle, au point aujourd’hui de sombrer un peu plus dans l’oubli.

Or, depuis le début d’année, un regain d’activité a petit à petit envahi les rues du village, marqué par l’arrivée de migrants en provenance d’Asie et d’Afrique. Ces personnes, originaires du Pakistan, de la Somalie ou du Mali, ont dû franchir bien des péripéties pour parvenir jusqu’en Italie. Et leur présence pourrait bien être la dernière chance pour Satriano d’éviter la disparition pure et simple.

Un accueil positif

« Merci à Dieu de nous avoir apporté ces gens, déclare Luigi Marotti, le sacristain chargé de la gestion de l’Eglise catholique romaine au village. Satriano était mort ! Grâce à eux il est vivant et peut recommencer à grandir. S’ils s’en vont, j’ignore où nous irons. »

Un tel ressenti de la part d’autochtones détonerait presque avec la vague de peur et de rejet que suscite trop souvent la question de l’accueil des populations migrantes. Ils ne sont pour l’instant que 21 à habiter la petite ville. Un nombre encore restreint mais suffisant pour réinsuffler un peu d’élan à une population qui en avait bien besoin. Une simple promenade dans Satriano, entre les maisons vétustes et les signes « à vendre » qui pullulent çà et là, suffit d’ailleurs pour constater combien la situation s’est détériorée au fil des ans.

Si elle demeure une région précaire en terme d’opportunités économiques, avec son taux de chômage élevé et un pouvoir d’achat peu reluisant, la Calabre a besoin de main d’oeuvre et a mis de côté ses inquiétudes vis-à-vis des migrants. Ceux-ci sont prêts à accomplir des travaux délaissés par beaucoup d’Italiens, comme le ramassage d’olives ou d’oranges. De quoi redynamiser l’activité locale malgré l’aversion de certaines régions d’Italie.

« Quand ils sont arrivés pour la première fois, il y a eu quelques préjudices, concède Michel Drosi, le maire de Satriano. Puis la socialisation s’est mise en marche, et l’intégration a grandi. Aujourd’hui, ils jouent football avec la jeunesse locale, se joignent à des célébrations ou font de la maintenance. »

L’importance d’avoir un travail

Ce projet s’inscrit dans une plus large initiative, le SPRAR ou Système de protection des réfugiés et chercheurs d’asile, voulue par le gouvernement de Matteo Renzi pour répartir convenablement sur le territoire les personnes dans le besoin. Un système qui a pour but de relancer l’activité dans des contrées victimes de ralenti économique et permettre aux chercheurs d’asile de gagner leur vie en travaillant.

Depuis l’instauration du SPRAR en juillet 2014, sur les 21 migrants accueillis à Satriano, trois ont rejoint des membres de leur famille en Angleterre. Sur le groupe restant, âgé entre 18 et 33 ans, cinq ont pu travailler pendant trois mois pour des compagnies locales, moyennant un salaire mensuel de 400 euros et des charges patronales allégées par le gouvernement. Une telle issue reste toutefois rare car beaucoup de patrons ne peuvent garder leurs employés au-delà de la période subsidiée, faute de moyens suffisants.

Beaucoup d’efforts restent nécessaires pour garantir une intégration à plus long terme. Mis à part l’apprentissage de la langue, les différences culturelles ou de mentalité, l’accès à un travail régulier demeure le plus gros défi pour les populations immigrées. Pour les aider, une solution serait « d’instaurer un fond d’aide géré par les résidents, sur base d’un financement européen et régional », témoigne Khalid Elsheikh, originaire du Soudan et député à la tête de Mediazione Globale, une coopérative locale d’aide aux réfugiés.

« Nous pourrions profiter de ce que la nature nous offre, comme la rivière pour fonder une exploitation de pêche, confie-t-il. Ou bien fabriquer des produits de niche, comme du jambon, des jus ou des produits de beauté. »

La volonté d’entraide est présente à Satriano. Et alors que la ville réfléchit aux moyens d’intégrer de prochains arrivants, le message de fin revient au sacristain Marotti, à l’adresse de tous ses compatriotes ; « Nous, les Italiens, sommes allés jusqu’en Argentine avec des valises en carton dans les mains et personne ne nous a renvoyés ! Dans le passé nous étions là-bas. Aujourd’hui, ils viennent ici. Nous devons tous être frères dans cette épreuve… »

Guillaume Alvarez

Source : Bloomberg Business

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