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Zéro pointé pour Di Rupo à l’international

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

« Inconsistant ». « Sans vision ». « Déteste s’exposer ». Dur, dur, l’avis des spécialistes sur l'(in)action d’Elio Di Rupo en politique étrangère. Pourquoi a-t-il négligé à ce point la scène internationale ?

Que retiendra-t-on de l’action d’Elio Di Rupo sur la scène internationale ? Son voyage en Chine, en septembre dernier, marqué par la signature d’un accord sur le prêt d’un couple de pandas géants à un parc animalier proche de sa bonne ville de Mons ? L’accueil de ces mêmes ursidés par le Premier ministre, dimanche dernier, à l’aéroport de Bruxelles, cérémonie digne d’une visite de chef d’Etat ? Ou alors, le premier discours du Montois à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le 26 septembre 2012, au cours duquel il n’a pu s’empêcher de raconter qu’il venait de la cité du Doudou, capitale européenne de la culture 2015 ?

A trois mois des élections, l’heure est aux bilans, et celui du Premier ministre n’est pas brillant en politique étrangère. « Ce n’est pas sa tasse de thé », nous glisse un député en guise d’explication. « Accaparé par la réforme de l’Etat, le maintien de la stabilité politique intérieure et ses opérations de communication, il n’a ni le temps ni l’énergie de gérer l’international », affirme une autre source politique. Le partage des rôles entre PS (politiques intérieures) et MR (affaires étrangères) est aussi évoqué : « On a connu autrefois les tandems Jean-Luc Dehaene-Willy Claes ou Guy Verhofstadt-Louis Michel, qui fonctionnaient à merveille sur l’international, mais Di Rupo, lui, n’a pu établir une telle synergie », remarque Rik Coolsaet, professeur de relations internationales à l’Université de Gand.

« A sa décharge, rappelons que Di Rupo était surtout attendu sur le front intérieur, remarque Tanguy de Wilde, professeur à l’Institut d’études européennes de l’UCL. Vis-à-vis de ses partenaires étrangers, il a pratiqué assidûment ce que l’on appelle le Nation branding, la diplomatie publique : il a passé la brosse à reluire sur son propre Etat, afin de faire passer l’idée que la Belgique a digéré l’interminable crise qui a précédé son arrivée au 16 rue de la Loi. Son autre priorité a été de privilégier, à l’étranger, sa stature d’homme d’Etat : il était présent à Rome, en mars 2013, pour la messe inaugurale du pape François et il s’est rendu en Afrique du Sud, en décembre, pour la cérémonie en mémoire de Nelson Mandela. »

Plus sévère, Rik Coolsaet pointe surtout l' »absence » de Di Rupo dans les affaires européennes : « Depuis la création du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement, dans les années 1970, le Premier ministre est considéré comme l’arbitre ultime dans ce secteur, les questions européennes n’étant plus vraiment des affaires étrangères. Di Rupo et son équipe auraient donc dû concevoir une politique européenne proactive, celle du donnant-donnant, ce qu’ils n’ont pas fait. Mais le chef du gouvernement n’est pas seul en cause : la baisse de régime de la Belgique en politique étrangère date de la période d’instabilité politique et communautaire des années 2010-2011. »

L’ex-Premier ministre Yves Leterme (CD&V) a-t-il été plus actif sur la scène internationale que son successeur socialiste ? Le sénateur CDH Francis Delpérée, consulté à l’étranger pour la rédaction de nouvelles constitutions (Tunisie…), en est persuadé : « Il a, à son actif, la présidence belge de l’Union, en 2010, et, l’année suivante, le succès de la participation militaire belge aux opérations en Libye. » Et Verhofstadt ? « Il était beaucoup plus interventionniste que Di Rupo, qui laisse travailler ses ministres dans leurs domaines de compétence : Pieter De Crem a géré la contribution militaire belge aux opérations françaises au Mali, Didier Reynders et Pascal Labille s’occupent du Congo et Joëlle Milquet est en première ligne sur le dossier des jeunes belges de Vilvorde et ailleurs partis combattre en Syrie. »

En réalité, Di Rupo privilégie les voyages de courte durée et à fort impact médiatique, telles les récentes visites officielles à Paris, Berlin et Rome aux côtés des nouveaux souverains belges. On se souvient qu’en juin 2012, Paul Magnette, qui détenait alors le portefeuille de la Coopération, a dû représenter à lui seul le gouvernement fédéral lors de la conférence des Nations unies « Rio+20 ». Le Premier ministre, qui devait initialement se rendre à Rio, a finalement renoncé au déplacement, invoquant la situation délicate traversée par la zone euro. Aujourd’hui plus que jamais, l’agenda de Di Rupo est rempli de rendez-vous dans les villes et villages du Hainaut, ce qui lui laisse peu de temps pour les voyages à l’étranger. « Et plus que l’outremer, la campagne hennuyère » pourrait être la devise du Montois, pour paraphraser Joachim du Bellay (« Et plus que l’air marin, la douceur angevine »).

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine, avec l’avis de Louis Michel et les comparaisons avec Guy Verhofstadt, Yves Leterme et Jean-Luc Dehaene

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