Joseph Junker

Zakia dans le Métro… (ou pas)

Joseph Junker Ingénieur civil et cadre dans une société privée

Vous l’avez entendu sur la matinale de la RTBF, les mots sont de la pétillante co-présidente du parti Ecolo et sonnent comme une mauvaise parodie d’un roman de Raymond Queneau.

Amenée à commenter la mise en place de la commission parlementaire sur les attentats du 22 mars, Zakia Khattabi déclare au passage : « Pour ma part je n’ai pas repris le métro depuis les attentats. J’attends qu’on fasse toute la lumière sur cet épisode et qu’on me convainque que cela n’arrive plus. Il faut garantir aux Belges leur sécurité. « . Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette citation n’est pas passée inaperçue. Difficile en effet de prouver plus efficacement en quelques mots sa déconnection totale de la réalité quotidienne d’une grande partie de la population belge : ces citoyens qui se lèvent tôt pour prendre les transports en communs.

Soit. On comprend naturellement le besoin qu’a le parti de se positionner dans l’hystérie sécuritaire partisane qui règne en maître sur le pays depuis 10 jours, et que ce climat anxiogène n’est guère propice pour aborder l’autre climat, celui qui se réchauffe et dont il est tout à l’honneur d’Ecolo d’avoir fait son cheval de bataille. Difficile néanmoins de ne pas relever l’ironie du sort qui pousse Mme Khattabi à inciter le citoyen à sortir de son garage son rutilant véhicule carbo-polluant pour se rendre sur son lieu de travail. Cela l’est d’ailleurs d’autant plus que ce même citoyen courra probablement de la sorte un risque létal nettement plus important que s’il s’était aventuré sur le réseau de la STIB (sans vouloir minimiser le risque terroriste par ailleurs).

Voilà le citoyen non-motorisé donc prié de s’acheter de nouvelles bonnes chaussures, de louer un hélicoptère, de tenter d’atteindre Bruxelles à la nage (je vous assure, c’est possible) ou en drone. Sécurite avant tout bien sûr, notre élite y veille !

Une impression de déconnection qui n’est que renforcée par le rétropédalage tardif de l’édile verte. Dans une réaction Facebook se voulant rassurante et expliquant à peu près l’exact inverse de ce qu’elle déclarait le matin même, elle nous explique que « Jamais elle n’a voulu inciter le citoyen à éviter le métro« . Heureusement que dans sa grande générosité elle nous pardonne d’avoir mal compris ! Mieux encore : nous savons donc à présent que la cheffe de file du parti écologiste profite allègrement du privilège du nanti car elle craint pour sa sécurité, mais n’incite pas les Belges à en faire autant : elle leur sussure même de faire confiance à la Stib. Vous avez dit « faites ce que je dis, pas ce que je fais ? ».

Je vous vois déjà venir : certainement qu’en bonne écologiste, Mme Khattabi se rend à pied au parlement. Voire serait prête à risquer son intégrité vestimentaire, l’innocence de ses poumons et carrément sa vie en se lançant à 2 roues dans les rues de la capitale sous le capricieux ciel de mars. On lui pardonnera de n’avoir pas naturellement pensé au navetteur provincial, ce rustre qui a eu le mauvais goût d’habiter à la campagne. La campagne ! Ce lieu fui par les entreprises. Ces ignobles étendues de nature. Ces terres peuplées de tribus vulgaires, où d’horribles forestiers roulent en SUV et coupent des arbres, où d’affreux fermiers élèvent les vaches en captivité et épandent de l’engrais sur leurs terres, ces contrées reculées où il arrive que des citoyens à l’accent désopilant en soient réduits à prendre leur voiture pour acheter un pain… et consentent d’énormes pertes de temps pour se rendre au boulot en train et métro !

La critique est aisée et le sarcasme facile, je le concède, et ce type de maladresse est loin d’être l’apanage du seul parti vert (au contraire même). Néanmoins, cette nouvelle maladresse de nos élites en mal de positionnement n’est pas seulement le signe que nos politiciens seraient mieux inspirés de jouer sur leurs qualités propres plutôt que de participer à d’opportunistes et hystériques surenchères. Elle nous montre surtout douloureusement une nouvelle fois qu’à force de paraître plutôt que d’être, nos dirigeants en finissent par ne plus dire que des bêtises et prouver un petit peu plus qu’ils s’occupent de tout sauf de ce qui devrait être la priorité de tout homme politique en ces temps troublés : travailler au bien commun et retrouver la confiance du citoyen.

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