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Y a-t-il quelqu’un pour sauver les pompiers volontaires ?

Au lendemain du décès en intervention de Nicolas Tordoir, jeune pompier volontaire de 23 ans à Jodoigne, la Fédération belge des Sapeurs-Pompiers de Belgique attire l’attention sur la situation des pompiers volontaires qui réclament davantage de reconnaissance, y compris la reconnaissance de leur métier comme un métier à risque.

Pour Marc Gilbert, le président de la Fédération Royale des Corps de Sapeurs-Pompiers de Belgique, une telle reconnaissance légale ne changerait rien au statut actuel des pompiers. « La reconnaissance, nous l’avons déjà de la population. Tout le monde sait que le métier de pompier est dangereux, c’est surement pour cela que le législateur ne s’est pas vraiment posé la question du métier à risque », affirme-t-il. Cela fait pourtant partie des revendications syndicales des soldats du feu. Le président de la Fédération belge campe néanmoins sur ses positions : « Nous avons déjà des salaires assez corrects, nous jouissons de certains avantages importants… ». Ces avantages sont principalement de l’ordre du calcul de leur pension. Effectivement, après un minimum de 25 ans de service, le pompier professionnel a la possibilité de profiter d’un « congé préalable à la pension », qu’il peut actuellement prendre à partir de 57 ans avant d’être définitivement retraité s’il le souhaite dès 60 ans.

La situation des pompiers volontaires

Les services d’incendie sont sous la tutelle des communes ; celles-ci sont donc chargées de la gestion et du financement des soldats du feu professionnels, considérés comme des employés communaux. Ils bénéficient donc d’avantages et de certaines primes – lorsqu’ils travaillent le week-end ou les jours fériés par exemple. « La sécurité matérielle qu’offre la profession occupe ainsi une place dans le choix des pompiers professionnels », selon M. Gilbert, « mais l’important pour le vrai pompier, celui qui aime son métier par vocation et non par défaut, c’est d’aider les gens et de rendre service ».

Sur les 17.500 pompiers que compte la Belgique, deux tiers sont des pompiers volontaires, qui ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que les professionnels, même s’ils effectuent des tâches similaires. Cela a récemment fait l’objet de nombreuses revendications de la part des pompiers volontaires. Ceux-ci réclament les salaires qu’ils méritent ainsi que la reconnaissance d’un statut égal à celui des pompiers professionnels.

La caserne des pompiers de Dour, dans le Hainaut, est essentiellement composée de ces pompiers volontaires, des hommes qui en plus de leur profession assument la responsabilité de venir en aide aux autres. Philippe Cappeliez, pompier depuis près de 15 ans : « Nous sommes des personnes qui nous mettons au service de la population 24 heures sur 24 et 365 jours par an, parfois pendant 40 ans. Et celui qui arrive en fin de carrière n’a pas de complément de pension, nous n’avons pas de primes de fin d’année, ni de congés payés. On est payés par intervention, au prorata d’un salaire de professionnel. Certes, nous avons une exonération fiscale de 3000 euros par an, mais une fois qu’on dépasse ce montant, on est taxés ». Les salaires sont donc moins élevés pour les volontaires, les primes inexistantes, de même qu’une éventuelle pension complémentaire.

De cette manière, si la situation par rapport au risque semble déjà délicate pour les pompiers professionnels, les volontaires ont des raisons de se sentir davantage lésés par la situation. L’Adjudant Gérard Georges l’affirme : « On s’expose à divers dangers. Si on agit sur un accident de la route, il a le risque d’un sur-accident. Dans le cas d’un incendie, il y a l’intoxication, les risques d’éboulement,… Il faut être conscient du danger, mais ce n’est pas la première chose qui vient à l’esprit ».

Cependant, les avis divergent également au sein même des soldats du feu volontaires. Pour Christophe Vilain, pompier dourois, « Être reconnus « à risque », d’accord. Mais est-ce que ça ne va pas nous amener encore plus d’obligations ?! Les pompiers n’ont pas besoin d’être reconnus, le fait simple d’être pompier a déjà du sens pour moi et pour les gens ». En revanche, son collègue Stéphane Rulkin nuance : « Il ne faut pas se mentir, le risque est là. C’est extrêmement important que le métier soit reconnu comme tel ». Les effectifs et l’organisation des équipes jouent un rôle majeur dans les dangers que courent les pompiers. « Être bien formés et informés, ça aide beaucoup », continue Stéphane, « si on rentre dans une intervention où les rôles ne sont pas bien définis, là on prend vraiment des risques ».

Le décès lundi d’un jeune pompier volontaire, sortant tout juste de formation, semble l’occasion pour la fédération de remettre le statut des pompiers volontaires sur le tapis. Marc Gilbert voudrait voir en l’actuelle réforme des services incendie une uniformisation des formations pratiques et de l’organisation des différents services. Le financement ainsi que le nombre de pompiers, actuellement en sous effectifs selon M. Gilbert, sont aussi à revoir. « Il faut donner plus de moyens aux pompiers et aux services de sécurité afin qu’ils puissent faire leur boulot correctement et en prenant moins de risques ». Il rencontrera ses homologues flamands et a annoncé des actions dans les prochaines semaines.

Am.R. (stg)

Une législation floue

La notion de métier « à risque » est très souvent citée et pourtant, le risque n’est pas reconnu en droit belge. « Cette notion n’existe pas », selon le Département juridique du Service Public Fédéral de l’Intérieur, « et ce pour aucun métier ou secteur d’activité ».

La législation belge reconnaît cependant quelques notions s’approchant du métier à risque : l’activité « avec un certain risque » et la « fonction contraignante ». Le SPF Intérieur, via son service juridique, insiste sur l’existence de ces deux notions.

La première est inscrite dans un arrêté royal du 28 mai 2003. Cet arrêté permet aux travailleurs occupant des postes de sécurité, des postes de vigilance et des activités à risques définis de bénéficier d’un suivi médical fréquent et d’un départ anticipé pour raisons médicales. Les pompiers appartiennent à ces catégories et bénéficient donc de cette reconnaissance et des avantages qui y sont associés. Quant à la notion de « fonction contraignante », elle permettrait au pompier de bénéficier d’un supplément de pension. Définie par la loi du 12 août 2000, elle constitue « une fonction qui, à cause de son caractère ou des conditions dans lesquelles elle est exercée, du point de vue psychique ou physique est particulièrement dure ou fatigante pour être exercée pendant plusieurs années ». Le conditionnel reste cependant de rigueur lorsque l’on aborde cette notion de fonction contraignante. En effet, les mesures d’exécution adéquates n’ont pas encore été prises par les autorités compétentes et il n’existe pas de liste définie de ces fonctions.

Am.R.

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