Wouter Beke © Dieter Telemans

Wouter Beke tire à boulets rouges sur la N-VA

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Plus encore que son mentor Herman Van Rompuy, le président du CD&V Wouter Beke incarne le « calme tranquille ». Sans élever la voix, il juge la N-VA et l’Open VLD, il tape sur les doigts de la CSC et relativise son propre intérêt. Et il sait ce qu’il veut : « Refaire du CD&V le plus grand parti de Flandre est une belle ambition pour un président du parti. »

Le président de la N-VA Bart De Wever a déclaré que l’école du dialogue catholique était « à nouveau une mauvaise estimation de l’enseignement catholique ».

WOUTER BEKE : Manifestement, la N-VA nourrit l’ambition de déclencher une nouvelle guerre scolaire. Je me demande qui a intérêt à ça. Mes enfants sont scolarisés dans une école catholique, la même où j’ai été. De mon temps, il y avait déjà des enfants musulmans en classe. Cette situation n’a pas changé, seulement il y a plus de musulmans aujourd’hui qu’à l’époque. L’école du dialogue catholique existe donc depuis très longtemps. C’est le résultat de la façon dont la Belgique et la Flandre ont interprété la liberté de l’enseignement. Tout le monde peut choisir son école. C’est la force de notre école, car cela entraîne de la compétitive. Pas seulement entre les réseaux, mais surtout entre les écoles.

La N-VA propose d’inscrire dans le préambule de la Constitution: « Dieu ne peut jamais être au-dessus de la loi. » L’ancien principe de la séparation de l’Église et de l’État est changé en « l’État est au-dessus de l’Église ».

Ces histoires de Constitution sont en train de dégénérer. Je comprends qu’après les attentats de Paris : « Certains essaient de miner les fondements de la société occidentale, et c’est pourquoi il est bien de souligner ce que nous représentons. » Je suis d’accord. On a d’ailleurs besoin d’un islam européen, je l’ai souligné dans plusieurs discours.

Pieter De Crem n’y croit pas, a-t-il déclaré au Morgen.

Il n’y a pas d’autre solution. Quand Geert Bourgeois (N-VA) déclare lors de son discours aux musulmans du 11 juillet : « Vous faites partie de la nation flamande », j’approuve ces belles paroles. Seulement je trouve qu’en tant que ministre-président et donc premier mandataire de son parti, il doit davantage encourager la N-VA à diffuser ce message. Il ne faut pas laisser la N-VA chercher le conflit à chaque fois. Une fois, c’est les Berbères qu’elle met sur l’échafaud, une autre fois Liesbeth Homans qui ne peut s’empêcher de souligner que les musulmans ne saisissent pas les chances qu’on leur offre, et puis ce sont les musulmans qui dansent à Bruxelles. La question fondamentale, c’est choisissons-nous de vivre ensemble ou les uns à côté les des autres? Je suis persuadé que si on vit les uns à côté les des autres, il y aura encore plus de conflits.

C’est pourquoi l’Open VLD souhaite ajouter au préambule: « pour expliquer ce qui nous unit ».

On jongle à la légère avec les fondements de notre société. On a commencé par la constatation que tout le monde ne partage pas « nos valeurs » et on a dégénéré vers une discussion sur le besoin de privatiser la foi : on peut croire à ce qu’on veut, mais uniquement chez soi derrière une porte fermée. Eh bien, la radicalisation des jeunes partis en Syrie n’a pas eu lieu dans une mosquée. Les prédicateurs salafistes sont entrés dans les maisons. Il faut justement supprimer cette influence radicale de la sphère privée. Mais il y a longtemps qu’il ne s’agit plus de lutter contre le danger salafiste, il y a d’autres agendas en jeu.

Lesquels ?

Nous sommes manifestement confrontés à un agenda de loge. Tout à coup, il faut instaurer l’état laïc français en Belgique. Mais ce dernier n’a pas pu empêcher les attentats de Paris. Maintenant on voit de tout : certains veulent se servir de ce préambule pour instaurer l’agenda antireligieux de la loge, d’autres pour ennuyer les musulmans, d’autres encore pour provoquer les nationalistes flamands, car c’est évidemment pour cette raison qu’ils veulent énumérer nos valeurs « belges ». Selon moi, les valeurs belges sont exactement les mêmes que les valeurs européennes. Pourquoi ne reprenons-nous pas tout simplement le préambule de la Convention européenne ?

L’UE impose une discipline budgétaire stricte à ses états membres. En partie pour cette raison, on a trop fait d’économies sur les tâches essentielles de l’état : sécurité, justice, armée, prisons…

La Belgique compte plus d’agents par 1000 habitants que tous nos pays voisins, parce que nous avons investi en « bleu dans la rue ». Inversement, nous ne dépensons que 50 euros par habitant pour nos prisons, aux Pays-Bas c’est 150 euros. Il y a des rapports de 25 ans qui dénoncent ce problème. On ne peut pas dire que rien n’a été fait, car on a bel et bien construit de nouvelles prisons, comme à Beveren et à Hasselt. Et si la classe politique bruxelloise prend ses responsabilités, il y en aura une à Haren aussi. Malheureusement, on voit que des partis comme le PS, qui hurlent que la situation dans les prisons est scandaleuse, empêchent la construction de la nouvelle prison à Haren.

Vous ne pouvez tout de même pas prétendre que la Belgique a suffisamment investi ? Il suffit de voir les tunnels bruxellois.

Pourtant, je maintiens ce que je dis. On ne peut pas dire que les gouvernements sont restés aveugles à l’état de notre infrastructure. La ministre flamande des Travaux publics Hilde Crevits a fort investi dans notre réseau routier, et aujourd’hui elle mise sur la construction d’écoles. Chaque semaine, on ouvre une nouvelle école en Flandre, il n’y a aucun endroit en Europe où il y a un projet public de cette envergure. Je sais que pour des raisons idéologiques on veut véhiculer l’image d’un failed state, un pays bricolé. Je n’entre pas dans cette histoire.

La N-VA, votre partenaire de coalition déclare qu’il faudra tailler dans la sécurité sociale, le seul domaine où il y a moyen de faire des économies.

Chaque fois que nous demandons aux ministres N-VA de nous dire concrètement où ils veulent tailler, il y a un grand silence. Dans ces conditions, il est évidemment difficile de discuter. Parfois, ils proposent des petites fantaisies, qu’ils veulent prendre cet argent dans les moyens de fonctionnement des syndicats et des mutuelles, par exemple. Mais si l’état doit accomplir les tâches qu’il délègue aux organisations sociales en échange d’une indemnité, cela coûterait encore beaucoup plus cher aux caisses de l’état. Bref : la N-VA utilise de grands mots qui sonnent bien auprès d’un certain public, mais qui ne nous avancent à rien.

La N-VA souhaite limiter le chômage dans le temps, non ?

Oui, et ils ont encore d’autres propositions comme celle-là.

C’est une proposition très concrète, non?

Mais elle ne figure pas dans mon programme.

La Belgique est le seul pays où le chômage n’est pas limité dans le temps.

Et alors? La Belgique est aussi le seul pays au monde qui n’a pas d’impôt sur la plus-value.

Ce n’est pas ainsi qu’on progresse, et c’est que beaucoup de voix du monde de l’entreprise reprochent à ce gouvernement de redressement socio-économique: il n’y a pas de changement.

Et les syndicats trouvent que nous sommes déjà allés beaucoup trop loin.

L’attitude des syndicats énerve beaucoup de membres du CD&V. Kris Peeters fait presque plus de faveurs à l’ACV qu’il ne souhaite, et pourtant le CD&V ne récolte jamais de remerciements. Au contraire, le président de l’AVC Marc Leemans vous reproche d’être à l’origine de « l’horreur sociale ».

Je n’ai aucun problème à ce que l’ACV défende les intérêts qu’il représente. Mais je trouve qu’il faut oser tout prendre en considération. Il y a avait de moins en moins d’emplois dans le secteur privé. Les syndicats doutaient que le tax shift rapporte des jobs, mais aujourd’hui, tout le monde constate qu’il y a eu 37 500 emplois en plus. Nous avons également fait en sorte que le tax shift profite au secteur non marchand. Certaines filiales de Beweging.net ont fait savoir qu’elles sont particulièrement satisfaites, mais tout ça n’est pas abordé dans la communication générale de l’ACV. Au contraire, je vois passer des brochures de l’ACV sur la suppression de la semaine de 38 heures, alors qu’elle n’a pas été abolie.

Bart De Wever transforme la N-VA en nouveau CD&V: le grand parti populaire flamand

Il échouera. En plus, je trouve que la N-VA n’est pas un parti populaire. J’y ai consacré mon doctorat : ce n’est pas parce qu’on peut mobiliser beaucoup d’électeurs qu’on est un parti populaire. Un parti populaire est un parti qui unit. Un parti populaire n’oppose pas les gens et les groupes. Un parti populaire comme le CD&V doit s’adresser à des gens et des groupes variés, mais il doit raconter la même histoire inclusive partout et à tout le monde. À la N-VA, j’entends des positions très divergentes.

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