Eric Lammers et Marcel Barbier, deux membres de Westland New Post lors du procès en 1987 de la rue Pastorelle © Belga

Westland New Post, cette nébuleuse milice d’extrême droite

Muriel Lefevre

Il y a 25 ans, on avait déjà lié le nom de l’ancien Premier ministre Paul Vanden Boeynants à l’organisation d’extrême droite Westland New Post. Une organisation qui revient régulièrement hanter l’enquête autour des tueurs du Brabant. Retour sur ce groupe aujourd’hui disparu et pour le moins nébuleux.

À 63 ans, Michel Libert n’est pas un inconnu dans le dossier des Tueurs du Brabant. Il y apparaît sporadiquement depuis les années 1980. Depuis qu’un lien a été établi avec le Westland New Post (WNP), une milice d’extrême droite dont il aurait été le numéro deux et qui va conduire à son arrestation en 1983 et 2014. Ces dernières semaines, il est revenu sur le devant de la scène puisqu’un nouveau témoin a pointé l’homme comme étant « le géant » de la bande. Un ex-membre du WNP, resté anonyme, déclare qu’il partait en mission d’exploration dans de grandes surfaces au début des années 1980. Michel Libert, comme Bonkoffsky, avait, à l’époque des faits, un air de ressemblance avec le portrait numéro 19. L’intéressé nie cependant les accusations. « Nous étions prêts à tuer, mais seulement dans des situations de guerre, contre l’ennemi. Pas pour terroriser la population « , dit-il. Son argument était qu’il pensait que ces missions étaient mandatées par la sécurité de l’état. Libert s’était déjà exprimé dans les médias à ce sujet. Dans les années 80, il affirmait ainsi que son organisation travaillait pour les services secrets et des personnes haut placées.

L’étrange sortie sur Vanden Boeynants

Aujourd’hui, il revient à nouveau dans l’actualité suite à une étrange sortie sur l’ancien Premier ministre Paul Vanden Boeynants. « Nous voyons Vanden Boeynants (..) apparaître dans chaque mission, dans chaque rapport. Ce n’est pas un hasard », avait-il déclaré lors d’une émission de la RTBF remontant à 1992. Dans une interview à TV Oost, il l’a aujourd’hui présenté comme l’un des patrons du mouvement. Paul Vanden Boeynants, décédé en 2001, était « notre chef », a-t-il ainsi déclaré lors d’une interview diffusée par la télévision régionale de Flandre orientale. « Il (M. Vanden Boeynants) n’était pas seul, mais il était un dirigeant », a ajouté M. Libert.

Michel Libert, aussi connu sous les pseudonymes de Wagner ou von Graffenberg, est un ancien sous-officier à la Force Navale qui est devenu détective privé. Il a travaillé pour l’ARI, une agence fondée par les ex-gendarmes Bouhouche et Beyer, deux noms qui apparaissent dans le dossier des tueries du Brabant. Il a ensuite cofondé un service spécialisé dans l’espionnage industriel, SKAG.

Qu’est-ce le Westland New Post, cette ancienne milice privée d’extrême droite ?

Parmi les nombreuses théories pour expliquer les tueries du brabant, on retrouve la piste de l’extrême droite qui aurait voulu déstabiliser l’Etat belge pour renforcer la gendarmerie. On y retrouve régulièrement le nom de Westland New Post (WNP), une organisation d’extrême droite crée en 1979 avec une quinzaine de membres, selon les médias flamands. Un certain nombre de ses membres avaient auparavant fait partie du Front de la Jeunesse, créé en 1973 et considéré comme dangereux par les autorités après que plusieurs membres eurent incendié les bâtiments de l’hebdomadaire Pour. Un hebdomadaire qui avait eu l’idée, trop audacieuse, semble-t-il, de leur consacrer un article à charge.

Le Front de la Jeunesse était principalement composé de fils de notables belges. Ils étaient opposés à l’ordre établi, mais vivaient un grand train grâce à l’argent de papa et maman. Lorsque le groupe a été poursuivi en justice et que la plupart des membres ont été condamnés, le Front a cessé d’exister. Tout du moins temporairement. Puisqu’il va renaître de ses cendres avec un nouveau nom inspiré par le café où ils se réunissaient, le New Post, et la proximité géographique du centre commercial Westland. Les membres du groupe auraient suivi une formation commando au coeur de la forêt de Soignes et ne pouvaient rejoindre ce club fermé qu’après une série de tests de « sélection ».

L’objectif de Westland New Post était de lutter contre le KGB et ce qu’il pensait être l’infiltration communiste au sein de l’armée et de la sécurité de l’Etat. On était alors en période de guerre froide et ils se voyaient comme étant en guerre contre les Russes. Paul Latinus, son fondateur, prétendait pour sa part que le WNP avait été créé par les services secrets américains pour combattre le communisme.

On ne sait s’ils ont réussi à démasquer des espions, ce qui est sûr par contre c’est que de nombreux membres du groupe se sont retrouvés sur les bancs des tribunaux. Le WNP aurait notamment commis plusieurs vols de documents de l’OTAN, dont des télex, au quartier général des forces armées belges à Evere entre juin 1981 et mai 1983 pour démontrer qu’il existait des failles dans le système de sécurité.

L’organisation ne va pourtant pas faire long feu. Lorsqu’on retrouve Paul Latinus pendu dans sa cave avec le câble du téléphone en 1984 (certains penchent plutôt pour un meurtre NDLR), cela va signer le glas de l’organisation. Un autre leader du groupe, Eric Lammers, va lui finir en prison. Il va être reconnu coupable avec un membre du groupe du meurtre d’un couple de bijoutiers anversois. Ce n’est d’ailleurs pas la seule affaire criminelle où Lammers et le WNP vont se trouver mêlés. Il va en effet être jugé avec Marcel Barbier pour le meurtre d’un jeune couple à Anderlecht en 1982, une affaire mieux connue sous le nom de l' »affaire de la rue de la Pastorale ». Une affaire qui restera une des grandes énigmes de l’histoire criminelle belge, puisque Eric Lammers fut acquitté faute de preuves.

Lammers va également déclarer plus tard qu’ils étaient sur le point d’assassiner le ministre PS de Justice, Philippe Moureau précise encore le Nieuwsblad. Toujours selon Lammers, le projet aurait été avorté après que le PS ait perdu les élections et qu’il fut remplacé par le libéral Jean Gol. Il est impossible de dire s’il s’agit là d’une réelle tentative ou d’affabulations.

Une banale querelle va attirer l’attention de la police

Une banale querelle dans la rue entre deux frères ivres va « révéler » l’existence du Westland New Post en 1983 dit la Gazet van Antwerpen. Une patrouille de police intervient un soir d’août à Forest. L’ex-paracommando Marcel Barbier, éméché, vient de tirer en pleine rue sur son frère Robert. À l’arrivée de la police, Barbier cherche à fuir en s’emparant d’une voiture. De quoi pousser la police à effectuer une fouille à son domicile. Le 17 août 1983, lors de la perquisition à la rue de Parme à Saint-Gilles, où étaient domiciliés Marcel Barbier et Michel Libert, les policiers ne vont pas en croire leurs yeux. Ils trouvent des armes, des cagoules et des documents top-secret de l’OTAN, ainsi que des laissez-passer pour le quartier général de l’armée à Evere. C’est comme ça qu’ils découvrent l’existence de Westland New Post.

Même au sein de la cellule Tueurs du Brabant, le rôle de WNP divise

Le groupe WNP est depuis des années aux centres de nombreuses discussions au sein de la cellule sur les tueurs du Brabant. Une partie du groupe des enquêteurs chargés de l’enquête est en effet persuadée que c’est là que doivent être cherchées les réponses autour des tueries du Brabant, toujours selon la Gazet van Antwerpen. Dès les années 80, les enquêteurs de la cellule de recherche de Charleroi sont convaincus que le WNP est la clé qui permettra de résoudre le mystère des tueurs du brabant. L’enquête parlementaire s’est également concentrée sur le groupe. Il existe différentes théories sur les raisons pour lesquelles ils auraient commis les attaques. Certains croient qu’ils voulaient créer un climat de peur. D’autres pensent que les attaques étaient une vengeance parce qu’un de leur membre a été condamné à la prison. « Mais nous n’avons jamais pu trouver de preuves matérielles » explique le parquet. Ce dernier va encore lancer une dernière opération d’envergure en ordonnant des perquisitions auprès d’ex-membres en 2014. On arrêtera même à nouveau Michel Libert. Sauf que celles-ci ne donneront rien poussant la juge d’instruction Martine Michel à clore cette piste.

Une décision qui ne va pas faire l’unanimité puisqu’une partie des troupes souhaitait continuer sur cette piste. Certains vont même claquer la porte. En 2015, des lettres anonymes seront envoyées aux autorités stipulant que l’enquête avait été boycottée. Le procureur général Christiaan De Valkeneer, qui dirigeait alors l’enquête, réagit en octobre de l’année dernière: « Ces auteurs affirmaient que je voulais couvrir les WNP et que nous cherchions à protéger les personnes de l’ancienne Sécurité d’Etat. Je suis d’accord que la piste est et reste très intéressante. Mais encore une fois: il n’y avait pas assez d’indications pour garder Libert et co. « 

Alors le WNP était-il une véritable milice privée menaçant l’état ou des fanatiques qui fomentaient beaucoup sans véritablement passer à l’action ? Encore aujourd’hui il est difficile de déterminer leur dangerosité réelle. De quoi alimenter les fantasmes et les théories complotistes les plus variées.

Le cas Christian Smets

Divers ouvrages, dont ceux du journaliste René Haquin, grand reporter au Soir, ont mis en avant « l’implication indirecte du commissaire de la Sûreté Christian Smets, alias le canard, dans des agissements violents du WNP, à la même époque que les tueries ». En novembre1981, le « Canard serait venu à plusieurs reprises « donner des cours sur les techniques de filature, de repérage et d’infiltration de groupe aux officiers du WNP » précise La Libre. Il avait une carte d’affilié du groupe. « L’infiltration du WNP a été confirmée par la Sûreté, tandis qu’est restée sans explication l’absence de rapports officiels justifiant ces missions particulières auprès de la hiérarchie, et ce de 1981 à mars 1983 » toujours selon La Libre. Ses motivations réelles restent donc pour le moins floues. On ne sait s’il était infiltré pour le compte de la Sûreté ou s’il était véritablement actif au sein de l’organisation.

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