Le lion de Waterloo © Belga

Waterloo : guerre d’ego sur le champ de bataille

L’organisation du bicentenaire est le théâtre de tensions et de coups bas. La faute au nombre d’acteurs présents sur le site et à la mauvaise gestion de quelques personnes ou institutions-clés. La barque a heureusement été redressée au dernier moment.

Explosif. Spectaculaire. Machiavélique. Surprenant. Voilà peut-être les adjectifs qui sortiront de la bouche des 200 000 spectateurs attendus en juin prochain aux reconstitutions de la bataille de Waterloo. Pour l’heure, ces quelques mots résument plutôt les pathétiques échanges qui se sont déroulés ces dernières années dans les coulisses du champ de bataille. Guerre ouverte (ou larvée), règlements de compte, coups bas : tout y est passé entre les différents acteurs pour tenter d’imposer leurs vues. Cette lutte d’influence a fait des victimes. Et beaucoup de dégâts collatéraux. L’enjeu : le pouvoir, une (petite) place dans l’histoire et un beau siège dans la tribune officielle.

Le nombre de structures et d’intervenants qui ont un pied sur le champ de bataille est bien trop nombreux. Qui retrouvait-on sur la ligne de départ ? La Région wallonne tout d’abord, incontournable par les fonds qu’elle injecte (40 millions). Les quatre communes sur lesquelles s’étend le champ de bataille (Lasne, Waterloo, Braine-l’Alleud et Genappe) ensuite, regroupées au sein d’une intercommunale. Sans oublier l’asbl Bataille de Waterloo 1815 qui s’occupe de l’animation, la Province, un opérateur privé en charge de la gestion quotidienne ou encore différentes associations d’historiens. Un beau micmac. « La solution était pourtant simple : laisser l’asbl gérer toute l’organisation, estime l’échevin waterlootois Yves Vander Cruysen (MR). Voyez la reconstitution de 2010, cela a été un grand succès organisé par l’asbl. »

Parmi les cafouillages à retenir, celui de l’attribution du marché de la scénographie en est un beau. La Région wallonne a pataugé dans ce dossier, retardant son aboutissement d’une dizaine d’années. En cause, une attribution entachée d’irrégularité. Le Mémorial sera prêt en juin, mais après de longues tergiversations.

Autre point négatif : les querelles personnelles. La situation est explosive en novembre 2013. Les tensions sont alors vives entre l’omniprésent Yves Vander Cruysen, directeur à l’époque de l’asbl Bataille de Waterloo 1815, Culturespaces et Nathalie du Parc, présidente de l’intercommunale Bataille de Waterloo. « Il s’est mis tout le monde à dos », confirme ce conseiller communal waterlootois. Vincent Scourneau, le bouillant bourgmestre MR de Braine-l’Alleud, l’a dans le collimateur et veut le faire tomber. Un membre du conseil d’administration de l’asbl ajoute : « Aucun plan financier pour le bicentenaire ne tenait la route. Il a fallu rattraper un retard considérable. »

La pression est telle qu’elle poussera Yves Vander Cruysen à démissionner pour raisons de santé. Serge Kubla, à l’époque encore bourgmestre de Waterloo, remet alors un pied sur le champ de bataille. A contrecoeur. Il est accompagné de son collègue brainois Vincent Scourneau, qui devient administrateur délégué de l’Intercommunale Bataille de Waterloo. « Il a mouillé sa chemise pour tenter de récupérer Culturespaces (NDLR : il a notamment réussi à ramener les indemnités de départ de 1,6 million à 200 000 euros). En vain. Depuis, c’est le seul maitre à bord. Il a fait de la place autour de lui pour avoir les mains libres. »

Il reste que l’obsession caricaturale de Vincent Scourneau d’imposer le nom de Braine-l’Alleud dans le cadre du bicentenaire fait sourire ses détracteurs. « Une ambition qui n’a pas aidé à créer un climat serein », note cet autre bourgmestre libéral. Mais Vincent Scourneau n’en démord pas : « Parler de la bataille de Waterloo est réducteur. Les quatre communes doivent être traitées de la même manière. » Histoire de contenter tout le monde, les rôles ont d’ailleurs été répartis : la partie protocolaire sera l’apanage de Braine-l’Alleud alors que Lasne accueillera les festivités.

« Waterloo 2015 sera, certes, arrivé à sa fin. Mais que d’inutiles pertes de temps et de conflits stupides a-t-il fallu subir pour arriver au bout », lance Yves Vander Cruysen. Avec Serge Kubla, il pourrait être l’un des grands absents de la tribune officielle.

Le dossier « Les réseaux du pouvoir à Waterloo et Braine-l’Alleud » dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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